A l’occasion de la 2ème édition de la Journée des solitudes, la Fondation de France rappelle les résultats de son étude 2018 sur les solitudes en France consacrée aux personnes handicapées ou malades. La forte incidence de ces maladies chez les seniors fait de ces derniers une population particulièrement vulnérable à la solitude.
Fléau universel, les effets de la solitude sont encore décuplés lorsque cette dernière vient s’ajouter à un handicap ou à une maladie chronique. Et pour cause : problèmes de douleurs, fatigue ou encore mobilité réduite, temps consacré aux soins ou aux démarches administratives… Comment faire pour avoir une vie sociale quand un handicap ou une maladie chronique mobilise tout le temps et toute l’énergie du quotidien ?
12% de la population Française vit isolé avec un handicap ou une maladie chronique
Depuis 2010, la Fondation de France dresse chaque année un état des lieux de l’évolution des solitudes en France. L’édition 2018 de cette enquête quantitative et qualitative, menée avec le CREDOC entre mai et juillet1, s’est intéressée spécifiquement à la solitude des personnes en situation de handicap ou souffrant d’une maladie chronique ou de longue durée : 32% se sentent seules (contre 22% dans la population générale), et 8 sur 10 en souffrent.
Cette étude permet de comprendre plus finement les incidences du handicap ou de la maladie, un moyen pour la Fondation de France d’agir encore mieux pour changer le regard de la société et aider chacun à trouver sa place dans la société. L’enjeu est d’autant plus important que, dans un peu plus de 8 cas sur 10, les manifestations du handicap ou de la maladie ne sont pas vraiment visibles, menant parfois à de la dissimulation, de la honte, mais aussi une certaine incompréhension de l’entourage.
Qu’entend-on par « solitude » ?
Sont considérées comme objectivement isolées les personnes ayant des contacts physiques, au-delà du simple « bonjour », à une fréquence inférieure à plusieurs fois par mois avec les cinq réseaux de sociabilité : famille, amis, voisins, collègues, membres d’une association. Cette définition ne préjuge pas du sentiment de solitude.
La difficile articulation entre handicap / maladie et vie sociale
Le handicap ou la maladie chronique représente un terreau fertile pour un isolement souvent mal vécu : 50 % des personnes isolées en situation de handicap ou de maladie chronique se sentent fréquemment seules (vs 41 % des personnes isolées mais n’ayant ni handicap ni maladie). La grande majorité en souffre : 83 % (vs 77 %).
Une des raisons à cette situation vient de ce que 62% des personnes handicapées ou malades et isolées déclarent que leur handicap ou leur maladie a des incidences négatives sur leurs sorties quotidiennes. En cause : la douleur, la fatigue, ainsi que les difficultés de mobilité. 65% des personnes avec un handicap ou une maladie sont, en effet, limitées dans leurs capacités physiques (12% dans leurs capacités psychiques et 16% dans d’autres capacités). Cette situation les oblige à renoncer à créer ou entretenir une vie sociale. Parfois, le renoncement est temporaire, en fonction des périodes de crise ou de répit : 50% des personnes déclarant un handicap ou une maladie sont impactées de façon irrégulière, avec des crises et des périodes plus calmes, un manque de prévisibilité constituant un frein à la sociabilité.
« L’isolement exacerbe les sentiments négatifs des personnes atteintes d’un handicap ou d’une maladie chronique. Tous les pans de leur quotidien sont touchés. Elles ont une mauvaise estime d’elles-mêmes, ce qui impacte leur vie professionnelle et le lien qu’elles entretiennent avec leur entourage. C’est un cercle vicieux à combattre », décrypte Axelle Davezac, directrice générale de la Fondation de France.
Les témoignages montrent également que, pour les personnes handicapées ou malades, le temps consacré aux soins ou aux démarches administratives empiète sur les autres temps de la vie : les moments passés entre amis ou en famille, la vie professionnelle pour ceux qui ont un emploi, et cela en plus de la gestion du quotidien (courses, ménage…). Dans certaines situations, toute l’énergie des personnes est mobilisée pour cette prise en charge, ne laissant plus de place à une vie sociale.
Quand la crainte d’être un poids entraîne le renoncement à la vie sociale
Alors que 30 % des personnes isolées en situation de handicap ou atteintes d’une maladie disent ne recevoir « aucune aide » dans la prise en charge de leur pathologie, il est surprenant d’apprendre que plus d’1 sur 4 (27 %) estime ne pas en avoir besoin. Ce taux est de seulement 20 % pour les personnes souffrant d’un handicap ou d’une maladie mais qui ne sont pas isolées.
Ces personnes isolées sont aussi celles qui se disent le moins soutenues par leur famille (9 % seulement vs 18 %). Elles comptent plus sur les professionnels de santé (74 %) que leur famille (63 %) en cas de difficultés, ce qui peut être considéré comme une « sociabilité non choisie ».
Certaines sont dans une attitude de renoncement : 48 % des personnes isolées en situation de handicap ou de maladie ont souvent le sentiment d’être « un poids pour leurs proches » (vs 33 % pour l’ensemble, des personnes isolées). Il découle de tout ce ceci que 51 % limitent leurs relations pour ne pas avoir la sensation d’être un poids pour leur entourage, une attitude identique déclarée par seulement 35 % des personnes isolées sans handicap ou maladie.
La Fondation de France s’engage auprès des seniors
La Fondation de France mène différentes actions pour lutter contre les solitudes en France, dont certaines sont tournées vers les personnes âgées, à travers un programme dédié. Elle est ainsi à l’origine notamment du projet « Colorer la vie ! » mené auprès de l’Ehpad La Maison des Vergers à Montreuil et consistant en des échanges artistiques autour de la peinture décorative entre les personnes âgées et les enfants d’une école élémentaire. L’objectif? Prévenir les sentiments d’inutilité et d’isolement des personnes qui entrent dans un établissement.
Notes :
1 Méthodologie CREDOC – L’étude quantitative a été réalisée online, auprès d’un échantillon de 3 586 personnes représentatives des résidents français en logement ordinaire âgées de 18 ans et plus (du 24 mai au 12 juin 2018), sélectionnées selon la méthode des quotas, et de 72 personnes accueillies dans un établissement médicosocial (du 28 mai au 16 juin). L’étude qualitative a été menée en juin et juillet 2018 auprès de 22 personnes en population générale ou en établissement médico-social : 20 entretiens par téléphone et 2 entretiens en face à face d’une durée variable entre 45 minutes et 1h45. Leur recrutement a été réalisé à partir des répondants au questionnaire en ligne, qui se sont indiqués comme volontaires pour réaliser un entretien.
Cet article a été publié par la Rédaction le