Xerfi vient de publier une étude sous le titre : « Les nouveaux défis des acteurs du grand âge – Crise sanitaire, loi grand âge et autonomie, papy-boom : quels risques et opportunités de développement face aux multiples bouleversements ? » réalisée par Jean-Christophe Briant, expert des secteurs et marchés Services de santé et Seniors.
La filière du grand âge a payé un lourd tribut à la crise sanitaire. Les victimes de l’épidémie dans l’Hexagone souvent très âgées, résidaient dans un établissement pour personnes âgées (essentiellement des EHPAD) ou étaient accompagnées par des prestataires à domicile. Meurtrière pour les plus fragiles, cette crise sanitaire s’est également révélée traumatisante pour les personnels et déstabilisante pour les structures d’accompagnement du grand âge. Elle a mis en lumière les dysfonctionnements des activités entre défaut de valorisation des prestations (modèles de financement inefficients) et des personnels (niveaux de salaires, pénibilité amplifiée par les sous-effectifs et difficultés de recrutement) et sous-dimensionnement des structures (problématique de taille critique). De fait, elle constitue une opportunité unique de redéfinir l’ordre des priorités stratégiques de la filière, soit :
- la consolidation des métiers des acteurs avant tout
- l’adoption de véritables stratégies numériques indispensables à un développement optimal des structures
- la diversification de l’offre et des concepts pour satisfaire des logiques de « libre choix » et de parcours chères aux pouvoirs publics et aux papy-boomers.
Après avoir rapidement apporté des garanties de financement aux acteurs du grand âge durant la crise, les pouvoirs publics doivent demeurer animés par ce sentiment d’urgence. Ils devraient ainsi anticiper certaines mesures attendues dans le cadre d’une future loi Grand âge et autonomie prometteuse. À ce titre, l’annonce le 20 mai 2020 de la relance du projet de création d’une cinquième branche (dépendance) de la Sécurité sociale constitue le premier signe encourageant d’une politique de transformation plus volontariste.
Pour pérenniser et développer l’activité des acteurs en offrant des prestations de qualité, la consolidation des métiers du grand âge s’impose comme un axe de développement prioritaire d’une filière comprenant (hors activités sanitaires) les prestations à domicile (SAAD, SSIAD et SPASAD), l’hébergement intermédiaire (ex : résidences autonomie et résidences services seniors) et les EHPAD. La quête de la taille critique pour permettre aux exploitants de desserrer le carcan concurrentiel (y compris réglementaire et législatif) et ainsi dégager des marges intrinsèques grâce aux mutualisations et synergies interne à la structure ou au groupe est fondamentale. A ce petit jeu, les acteurs privés commerciaux sont les mieux placés. Ils disposent en effet de nombreux atouts tels que des modèles de financement libres (à l’image des SAAD ou des EHPAD) ou des leviers de croissance plus puissants (ex : franchise pour les SAAD, stratégies immobilières pour les EHPAD, soutien de puissants actionnaires et financeurs pour les résidences services seniors).
L’adoption de véritables stratégies numériques ne doit pas non plus être négligée. Les acteurs de la prise en charge des seniors fragilisés ou en perte d’autonomie (comme les EHPAD, les services de maintien à domicile ou les solutions d’hébergement intermédiaire) affichent des niveaux d’équipement et de maturité de leur système d’information (SI) sensiblement inférieurs à ceux des opérateurs des services de soins par exemple. Une telle situation entraîne une sous-optimisation de leurs stratégies de développement (concentration, diversification voire coordination) et des difficultés d’accès à l’innovation numérique.
La diversification de l’offre et des concepts des acteurs du grand âge est le troisième axe de développement prioritaire. Elle satisfait, en effet, à la fois des besoins de continuité et de coordination des prises en charge (logique de parcours) et des besoins de diversité de solutions d’accompagnement (logique « libre choix ») chers à la nouvelle génération de seniors « fragilisés » (les très nombreux papy-boomers). À l’évidence, les caractéristiques de leur cœur de métier et leur statut – et les ressources stratégiques liées – seront des facteurs discriminants de la capacité d’intégration des activités de la filière. Les acteurs engagés dans ces stratégies d’intégration doivent également veiller à sélectionner et équilibrer judicieusement leurs modalités de croissance en mêlant innovation interne, alliances et acquisitions. Par ailleurs, ils ne doivent par sous-estimer les enjeux de la coordination des activités du grand âge mais aussi de l’information et de l’orientation des seniors.
L’émergence de grands groupes toujours plus « intégrés »
Les faibles niveaux de concentration constatés sur la plupart des marchés du grand âge et la diversification limitée de nombre d’acteurs illustrent la forte fragmentation de la filière et les difficultés des opérateurs à se développer. On constate tout de même ces dernières années l’émergence de grands groupes « mono-métiers » et « polyvalents » notamment de statut privé.
Les premiers cités – à l’image des groupes de services à domicile (ex : Oui Care, Groupe A2micile, Groupe Destia, structuration à l’échelle départementale des réseaux ADMR, UNA ou Adédom), de résidences services seniors (ex : Domitys, Les Girandières, Les Senioriales) ou d’EHPAD (Domidep, Sedna ou Vivalto Vie) – sont marqués par un positionnement sur des marchés aux caractéristiques particulières (ex : phase de développement précoce d’équipement, logiques de duplication d’un savoir-faire, modèles économiques en place ne pouvant être profitables que dans une logique de taille critique ou ressources stratégiques spécifiques).
De leur côté, les « Groupes d’hébergement » (EHPAD, résidences autonomie, résidences services seniors) comme Emera, SGMR Les Opalines, Arpavie ou Univi, les « Groupes de santé » (EHPAD, activités sanitaires) à l’image des Groupements Hospitaliers de Territoires (GHT), des UGECAM ou de LNA Santé et, surtout, les « Groupes intégrés » (domicile, hébergement voire activités sanitaires) comme Korian, Orpea, VYV 3 ou Groupe SOS, se diversifient au sein de la filière du grand âge. Ils suivent ainsi des logiques de ressource ou compétence stratégiques facilitant l’entrée sur un nouveau marché, de parcours bénéfique pour la personne âgée ou encore de flux efficient qui séduit des acteurs privés commerciaux vivement encouragés par les pouvoirs publics et les autorités de tutelle et en quête de nouveaux relais de croissance.
Cet article a été publié par la Rédaction le