Pour la sixième année consécutive, la Fondation APRIL, en partenariat avec l’Institut de sondage BVA, publie les résultats de son Baromètre des aidants.
Chaque année depuis 2015, ce Baromètre étudie la perception des Français quant à l’univers des aidants et leurs proches, leur profil, leur quotidien, leurs attentes et leurs besoins, en matière de santé, d’accompagnement
ou de législation.
Un système pour comprendre la situation des aidants
L’objectif de la Fondation APRIL est d’apporter un éclairage réaliste et mis à jour chaque année sur cette thématique en pleine expansion et encore impactée par de nombreuses idées reçues : peu d’hommes sont aidants, on aide seulement ses parents, les aidants doivent s’arrêter de travailler… et
de démêler le vrai du faux sur tant d’autres affirmations. Au-delà de cet état des lieux, le Baromètre de la Fondation APRIL met en miroir la perception des aidants face à celle des « non-aidants ».
Par ailleurs, chaque année, un focus spécifique est réalisé en lien avec la thématique choisie lors de la journée nationale des aidants le 6 octobre. Cette année c’est la question du répit, droit créé en 2015, qui a été retenue. C’est ce jour que seront présentés les résultats du baromètre aidants 2020 à l’occasion de l’événement « Les Assises des aidants », organisé par le CCAH, AROMATES, KLESIA et la radio VIVRE FM.
Que nous apprend le Baromètre des aidants 2020 ?
Le Baromètre de la Fondation APRIL permet d’épaissir certains traits qui apparaissaient parfois en filigrane les années précédentes. On apprend par exemple que près d’un aidant sur deux est un homme, que la très grande majorité des aidants a moins de 65 ans ou encore que l’aide à un proche est essentiellement liée à une situation de dépendance due à la vieillesse et qu’en conséquence, la part des multi-aidants augmente. Il en ressort également que les impacts négatifs sont parfois surestimés par le grand public alors que les aidants les ressentent moins.
Cependant, les pistes d’amélioration que proposent ces derniers sont nombreuses et montrent bien des attentes fortes vis-à-vis des pouvoir publics… bien au-delà du droit au répit instauré il y a quelques années.
Des premières constatations édifiantes
Le 1er constat porte sur le fait que depuis 5 ans la connaissance du terme « aidant » évolue régulièrement pour atteindre presque 1 français sur 2 (48%). Pour la seule comparaison avec l’an dernier, cet item augmente de 7 points (41 % en 2019). Cependant, il y a encore un immense travail d’information à mener auprès des aidants eux-mêmes puisque même si 53 % d’entre eux connaissent désormais le terme, près de 2/3 d’entre eux s’ignorent encore.
Quel est le profil type d’un aidant en France aujourd’hui ?
Qui sont les aidés et quelles sont les évolutions depuis 2015 ? Comment cette relation impacte le quotidien de « ces duos » pas comme les autres ? Qu’attendent concrètement les aidants pour rendre leur rôle plus facile ?
Autant de questions et de réponses à découvrir dans le Baromètre des aidants 2020 qui permettra, cette année encore, de pointer du doigt les aprioris et d’illustrer toutes les facettes de la vie d’aidant.
Près d’un aidant sur deux est un homme (42 %), loin des idées reçues. De plus, les aidants ne sont pas que les enfants de l’aidé : ils sont également les petits-enfants, les neveux, les amis, les conjoints… d’un proche en situation de handicap et/ou de dépendance. Autre information importante du profil d’aidant en 2020, 80 % des aidants ont moins de 65 ans, dont la moitié a moins de 50 ans. On note qu’il n’y a pas d’âge pour devenir aidant, on parle de jeune aidant pour un enfant, adolescent, ou jeune adulte de moins de 25 ans qui vient en aide, de manière régulière et fréquente, à un membre de son entourage proche malade, en situation de handicap ou de dépendance.
Une reconnaissance des aidants qui fait un bond en 2020
Si la crise sanitaire liée au covid-19 a bouleversé la donne et la façon de prendre soin des autres, on assiste cette année à une reconnaissance accrue du statut d’aidant par le grand public qui ne connait pourtant pas toujours la réalité de ceux qui accompagnent un proche au quotidien. Mais c’est la forte négation de leur propre statut par les aidants eux-mêmes qui marque les résultats aujourd’hui et reste plus que jamais une priorité majeure dans la poursuite des actions d’information.
Des aidants toujours aussi peu conscients de leur statut
Cependant, s’ils connaissent aujourd’hui bien le terme (53 % des interrogés contre 34 % il y a quelques années), les aidants ont toujours un peu de mal à mettre des mots concrets dessus et sont toujours aussi peu conscients de leur statut puisqu’aujourd’hui près de 2/3 d’entre eux s’ignorent encore : ils sont 6 sur 10 exactement à ne pas se considérer aidant.
Cette progression de 20 points en cing ans sur la notoriété générale du
Fabienne Ernoult, Déléguée générale à la RSE et Fondation APRIL
terme d’aidant que nous constatons est encourageante, et nous pouvons
nous féliciter de cet impact dû sans doute à la convergence des diverses
initiatives en direction des aidants. Néanmoins, il reste du chemin pour la prise de conscience des aidants eux-mêmes, de leur condition. 6 sur 10 s’ignorent, c’est ce que nous avons constaté avec notre observatoire qualitatif des aidants. Il faut souvent plusieurs mois voire des années pour se reconnaitre comme tel.
L’augmentation des multi-aidants, une situation de plus en plus fréquent
À la question « A qui apportez-vous votre aide ? », 61 % des aidants déclarent accompagner une seule personne. Cependant, on assiste cette année à l’émergence d’un nouveau phénomène avec une nette augmentation de la part des multi-aidants puisqu’ils sont aujourd’hui 39 % à déclarer aider deux personnes ou plus avec une augmentation de 5 points sur cette réponse par rapport au Baromètre 2019. C’est le plus haut niveau atteint depuis sa création en 2015.
Un métier en constante évolution
Autre évolution notable cette année, 58 % des aidants déclarent apporter leur aide à un proche en situation de dépendance due à la vieillesse (+ 12 points depuis l’année dernière) alors qu’ils sont « seulement » 35 % à s’occuper d’un proche malade (contre 48 % en 2019). Une tendance qui s’est
inversée en un an et qui suit également la courbe de vieillissement de la population française. En effet, l’allongement de la durée de vie va continuer de générer de façon mécanique l’augmentation régulière des multi-aidants sur les années à venir.
L’investissement en temps a toujours un impact direct sur la santé des aidants mais cette année les aidants sont moins nombreux à en percevoir les effets négatifs. Que ce soit le manque de sommeil (21 %) le moral (20 %) ou encore la vie sociale (20 %), chacun des items est en baisse par rapport à l’étude de l’année précédente (- 6 point pour le sommeil, – 7 pour l’impact sur le moral et jusqu’à – 11 points concernant la vie sociale).
À ce jour ce sont les non-aidants qui ont plutôt tendance à identifier l’impact négatif du statut d’aidants. Selon eux, la situation d’aidants a des impacts négatifs sur les 3 grands items suivants : la vie sociale (sorties, loisirs) pour 47 %, la vie professionnelle de l’aidant (40 %) ainsi que sa vie conjugale (39 %).
Quel type d’aide apportent les aidants à leurs proches ?
En majorité et dans l’ordre, les aidants apportent à leurs proches aidés un soutien moral (66 %). On peut noter une hausse significative sur l’aide pour les activités domestiques qui passe de 58 % en 2019 à 66 % cette année soit 8 points de progression en une année, ce qui fait passer cet item à égalité avec le soutien moral. Cet accompagnement sur les activités domestiques (aide pour les courses, le repas…) est davantage pratiqué par les personnes aidant leurs grands-parents (78%). Enfin, en troisième position et également en progression, on retrouve la surveillance en téléphonant ou en venant voir l’aidé (53 % + 5 points en un an).
Les aides peuvent prendre différentes autres formes comme : accompagner la personne dans ses déplacements (48 %), l’aide administrative (suivi des comptes, par exemple) pour 42 %, ou encore l’aide pour l’organisation des relations avec les professionnels de santé et avec les prestataires de services à domicile pour 39 % des aidants. Des chiffres à mettre en perspective dans le contexte post-confinement impactant la perception de l’isolement.
Quel statut pour les aidants actifs ?
A ce jour, 62 % des aidants sont actifs et ils sont 54 % à être salariés, une situation qui reste complexe car non seulement les aidants passent du temps à accompagner les aidés (soin, visite, coordination auprès des professionnels de santé…) mais ils doivent également assurer la plupart du
temps un emploi à temps plein alors que leur situation peut engendrer des absences, de la fatigue morale ou mentale les obligeant parfois à recourir à un allégement de leur temps de travail (temps partiel) ce qui entraine également une baisse de leurs revenus. Depuis l’adoption en mai 2019 de la loi de la Sénatrice Jocelyne Guidez visant à favoriser la reconnaissance des aidants, leur situation et leurs besoins sont heureusement de mieux en mieux perçus et compris par les pouvoirs publics.*
Des aidants moins nombreux à percevoir l’impact négatif de leur statut
Il est évident que plusieurs impacts négatifs jouent sur le quotidien des aidants, toutefois la perception évolue. En effet, l’an dernier 27 % des sondés pensaient que leur rôle d’aidant jouait sur leur moral, ils ne
sont plus aujourd’hui que 20 % en 2020 à penser de la sorte. Par ailleurs, alors que 31 % sentaient que leur statut limitait leurs loisirs et leurs sorties en 2019, ils sont désormais 20 % à avoir ce sentiment. Autre impact négatif du statut d’aidant qui peut entrainer un réel inconfort au quotidien, la qualité du sommeil s’en trouve aussi altérée pour 21 % des interrogés.
Quelles sont les difficultés rencontrées par les aidants ?
Nombreuses sont les difficultés qui peuvent être rencontrées par les aidants et là aussi, la perception est différente si l’on est confronté ou non à ce quotidien. Cette année, selon les aidants, le manque de temps reste le principal obstacle rencontré au quotidien même s’il demeure en baisse avec désormais 35 % des réponses contre 40 % en 2018. Il grimpe cependant
à 46 % pour les familles avec 1 ou 2 enfants.
Une volonté de retenir le positif
Point positif de leur engagement, 85 % d’entre eux déclarent que leur statut permet de renforcer la relation avec l’aidé (contre 77 % l’an dernier). Là encore, le contexte très particulier de ce début d’année 2020 peut être un facteur expliquant cette forte augmentation. Cependant, ils doivent rester vigilants quant à leur moral et veiller à s’octroyer des « respirations » nécessaires à leur équilibre. Mais pour les non-aidants, la perception est toute autre. Selon eux, ce rôle semble peser majoritairement sur les loisirs, les sorties et la vie sociale de l’aidant pour 47 % des personnes interrogées, mais aussi sur la vie professionnelle (40 %) et la vie de couple (39 %).
Vers qui l’aidant peut-il se tourner pour être, à son tour, soutenu et conseillé ?
Face aux obstacles identifiés, le soutien et l’aide au quotidien sont essentiels pour permettre aux aidants de concilier leur rôle auprès de l’aidé et vie personnelle comme professionnelle. Sans réelle surprise, le médecin généraliste reste l’acteur qui soutient le plus les aidants dans leur rôle selon eux (32 %), bien que cette proportion baisse de 7 points depuis 2019. Néanmoins, dans le cas où l’aidant accompagne un conjoint, cette proportion grimpe à 51 %, confortant ainsi le rôle du médecin généraliste comme le référent et le soutien naturel de l’aidant.
Ensuite, un aidant sur quatre cite l’infirmière qui intervient parfois quotidiennement auprès de l’aidé et qui peut se faire le relais et le soutien de façon régulière. Il convient de préciser que lorsque l’aidé vit en institution (en EHPAD par exemple), ce chiffre grimpe à 35 %, l’infirmière étant souvent le lien avec l’extérieur.
En troisième position, les services à domicile restent un relais et un soutien pour 22 % des aidants, mais cette réponse est en baisse de 5 points. Par ailleurs, le médecin spécialiste, l’assistante sociale ou encore les services dédiés des collectivités peuvent aussi apparaitre dans une moindre mesure, comme un soutien pour les aidants.
Le manque de considération et de valorisation, un vrai ressenti des aidants
Malgré une perception souvent plus positive de leur statut, la grande majorité des aidants estiment ne pas être suffisamment valorisés dans leur rôle par les pouvoirs publics (85%, en hausse de 2 points). Ce chiffre grimpe à 92 % pour ceux qui aident leurs grands-parents. Ce manque de considération est aussi ressenti plus généralement par le grand public.
Près de 9 Français sur 10 (86 %) considèrent que les pouvoirs publics ne valorisent pas assez le rôle d’aidant, un chiffre lui aussi en hausse de 2 pts depuis 2019.
Parmi les pistes d’action qu’ils souhaiteraient voir engagées, les aidants estimeraient « très utile » une meilleure coordination entre les acteurs pour 56 % d’entre eux, ce chiffre grimpant même à 59 % pour les aidants avec un aidé à domicile. Mais d’autres pistes sont aussi évoquées comme un maintien à domicile de l’aide facilité pour 54 %. Ce chiffre peut être vraisemblablement remis dans le contexte de la crise sanitaire du COVID-19 où les institutions ont été particulièrement frappées. Ceux qui accompagnent plusieurs proches sont 62 % à souhaiter une réelle avancée de ce côté-là.
En outre, 48 % des aidants jugeraient « très utile » une aide financière ou matérielle, ce chiffre montant à 6 Français sur 10 en général. Par ailleurs, pour plus d’un Français sur deux, les pistes d’action peuvent aussi passer par des formations dédiées (54 %) et un aménagement du temps de travail pour 52 % d’entre eux. Enfin, de nombreuses autres idées d’accompagnement sont énoncées comme une vraie reconnaissance sociale, le soutien psychologique ou encore le développement de maisons de répit accueillant ponctuellement l’aidé ou l’aidant.
Cet article a été publié par la Rédaction le