Le Gouvernement publie le rapport IGAS-IGF sur la gestion des EHPAD du groupe ORPEA

AUTRES ACTUS ET INFORMATIONS SUR : EHPAD & MAISONS DE RETRAITE

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Conformément à l’engagement pris par Brigitte Bourguignon, ministre déléguée, chargée de l’Autonomie, lors de son audition devant la mission d’information sur le contrôle des EHPAD du Sénat le 29 mars, le rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) et de l’Inspection générale des finances (IGF) sur le groupe ORPEA est rendu public.

Les inspections, en lien avec les directions d’affaires juridiques des ministères concernés, ont procédé aux occultations strictement nécessaires, en application de la législation sur l’accès aux documents administratifs, permettant notamment de préserver la vie privée des personnes pouvant être identifiées dans le rapport, en particulier des résidents des EHPAD du groupe ORPEA, ainsi que l’identité d’entreprises fournisseurs du groupe ORPEA.

La commande de ce rapport incitait la mission à concentrer ses travaux sur huit points

  1. les suites apportées aux différents contrôles ou inspections effectués sur les établissements ainsi que la complétude des informations transmises ;
  2. les pratiques du groupe ou application des recommandations sur l’attribution aux établissements de consommables tels que les protections hygiéniques ou sur les enjeux liés à la nutrition des résidents ;
  3. les pratiques du groupe sur l’encadrement des patients les plus dépendants ;
  4. les pratiques managériales, le taux d’encadrement au sein des établissements et le temps de présence effectif des personnels (souvent soignants) auprès des résidents ;
  5. les modalités de signalement et le suivi des faits de maltraitance signalés par les proches des résidents et les professionnels et les actions développées pour les prévenir, en dialogue avec les résidents et leurs familles ainsi qu’avec le personnel ;
  6. les pratiques financières du groupe en matière de gestion des dotations « soins » et « dépendance », EHPAD par EHPAD, par département et globalement, et la sincérité des informations délivrées sur l’utilisation des financements publics aux autorités de tutelle ;
  7. la transparence des informations sur les établissements auprès des familles et des résidents ;
  8. les modalités de contrôle et d’évaluation interne permettant le respect des obligations légales communes à tous les établissements médico-sociaux accueillant des publics vulnérables.

Ces questions sont traitées dans six axes d’investigation appelés « annexes » qui ont fait l’objet
d’un échange contradictoire avec le groupe Orpea :

  • l’organisation et le fonctionnement des EHPAD du groupe Orpea ;
  • l’accompagnement et la prise en charge des personnes âgées ;
  • l’utilisation des forfaits « soins » et « dépendance » ;
  • l’organisation des achats et les relations avec les fournisseurs ;
  • les ressources humaines ;
  • les contrôles internes et externes.

Télécharger le rapport définitif IGAS-IGF sur la gestion des EHPAD du groupe ORPEA

Télécharger la synthèse consolidée et anonymisée du rapport

Affaire Orpea : Chronique d’un « scandale » au sein des maisons de retraite / EHPAD

Les conclusions du rapport ORPEA

L’organisation et le fonctionnement des EHPAD Orpea

  1. L’ORGANISATION DES ÉTABLISSEMENTS D’HÉBERGEMENT POUR PERSONNES
    ÂGÉES DÉPENDANTES (EHPAD) DU GROUPE ORPEA EST MARQUÉE PAR UN
    FORT DEGRÉ DE CENTRALISATION

    1.1. Les équipes de direction des EHPAD du groupe Orpea sont fragilisées par un turn over élevé dans certains établissements
    1.2. L’autonomie de la direction d’établissement est limitée par le niveau régional et le siège
    1.2.1. Le périmètre d’activité du directeur d’exploitation est assez restreint
    1.2.2. La direction régionale est un échelon central pour le pilotage des établissements en application des consignes du siège
    1.2.3. Des évolutions auraient été amorcées dans les modalités de pilotage des opérations sans se traduire dans les pratiques managériales
    1.3. Le projet d’établissement n’a qu’une place modeste dans la gouvernance quotidienne
    1.3.1. Le projet d’établissement ne structure pas l’activité de l’établissement
    1.3.2. Le plan de formation n’est pas toujours formalisé et se concentre sur les formations obligatoires et les mini-formations
    1.3.3. Les établissements tirent inégalement parti de leur environnement local
  2. LA PRÉVENTION ET LE SUIVI DES ÉVÈNEMENTS INDÉSIRABLES PÂTISSENT
    D’UNE PROCÉDURE COMPLEXE ET CENTRALISÉE AU NIVEAU DU SIÈGE

    2.1. La politique de promotion de la bientraitance est mise en œuvre de façon hétérogène par les EHPAD du groupe
    2.2. Malgré une procédure très encadrée par le siège, le circuit interne de traitement des évènements indésirables est peu formalisé au niveau des EHPAD
    2.3. ORPEA ne transmet aux autorités que les évènements indésirables les plus graves dans des délais souvent trop longs
    2.3.1. Les instances jouent un rôle de filtre
    2.3.2. Quatre événements indésirables graves sur cinq sont liés aux soins
    2.3.3. Les délais de transmission des événements indésirables sont ralentis par la procédure d’Orpea
  3. LA PARTICIPATION DES USAGERS AU FONCTIONNEMENT DE L’ÉTABLISSEMENT
    NE FAIT PAS L’OBJET D’UNE STRATÉGIE AFFIRMÉE DU SIÈGE

    3.1. Plusieurs formes de participation sont prévues mais mises en œuvre de façon hétérogène au sein des EHPAD
    3.2. Les résultats des enquêtes de satisfaction ne sont pas toujours exploités au niveau des établissements
    3.3. L’information donnée aux résidents ou à leurs représentants légaux devrait faire l’objet d’une plus grande attention
    3.3.1. Chaque EHPAD dispose de ses propres documents obligatoires d’information des personnes
    3.3.2. La proposition de désignation de la personne de confiance ne fait pas l’objet d’une traçabilité suffisante susceptible d’être contrôlée par la mission
    3.3.3. L’information des résidents sur les personnes qualifiées n’est pas systématique
    3.4. Les modalités et la qualité des liens avec les familles présentent une marge de progression dans de nombreux établissements
    3.4.1. Les modalités d’échange sont dépendantes des initiatives prises par les directions d’établissement
    3.4.2. Le traitement des plaintes et réclamations peut gagner en fluidité et en proximité avec les résidents et leurs familles
    3.4.3. Dans 99 % des cas, le délai de remboursement des résidents par Orpea dépasse les 30 jours réglementaires

L’accompagnement et la prise en charge des personnes âgées

  1. LE RESPECT DES CHOIX DE VIE DU RÉSIDENT MÉRITE UNE ATTENTION PARTICULIÈRE
    1.1. L’adéquation des profils de résidents admis aux capacités de prise en charge n’est pas garantie
    1.1.1. Les critères d’admission ne sont encadrés par aucune doctrine, et la préadmission n’est pas la règle
    1.1.2. Au niveau local la décision finale relève du directeur, et au niveau national il n’existe pas de suivi
    1.2. Le projet d’accompagnement personnalisé du résident est souvent absent, mal conçu ou peu connu des équipes
    1.3. Le projet de soins actualisé fait souvent défaut
    1.4. Les droits et libertés du résident ne font pas l’objet d’une information claire auprès des résidents et des familles
  2. LA PLACE DES SOINS AU SEIN DE LA PRISE EN CHARGE N’EST PAS GARANTIE DANS CERTAINS ÉTABLISSEMENTS D’ORPEA
    2.1. Les EHPAD se heurtent au fractionnement structurel de l’exercice médical entre médecin traitant et médecin coordonnateur, éventuellement régional
    2.1.1. Un EHPAD d’Orpea sur cinq (18 %) est dépourvu de médecin coordonnateur, ce qui ne singularise pas le groupe par rapport au reste du secteur
    2.1.2. Des « médecins prescripteurs » pallient dans quelques départements la carence en médecins traitants
    2.2. La présence des équipes de soins auprès des résidents s’avère souvent instable
    2.2.1. Des difficultés sont constatées dans la présence auprès des résidents, notamment au moment des levers et pendant la nuit
    2.2.2. Le rôle de l’infirmier coordinateur n’est pas suffisamment tourné vers la coordination externe à l’établissement
    2.2.3. Le mode d’intégration des nouveaux personnels ne garantit pas la transmission des savoirs
    2.2.4. Les différentes réunions d’équipe ne suffisent pas toujours à garantir la pluridisciplinarité des approches
    2.2.5. Les transmissions au sujet des résidents ne font l’objet que d’un seul temps d’échange formalisé par nycthémère
    2.3. L’organisation des soins a d’indiscutables fragilités
    2.3.1. Les personnels sont en incapacité de s’approprier les nombreux protocoles de soins et procédures
    2.3.2. Il est fréquent que le dossier médical ne permette pas la traçabilité des soins, sans que la responsabilité n’en incombe toujours à Orpea
    2.3.3. La vigilance sur le secret professionnel dit médical n’est pas totale
    2.3.4. En matière de suivi, l’état bucco-dentaire reste encore insuffisant, la psychiatrie étant un autre point de vigilance
    2.3.5. Il existe des points de vulnérabilité dans la prise en charge médicamenteuse et le circuit du médicament
    2.3.6. La prise en charge de la douleur et son évaluation n’ont pas la même rigueur dans tous les établissements
    2.3.7. La prise en charge des situations d’urgence constituait jusqu’ici une insuffisance qui fait aujourd’hui l’objet d’un plan de formation des personnels
  3. L’ACCOMPAGNEMENT DE LA DÉPENDANCE EST ALTÉRÉ PAR LE MANQUE DE TEMPS DES PERSONNELS
    3.1. La structuration de la journée des résidents est dictée par les « cadences » des personnels
    3.2. Le lien entre l’hygiène et le bien être des résidents est parfois rompu
    3.2.1. Le temps de la toilette n’est pas un moment de détente
    3.2.2. Il n’est pas identifié de rationnement systématique des protections mais des mésusages localisés en cas de formation insuffisante des personnels
    3.3. La surveillance cutanée des points d’appui et la prévention des escarres n’est pas un point critique mais reste tributaire des problèmes d’effectifs
    3.4. La traçabilité des fréquentes chutes est insuffisante et la prévention reste parfois inaboutie
    3.5. L’utilisation des contentions n’est pas suffisamment réévaluée
    3.6. Il n’existe pas de garantie suffisante que les besoins nutritifs des résidents soient systématiquement satisfaits
    3.6.1. Le repas est un plaisir nécessaire pour la personne âgée
    3.6.2. Les grammages des aliments sont sensiblement et systématiquement insuffisants
    3.6.3. En l’absence d’autres éléments probants que les grammages, il existe un sérieux doute quant à l’atteinte de l’apport calorique nécessaire
    3.6.4. Pour les résidents les plus dépendants, le temps des repas dépend de la disponibilité des personnels, avec des durées de jeûne nocturne excessives
    3.6.5. Alors que plus de la moitié des résidents ont une dénutrition modérée ou sévère, le protocole dénutrition est discutable
    3.7. L’accès au psychologue et au psychomotricien est très inégal
    3.8. La nature et la fréquence des animations interrogent sur la priorité qui leur est accordée

L’utilisation des financements publics pour la prise en charge des soins et de la dépendance par le groupe Orpea

L’objectif de ce chapitre est de répondre au point 6 de la lettre de mission confiée à l’inspection générale des affaires sociales et à l’inspection générale des finances qui demande à la mission d’examiner les « pratiques financières du groupe en matière de gestion des dotations « soins » et « dépendance » EHPAD par EHPAD, par département et globalement, la sincérité des informations délivrées aux autorités de tutelle »

En particulier, ce chapitre étudie, pour les années 2017 à 2020 :

  • le cadre juridique, l’évolution des financements publics reçus par le groupe et leur utilisation entre la masse salariale, les achats et les excédents ;
  • les procédures budgétaires mises en œuvre par le groupe Orpea et leurs effets sur la maîtrise des dépenses par les directeurs d’établissements ;
  • la construction par le siège des états réalisés des recettes et des dépenses» (ERRD) transmis aux autorités de tarification pour chacun des établissements du groupe ;
  • l’analyse des excédents réalisés sur les forfaits publics et de leur affectation par le groupe ;
  • l’emploi par le groupe Orpea des crédits non reconductibles octroyés par les agences régionales de santé (ARS) pour des dépenses d’investissement concourant au soin des résidents ;
  • la nature du contrôle effectué sur l’ensemble de ces points par les acteurs publics impliqués.

Les travaux de la mission ont été ralentis par la difficulté de fiabiliser les données transmises par le groupe. À titre d’exemple, la balance comptable générale, comprenant tous les établissements pour les années 2017 à 2019, n’a été transmise que le 7 mars 2022 après plusieurs itérations entre la mission et le groupe. En outre, le fonctionnement en silos des directions du siège mobilisées dans la gestion des financements publics et la gestion budgétaire (direction des relations établissements et services médicosociaux, service du contrôle de gestion, comptabilité) a rendu nécessaire un travail important de consolidation des données transmises par chacun d’eux. Enfin des écritures comptables sont passées sur la base de tableaux transmis par les différentes directions sans que le service de la comptabilité ne dispose de toutes les pièces justificatives, ce qui fragilise l’utilisation des données comptables dans le cadre du contrôle.

À l’issue de ses travaux, la mission dresse les constats suivants :

  • les forfaits globaux soins et dépendance du groupe Orpea en soins et en dépendance ont augmenté respectivement de 12,4 % et de 3,0 % entre 2017 et 2020 en raison notamment de la convergence tarifaire. Dans le même temps la masse salariale brute financée sur ces enveloppes a augmenté de respectivement 8,0 % et 5,6 % ;
  • la procédure budgétaire suivie par le groupe pour chacun des EHPAD implique notamment :
    • la « mise en réserve » d’une partie du forfait « soins » qui ne figure pas dans le budget cibles des établissements afin de permettre, en fin d’année, l’imputation de plusieurs charges. Cette mise en réserve correspond à 80 000 € en moyenne par établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD). Le principe de cette mise en réserve au moment de l’élaboration des budgets des établissements n’est pas contesté par le rapport mais son montant, qui va au-delà des sommes pouvant être imputées a posteriori au soin ;
    • un suivi budgétaire resserré des établissements au travers des directions régionales, avec la mise à jour mensuelle des plans d’action visant à assurer le respect des objectifs budgétaires fixés par le groupe ;
    • des opérations de retraitements à la clôture par la direction des relations établissements et services médico-sociaux (DRESMS) conduisant à augmenter les dépenses imputées aux établissements et déclarées aux autorités tarificatrices afin de justifier de l’usage des fonds publics. Ces opérations comprennent notamment :
      • le paiement par le forfait soins des établissements des auxiliaires de vie faisant fonction d’aide-soignant, sans justification de leur(s) diplôme(s), du suivi d’une formation ni des activités réalisées ;
      • ponctuellement, la bascule d’une partie de la masse salariale des auxiliaires de vie quand leur nombre dépasse celui qui était prévu dans l’état prévisionnel des recettes et des dépenses, bascule effectuée par le siège sans justification des diplômes, du suivi d’une formation ni des activités réalisées ;
      • les primes d’intéressement des agents et les primes qui ne sont pas automatiquement intégrées à la paye (prime exceptionnelle pour l’activité, prime Covid) ;
      • une partie des impôts et taxes du groupe (taxe sur les salaires du siège, contribution économique territoriale, contribution sociale de solidarité sur les sociétés, participation des employeurs à l’effort de construction, contribution AGEFIPH3, assurance responsabilité civile) ;
  • les excédents dégagés sur les forfaits publics, qui doivent être affectés à des dépenses de soin et de dépendance, représentent en cumulé plus de 35 M€ dont 20 M€ depuis 2017. Ces excédents ne font l’objet d’aucun suivi comptable précis4, et seuls 3 % ont été utilisés par Orpea ;
  • les crédits non reconductibles font l’objet d’un suivi plus précis, sans pour autant être dépensés davantage, le stock de crédits non reconductibles accumulé par le groupe représentant 6 M€ ;
  • les ARS ont signalé à Orpea certaines irrégularités depuis 2017 (bascules d’auxiliaires de vie censées faire fonction d’aide-soignant, imputations irrégulières de certaines charges comme l’assurance responsabilité civile) sans que le groupe n’y donne suite autrement qu’en ne reconduisant pas les pratiques indiquées dans les comptes des EHPAD concernés, alors même que ces pratiques sont généralisées à l’échelle du groupe.

La conclusion de la mission est que la procédure budgétaire retenue par le groupe Orpea conduit à dégager des excédents sur les forfaits et à permettre une minoration desexcédents déclarés par l’imputation de dépenses qui ne devraient pas l’être. L’atteinte des budgets cibles fixés aux établissements implique un pilotage fin de la masse salariale et des charges variables de la part des directeurs régionaux du groupe susceptible d’avoir un impact sur la qualité des soins apportés aux résidents des établissements.

Au total, la mission considère qu’entre 2017 et 2020, 50,2 M€ ont été indûment payés par Orpea sur ses forfaits soins :

  • une part de la contribution économique territoriale du groupe, estimée à 18,0 M€ par la mission ;
  • 70 % de la rémunération d’auxiliaires de vie « faisant fonction » d’aides-soignants et d’auxiliaires de vie sans justification de leurs diplômes, du suivi d’une formation ni des activités réalisées à hauteur de 27,8 M€ ;
  • la rémunération d’une partie des auxiliaires de vie quand leur nombre dépasse ce qui était prévu dans l’état prévisionnel des recettes et des dépenses à hauteur de 2,35 M€ ;
  • la prise en charge de la contribution sociale de solidarité des sociétés, à hauteur d’1,6 M€ ;
  • la prise en charge d’assurance, notamment la responsabilité civile à hauteur de 0,5 M €.

Ces montants représentent par exemple 1,5 équivalent temps plein (ETP) d’aides-soignants ou assimilés toutes charges comprises par an et par établissement du groupe Orpea. En outre, la mission a constaté que les excédents réalisés sur les forfaits par le groupe Orpea (20 M€ depuis 2017) n’étaient pas suivis spécifiquement et sont donc susceptibles d’apparaître au résultat du groupe, ce qui va à l’encontre du principe d’affectation de ces excédents posé par le code de l’action sociale et des familles (article R. 314-244). Les montants des excédents non-utilisés depuis 2017 représentent 0,56 ETP d’aides-soignants supplémentaire par an et par EHPAD. Au total, une utilisation conforme des forfaits octroyées et des excédents réalisés aurait conduit les résidents du groupe Orpea à bénéficier du travail de deux aides-soignants ou assimilés supplémentaires par établissement et par an.

L’organisation des achats et la relation avec les fournisseurs du groupe Orpea

  1. LA CHAÎNE DES ACHATS DU GROUPE EST CENTRALISÉE, LES ÉTABLISSEMENTS
    AYANT UNE FAIBLE AUTONOMIE DANS LE CHOIX DES BIENS ET SERVICES
    COMMANDÉS

    1.1. Les services supports du siège exercent un contrôle fort sur les contrats signés avec les fournisseurs
    1.2. Les commandes hors alimentaire représentent […] M€ en 2021 soit […] % du montant total et font l’objet d’un contrôle des directeurs régionaux sur un logiciel dédié selon des seuils définis par région
    1.3. Une organisation distincte a été mise en place pour les achats alimentaires qui représentent […] M€ en 2021 soit […]%
    1.3.1. Les commandes alimentaires se font uniquement au sein d’un catalogue de références hébergé sur une plateforme distincte
    1.3.2. L’approvisionnement en denrées alimentaires est géré par la filiale […], basée au Portugal et dirigée par le directeur des achats groupe
    1.4. Le service achats groupe dispose de chiffres consolidés permettant des comparatifs entre établissements
    1.5. 16 % des achats hors alimentaire concernent deux fournisseurs : […] et […]
    1.6. La mission n’a pas mis à jour d’anomalie majeure dans la fourniture de protections contre l’incontinence
  2. LA PERCEPTION DE COMMISSIONS SUR LES ACHATS A POUR CONSÉQUENCE LA REMONTÉE DANS LE COMPTE DE RÉSULTAT DU GROUPE DE 3 À 5 M€ PAR AN DE FONDS PUBLICS DESTINÉS AU FINANCEMENT DES SOINS ET DE LA DÉPENDANCE
    2.1. Orpea prévoit historiquement dans ses relations avec les fournisseurs des remises de fin d’année, qui ont progressivement été transformées en contrats de prestation de service
    2.2. Le caractère douteux de l’avantage donnant lieu à des commissions laisse à penser qu’il s’agit bien de remises de fin d’année, pour un montant cumulé de 13 à 18 M€ sur les soins et la dépendance entre 2017 et 2020
    2.2.1. Le cadre juridique actuel exige un avantage réel accordé au fournisseur en contrepartie du paiement d’une prestation de service
    2.2.2. La mission a analysé un échantillon de seize commissions dont il ressort au moins quatre irrégularités et le constat que les prestations sont majoritairement imprécises ou inhérentes à la relation contractuelle
    2.2.3. La facturation des prestations de service analysées est par ailleurs contraire aux exigences de transparence du code du commerce
    2.2.4. La requalification en RFA de ces commissions signifierait que sur la période 2017-2020, 13 à 18 M€ ont été indûment remontés dans le compte de résultat d’Orpea au lieu de financer des charges afférentes aux soins et à la dépendance

L’organisation et la gestion des ressources humaines du groupe Orpea

  1. L’ORGANISATION DE LA GESTION DES RESSOURCES HUMAINES SE CARACTÉRISE PAR LE RÔLE PRÉPONDÉRANT DES DIRECTEURS RÉGIONAUX ET UNE PRESSION FORTE TENDANT À L’OPTIMISATION DE LA MASSE SALARIALE
    1.1. La chaîne hiérarchique est conçue de telle manière que les directions régionales font écran entre le siège et les directeurs d’établissement, dont l’autonomie est contrainte
    1.1.1. Au-delà du rôle de coordination et de support, la direction des ressources humaines organise une gestion très centralisée du personnel
    1.1.2. La structure repose sur quinze directeurs régionaux, responsables de la supervision des établissements, de la définition des budgets et de la validation des recrutements
    1.1.3. L’autonomie et les compétences limitées des directeurs d’exploitation contrastent avec la responsabilité juridique qui leur incombe
    1.1.4. La dureté des relations entre siège et directeurs d’établissements se reflète dans le taux de rotation des directeurs, la proportion de licenciements et les condamnations de la société au contentieux
    1.1.5. La gestion des carrières par Orpea ne favorise guère le développement professionnel et privilégie, s’agissant des cadres, les promotions internes d’employés administratifs
    1.1.6. L’architecture des systèmes d’information tout à la fois impose un suivi et un pilotage constants de la performance des établissements, et contraint les marges de manœuvre des directeurs
    1.2. La priorité donnée aux indicateurs liés à la masse salariale et au taux d’occupation peut donner lieu à des dérives concernant le respect des capacités d’accueil autorisées
    1.2.1. Le système de primes des directeurs accorde un poids important aux indicateurs de performance financière, modulés de façon significative par l’atteinte d’objectifs de qualité
    1.2.2. L’animation du réseau des directeurs régionaux incite à une optimisation des indicateurs de performance, en particulier le taux d’occupation, le chiffre d’affaires et la masse salariale
    1.2.3. Les directeurs d’exploitation subissent une pression par différents biais pour les contraindre à une maîtrise stricte de la masse salariale, qui peut être mise en œuvre sans aucune considération pour les conditions de prise en charge des résidents
    1.2.4. Le dépassement du nombre de résidents autorisés a été identifié comme une pratique récurrente, qui a concerné 11 % des EHPAD Orpea en 2019
    1.3. La stratégie de relations sociales adoptée par Orpea conduit à affaiblir la portée du dialogue social et le recours à leurs représentants par les salariés
    1.3.1. Le syndicat interne majoritaire se positionne en partenaire de la direction.
    1.3.2. Les IRP, centralisées et de fait maitrisées par le syndicat majoritaire, réduisent très fortement les capacités d’action des autres organisations syndicales
    1.3.3. La négociation d’entreprise est très contrainte et de fait très peu dynamique
  2. DANS UN CONTEXTE SECTORIEL CERTES TENDU, ORPEA ENREGISTRE UNE SITUATION EN MATIÈRE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES PLUS DÉGRADÉE QUE LA MOYENNE, ET SA STRATÉGIE D’ATTRACTIVITÉ ET DE FIDÉLISATION APPARAÎT INSUFFISANTE
    2.1. Des indicateurs suggèrent une tension sur les ressources humaines plus forte chez Orpea que dans la moyenne des EHPAD lucratifs privés
    2.1.1. Le secteur des structures médico-sociales, et plus particulièrement les EHPAD, présente des enjeux d’attractivité qui pèsent sur les capacités de recrutement des établissements
    2.1.2. Le groupe Orpea recourt davantage que le reste du secteur aux contrats courts et au licenciement
    2.1.3. Si le groupe Orpea a initié une politique de santé au travail et de qualité de vie au travail centrée sur la réduction de la sinistralité et de l’absentéisme, ceux-ci restent malgré tout élevés
    2.1.4. Les motifs de fin de contrat de CDI sont similaires chez Orpea à ceux de l’ensemble des EHPAD du secteur privé, mais le groupe recourt davantage aux licenciements non économiques
    2.2. La réponse en termes de développement RH formulée par le groupe n’apparaît pas à la mesure des difficultés de recrutement rencontrées sur le terrain et des enjeux liés à la fidélisation du personnel et à la qualité de ses conditions de travail
    2.2.1. La fonction recrutement est longtemps restée en-deçà des enjeux d’attractivité
    2.2.2. La politique de rémunération apparaît centrée sur la maitrise de la masse salariale et ne constitue ni un levier d’attractivité ni un outil de développement professionnel
    2.2.3. Le recours à des « faisant fonction », répandu dans le secteur, est largement pratiqué par Orpea
    2.2.4. Malgré la tolérance de cet usage dans le secteur, le glissement de tâches est problématique tant sur le plan de la prise en charge que d’un point de vue juridique et budgétaire
    2.2.5. Une partie de ces glissements de tâches est justifiée par des procédures de
    VAE, dont l’un des objectifs assumés est de basculer de la masse salariale sur le budget soins
    2.2.6. Le groupe Orpea rattache au secteur « aide-soignant » et finance à 70 % sur ses dotations soin les auxiliaires de vie « faisant fonction » d’aide ssoignants
  3. LE GROUPE MAINTIENT UNE PRESSION SALARIALE D’AUTANT PLUS INOPPORTUNE QU’ELLE ENTRE EN CONTRADICTION AVEC DES TAUX D’ENCADREMENTS INFÉRIEURS AUX MOYENNES DU SECTEUR ET CONDUIT À DES EFFECTIFS PARFOIS INSUFFISANTS POUR ASSURER LA PRISE EN CHARGE DES RÉSIDENTS
    3.1. La mise en place des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) réduit au strict minimum les obligations ou objectifs en termes d’effectifs soignants et d’encadrement au sein des EHPAD
    3.2. Le groupe Orpea présente un taux d’encadrement plus faible que le reste du secteur alors même que certains de ses établissements sous-consomment les volumes d’ETP qui leur sont accordés dans le cadre des conventions tripartites
    3.2.1. Les taux d’encadrement moyens d’Orpea apparaissent, tous personnels confondus, inférieurs à ceux des EHPAD privés dans leur ensemble, et des EHPAD privés à but lucratif en particulier
    3.2.2. L’analyse des conventions tripartites encore en vigueur met en exergue la pratique, dans certains établissements, de ne pas avoir recours à l’ensemble des effectifs validés
    3.3. Les effectifs des établissements inspectés, notamment aides-soignants, sont parfois insuffisants pour assurer une prise en charge de qualité aux résidents au vu de leur nombre et de leur niveau de dépendance

Les contrôles externes et internes

  1. LES PROCÉDURES INTERNES DE CONTRÔLE ET D’ÉVALUATION SONT NOMBREUSES ET VALORISÉES PAR LA COMMUNICATION D’ORPEA
    1.1. Orpea s’est dotée d’un nombre considérable de normes d’application volontaire
    1.1.1. Les référentiels applicables sont nombreux et s’ajoutent aux normes de droit ou de bonnes pratiques
    1.1.2. Le choix récent de se doter d’une procédure de responsabilité sociétale de l’entreprise (RSE)
    1.2. Parallèlement, Orpea dispose de mécanismes de contrôle nombreux et structurés, mais cloisonnés et peu hiérarchisés
    1.2.1. Les mécanismes d’évaluation interne sont nombreux et très structurés
    1.2.2. Les mécanismes d’évaluation et de contrôle internes apparaissent relativement cloisonnés
    1.3. La communication du groupe survalorise parfois les référentiels liés aux normes d’application volontaire, qui apparaissent au final peu contrôlés
    1.3.1. Des outils valorisés par la communication du groupe
    1.3.2. Des outils partiellement contrôlés et parfois présentés sous un angle très favorable
  2. LES PROCÉDURES DE CONTRÔLE ET D’ÉVALUATION EXTERNES MONTRENT QUE LES DYSFONCTIONNEMENTS D’ORPEA SONT LARGEMENT IDENTIFIÉS ET QUE CEUX-CI SE RETROUVENT EN GRANDE PARTIE À L’ÉCHELLE DU SECTEUR DES EHPAD
    2.1. Les contrôles menés par les autorités de contrôle, même s’ils donnent par construction une vision dispersée du réseau d’Orpea permettent d’identifier des récurrences et de les mettre en perspective par rapport au reste du secteur
    2.1.1. Les moyens de contrôle des ARS sur la délivrance des services par les EHPAD sont multiples mais pâtissent d’une difficulté à obtenir des informations de qualité
    2.1.2. Les inspections diligentées par les ARS identifient des dysfonctionnements récurrents des EHPAD du réseau Orpea mais suggèrent que celui-ci n’est dans l’ensemble pas atypique au sein du secteur
    2.1.3. La campagne d’inspections en cours pilotée par les ARS confirme les dysfonctionnements déjà identifiés même si des actions correctives ont parfois été mises en place
    2.2. Le dispositif d’évaluations externes, en cours de mutation, donne d’Orpea une vision cohérente avec les retours des inspections menées par les ARS
  3. LE DISPOSITIF DE SUIVI DE LA QUALITÉ A VOCATION À RETRACER L’ENSEMBLE DES ACTIONS CORRECTIVES QUELLE QU’EN SOIT L’ORIGINE, MAIS NE PERMET PAS D’IDENTIFIER LES ENJEUX LES PLUS IMPORTANTS
    3.1. L’outil PAQ a vocation à centraliser l’ensemble des actions correctives, mais n’est pas complété de manière fiable
    3.2. L’outil PAQ n’autorise qu’un suivi quantitatif et peu différencié en fonction de l’importance ou de l’urgence des actions à entreprendre
    3.3. Les suites données aux contrôles des ARS sont inégales et révèlent fréquemment une persistance des écarts rencontrés précédemment
    3.3.1. Les vérifications opérées par la mission révèlent des situations contrastées
    3.3.2. Les constats réalisés par les ARS mettent en évidence, au-delà de corrections de court terme, une récurrence et une persistance des manquements identifiés lors des inspections antérieures à 2022

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Cet article a été publié par la Rédaction le

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