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Le cercle vertueux du « Design for all »
L’exemple que l’on cite régulièrement pour illustrer le « design for all », c’est la télécommande des télévisions, aujourd’hui accessoire indispensable au fonctionnement de multiples terminaux électroniques domestiques.
Cet appareil a été conçu initialement pour permettre aux personnes handicapées en fauteuil de pouvoir commander à distance le fonctionnement d’une télévision sans être obliger de demander une aide humaine. Les composants mis en œuvre étaient connus depuis longtemps et utilisés dans d’autres domaines pour réaliser des commandes à distance (ouverture de portail, …). Les premières unités fabriquées en petite série étaient probablement assez chères. A ce moment-là, les utilisateurs se sont rendu compte que chacun utilisait la télécommande d’une manière naturelle sans différence. Après ce premier pas, les industriels fabriquant des télévisions, ont compris que cette télécommande était une interface particulièrement ergonomique pour leur téléviseur. En peu de temps, l’ensemble des téléviseurs ont été équipés d’une télécommande en standard sans différence de prix. A partir de ce moment-là, les personnes handicapées et les personnes âgées ayant des difficultés à se déplacer, ont acheté comme tout le monde des TV avec télécommande. Le fait d’utiliser une télécommande n’est plus un indice visible d’une personne handicapée devant une télévision.
Nous connaissons dans notre environnement de plus en plus de matériels électroniques ayant des caractéristiques « design for all », téléphone à grosses touches, commande vocale … détecteur de présence et de passage, détecteur de luminosité crépusculaire, …
Nous n’y faisons plus attention, car ils nous simplifient la vie à nous tous. Les personnes handicapées ou en perte d’autonomie peuvent donc acheter un appareil indispensable pour eux au prix le plus bas possible et sans être obligées de demander une faveur spéciale pour s’équiper. Le cercle vertueux du « design for all » est bouclé.
Ce concept de « design for all » n’est pas naturel pour les industriels des TIC, dont les marketeurs formés aux techniques de la grande distribution, sont souvent dans l’illusion que les produits innovants achetés en premier par des « early adopters », et des jeunes s’adapteront au reste de la population qui sera obligée de suivre.
Cette tendance culturelle au jeunisme technophile est expliquée dans ‘Being Digital’ (l’homme numérique) 1995 par Nicolas Negroponte, Laboratoire Média Lab du MIT, comme l’un des principaux facteurs d’échec de la diffusion de nouvelles technologies de communication dans le grand public. Les ingénieurs ont tellement peur que l’on puisse associer l’image de leur magnifique produit à une personne âgée ou à une personne handicapée, qu’ils font tout pour gommer une caractéristique qui pourrait laisser penser qu’elle puisse être utile à tous.
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Cet article a été publié par la Rédaction le