Penser l’exercice du métier en mobilité pour répondre aux attentes des professionnels ?
La légère hausse de l’âge moyen pour la profession d’opticien-lunetier en 2021 tout comme le recul continu des candidats au BTS-OL depuis 2016 (en dessous de 3 000 par an) témoignent de la baisse d’attractivité de l’exercice du métier en point de vente. Plus inquiétant encore, on observe depuis quelques années une « fuite » des diplômés. Dans ce contexte, Les Opticiens Mobiles – 1er réseau national d’opticiens spécialisés pour intervenir sur les lieux de vie et de travail des personnes actives comme des personnes fragiles (Grand âge et Handicap) – en partenariat avec IseeOp – cabinet de conseil en recrutement et développement des entreprises, notamment dédié aux acteurs de l’optique – publie ce jour une étude visant à comprendre la décision de certains professionnels de quitter le métier d’opticien en magasin, ou plus globalement le secteur de l’optique. Autant de chiffres apportant un éclairage sur les problématiques actuelles de baisse des vocations et de difficultés de recrutement. En voici les principaux enseignements :
Métier d’opticiens en magasin : une véritable crise des vocations
Pour près de 38% des professionnels de l’optique en magasin ayant fait le choix de changer de métier, la reconversion s’opère après 10 à 20 ans d’expérience. Une durée qui permet généralement – malgré la polyvalence du métier – d’avoir touché à toutes les facettes liées au fonctionnement d’un point de vente, effectué différentes missions (préparation en atelier, vente, marketing, comptabilité, gestion administrative avec les organismes obligatoires et complémentaires…), servi un vaste échantillon de clients aux pathologies diverses… et après laquelle il est possible de ressentir une certaine redondance dans son quotidien professionnel.
Parmi eux, 48% exerçait à un poste d’opticien-collaborateur, contre 21% à celui de responsable de magasin. En effet, pour les premiers, en raison de la taille souvent restreinte des structures optiques, la seule perspective d’évolution professionnelle qui puisse s’offrir à eux en point de vente est celle d’ouvrir leur propre magasin. Un changement important, qui nécessite qui plus est un investissement de base dont tous ne disposent pas.
À la source de ces reconversions, des raisons diverses et souvent multiples :
- le souhait de ne plus exercer le métier tel qu’il a aujourd’hui évolué en magasin (à 49%) ;
- un désaccord entre le métier exercé et ses valeurs personnelles (à 45%) ;
- des rémunérations inadéquates (à 44%) ;
- une image de la profession trop dégradée (à 43%) ;
- une incompatibilité entre vie professionnelle et personnelle (à 40%) ;
- ou encore des contraintes administratives trop importantes (à 34%).
Si les aspirations des professionnels de l’optique, quels que soient leurs postes, ne sont évidemment plus les mêmes après dix années de pratique qu’à la sortie de leurs études (Bac+2 ou Bac+3), ces motifs sont fondés. La mauvaise image de la profession véhiculée par le matraquage médiatique autour des opérations frauduleuses d’une minorité, la baisse continue des salaires depuis une dizaine d’années, le poids grandissants des complémentaires santé sur les services de tiers payants… autant de critères entraînant progressivement une perte de sens du métier (devenu bien différent de celui choisi et appris à l’école) qui justifient l’actuelle crise des vocations. Un phénomène d’autant plus vrai chez la jeune génération qui, constatant le vieillissement de la population, tend à voir l’optique de manière de moins en moins passive.
Opticiens : un phénomène de fuite du magasin accéléré par la crise
Les professionnels interrogés citent comme principaux éléments déclencheurs de leur reconversion des difficultés professionnelles (à 28%), qu’ils s’agissent d’épuisement professionnel ou de problèmes managériaux ; une prise de conscience du manque d’équilibre vie pro/perso souvent liée à la naissance d’un enfant (à 21%) ; et les récentes évolutions administratives et réglementaires (mutuelles, tiers payants, réseaux de soins…) (à 18%)… le tout évidemment accéléré par la crise sanitaire et les différentes périodes de confinement ou de couvre-feux. En effet, comme dans de nombreux autres secteurs, le temps de pause induit par la crise Covid leur a offert un moment de réflexion, replaçant au centre de leurs priorités leurs obligations personnelles, leur souhait de donner du sens à leur métier au quotidien ainsi la recherche d’un cadre de vie et de travail plus équilibré.
Ex-opticiens reconvertis : des profils polyvalents souvent laissés à eux-mêmes
La diversité des secteurs dans lesquels les professionnels de l’optique en magasin se sont reconvertis atteste une fois de plus de la polyvalence du métier. Ainsi, 23% se sont tournés vers la santé (une facette du métier comportant par exemple beaucoup de similitudes avec les missions des professionnels en laboratoires pharmaceutiques), le social et la culture ; 20% vers le commerce et le marketing ; et 10% vers la gestion, la finance et l’administration (s’agissant le plus souvent des profils de responsable de magasin).
Mais quand on leur demande comment ils ont fait pour changer de voie professionnelle, on constate alors un manque criant d’accompagnement de la profession sur ces questions métier et un défaut d’informations autour des solutions existantes, ce malgré la montée en puissance progressive des réseaux sociaux d’opticiens. Ainsi, 56% ont réalisé leur processus de reconversion seuls ; 23% avec l’aide de leur entourage (famille, amis) ; 16% via le soutien d’un organisme de formation et 14% en faisant appel à pôle emploi et/ou à un bilan de compétences.
Si pour beaucoup la rupture est consommée, l’optique reste un métier passion
Le verdict est sans appel : aujourd’hui 98% des anciens professionnels de l’optique en magasin pensent avoir fait le bon choix en se reconvertissant. Un constat alarmant, preuve que les différentes instances n’ont pas pris conscience des conséquences sur le terrain des décisions réglementaires et administratives prises ces dernières années. Un manque de considération des professionnels de l’optique en magasin qui peut notamment s’expliquer par l’absence d’un syndicat unifié pour tous les opticiens (quelque soit leur statut et leur pratique), alors même que la jeune génération a de plus en plus besoin d’être impliquée et de prendre part à un projet d’entreprise pour se sentir valorisée.
Si la rupture est actée pour près d’un tiers d’entre eux (31%), pour qui rien ne les ferait revenir dans le secteur de l’optique, beaucoup ressentent aujourd’hui le manque de ne plus opérer certaines missions : les examens et analyse de la vue pour 49% ; le travail à l’atelier pour 44% et la relation client pour 34%. Preuve que l’optique reste un métier passion. Il y a donc fort à réfléchir pour inverser la tendance !
Le métier d’opticien se transforme et s’adapte aux nouvelles habitudes de consommation et de vie des porteurs de lunettes (achat sur internet, hyperconnectivité, phénomène de myopisation mondiale, vieillissement de la population…). L’opticien doit donc être à la fois un professionnel de santé et un commerçant de son époque. Il doit être reconnu tant pour son utilité d’ordre public, pour la qualité de son travail et son expertise que pour son rôle de proximité avec les français. La formation d’opticien-lunetier reste une formation d’excellence et reconnue mondialement. Des formations complémentaires post-BTS existent et permettent d’accéder à une nouvelle façon d’exercer son métier, hors magasin.
Romain Lucas, fondateur du cabinet IseeOp, opticien de formation.
Matthieu Gerber, fondateur et CEO Les Opticiens Mobiles ajoute :
À la lecture des chiffres révélés par cette étude, force est de constater que le métier d’opticien en mobilité – en plus de répondre aux évolutions des consommateurs (multicanaux, en recherche de praticité, ou vieillissants) – est en parfaite adéquation avec les nouvelles attentes des professionnels du secteur. En se rendant directement sur les lieux de vie et de travail de ses clients, l’opticien gagne ainsi en liberté, en autonomie et en flexibilité dans l’exercice de son métier. Il se concentre ainsi sur la découverte des besoins, l’aspect humain, l’expertise et le conseil du professionnel de santé et délaisse les tâches administratives rébarbatives, le tout en conservant, à travers les bilans visuels, les aspects techniques qui lui sont chers. Opticien est l’un des plus beaux métiers du monde, alors soyons optimiste !
Cet article a été publié par la Rédaction le