La tribune publiée il y a quelques jours dans Le Monde rappelle le sens profond de l’action des soignants. Elle apporte un point de vue essentiel en cette période de crise épidémique. Les philosophes, sociologues, médecins, signataires accompagnent la Fondation Partage et Vie depuis six mois dans sa réflexion éthique.
Dans la tourmente de la pandémie, n’oublions pas les personnes âgées ! En France, elles sont plusieurs millions, dépendantes ou non, qui vivent en Ehpad ou à leur domicile. Ce sont aujourd’hui les plus exposées au risque de mourir du coronavirus, parce que leur organisme est moins robuste, leur santé déjà amoindrie par plusieurs pathologies fréquemment combinées.
Si nous n’agissons pas de toute urgence avec cohérence et avec force, une immense hécatombe menace, en France, en Europe et dans le monde, au cours des semaines et des mois qui viennent. Se résigner à cette issue est humainement inacceptable, et les moyens de lutter efficacement existent.
C’est pourquoi nous appelons chacun – notamment les intellectuels, les dirigeants politiques, les scientifiques, les représentants des autorités morales et religieuses, les citoyens dans leur ensemble – à se mobiliser aux côtés des personnels soignants et des responsables d’institutions qui accompagnent chaque jour les personnes âgées.
D’abord pour rappeler le principe éthique du droit à la vie de toute personne humaine, et pour combattre cette barbarie insidieuse qui porte à s’imaginer que les plus vieux seraient moins à défendre, presque à sacrifier. Que chaque personne âgée, en son for intérieur et en toute liberté, prenne la décision de donner la priorité aux plus jeunes, libre à elle ! Mais que l’Etat ou la société le fasse au nom d’une moindre valeur des années qui restent à vivre aux aînés est une perspective insupportable. Ensuite pour mettre en oeuvre, concrètement, tous les moyens de sauvegarder le plus grand nombre de vies et d’humaniser les conséquences de cette situation d’exception.
Il faut, de toute urgence, se donner les moyens de déployer des protocoles de protection des Ehpad et des services à domicile pour faire barrière au virus et en limiter la propagation en cas de contamination. D’abord, en s’assurant de la distribution effective des masques et autres équipements de protection individuelle aux soignants, car c’est d’abord par eux, malgré eux, que le virus peut s’introduire. Ensuite, en donnant la priorité aux Ehpad et aux services d’aide et de soin à domicile pour disposer des tests de dépistage qui permettront de mieux protéger ceux qui sont épargnés et de mieux soigner les malades, en facilitant leur hospitalisation lorsque leur pronostic vital est engagé.
Il faut, de toute urgence, imaginer et mettre en pratique tous les moyens de rompre l’isolement des personnes âgées sans mettre en péril leur sécurité, par téléphone et par Internet, afin de compenser l’absence de visites et de liens directs avec leurs familles et leurs proches.
Il faut, de toute urgence, pour les personnes en fin de vie, que les soins palliatifs soient pleinement assurés, que l’accompagnement des proches soit possible par communication à distance car la mort va être plus présente encore dans les Ehpad et les services à domicile.
Ne sous-estimons pas la symbolique douloureuse des restrictions imposées aux célébrations de deuil. Quel substitut donner à un lit de mort inaccessible ? Quel lien maintenir avec une famille endeuillée lorsque seuls deux proches pourront être admis auprès du défunt ? Comment appliquer avec humanité des consignes sanitaires extrêmement strictes en cas de décès liés au Covid-19 ?
Ce ne sont que des exemples. Ne manquons pas ce moment essentiel de notre vie commune. Cette mobilisation doit rassembler, sans exclusive, toutes les compétences et les bonnes volontés. Car la tâche est colossale, et elle n’attend pas.
Cet article a été publié par la Rédaction le