Débat national sur la dépendance : Synthèse des travaux du groupe de travail « Société et vieillissement »

AUTRES ACTUS ET INFORMATIONS SUR : CINQUIEME RISQUE

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Cette synthèse a été présentée ce jour à l’occasion d’une conférence de presse du Ministère des Solidarités et de la Cohésion Sociale.

Une double conviction a animé ce groupe de travail.

  • La prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées sera d’autant meilleure que les français accepteront le vieillissement comme un élément positif de leur parcours de vie.
  • La dynamique du lien social, l’intégration dans la ville et le quartier, dans les réseaux sociaux, qu’ils soient familiaux ou amicaux, sont des composantes essentielles du bien vieillir et de la prévention de la perte d’autonomie.

Pour le groupe, ces convictions vont à l’encontre de la vision négative actuelle du vieillissement et de la perte d’autonomie des personnes âgées qui explique en partie un « déni de projection », une approche fataliste peu propice à la prévention et des politiques peu imaginatives du grand âge.

Ces constructions sociales péjoratives sont en décalage avec les réalités actuelles : grâce aux progrès médicaux, économiques et culturels, la vieillesse se concrétise aujourd’hui plus tardivement que le « couperet » encore très présent de l’âge de 60 ans ou maintenant de 65 ans; la perte d’autonomie des personnes âgées ne touche qu’une minorité de personnes très âgées et peut être évitée ou retardée non seulement par des actions médicales, et médico‐sociales, mais aussi sociales qui visent à maintenir vivants les liens des personnes âgées avec leur entourage et leur
voisinage.

a) Cadre de vie, habitat, logement : un nouvel axe fort des politiques du bien vieillir chez soi

Penser le logement des personnes âgées comme un élément du bien vieillir, conçu dans un environnement favorable, mixant les générations, à proximité de services et d’équipements, devrait être fortement encouragé, traduisant un choix collectif pour le maintien à domicile : obligation pour les communes et les intercommunalités de prendre en compte le vieillissement dans les documents locaux d’urbanisme, échanges de pratiques et promotion d’expériences probantes entre les villes, les bailleurs sociaux, les agences d’urbanisme, favorisés par les ministères du logement et de la cohésion sociale mais aussi l’association des maires de France.

Dans ce cadre, le développement d’habitats adaptables et adaptés au vieillissement et à la perte d’autonomie, intermédiaires entre le domicile et l’établissement, pourrait être une orientation nouvelle des politiques publiques du vieillissement, accompagnée en tant que de besoin par des expériences tarifaires de prise en charge des soins et du soutien social pour les résidents âgés. Ces expérimentations devront être évaluées pour être reproductibles et comparées aux coûts de la prise en charge en établissement.

De même, l’adaptation des logements privés à la perte d’autonomie apparaît comme un axe prioritaire immédiat, conforme à la fois au souhait des français de vieillir chez eux (73% des plus de 60 ans sont propriétaires de leur logement) et à une logique préventive (prévention des chutes et maintien du lien social).

Les propositions du groupe de travail visent à faciliter ces aménagements, notamment pour les personnes les plus modestes par une augmentation du budget de l’ANAH, une affectation volontariste et plus développée des fonds d’action sociale existants des caisses vieillesse et un financement par les départements facilité par une modification de l’APA : la France pourrait ainsi rattraper le retard qu’elle connaît dans ce domaine par rapport à d’autres pays européens.

b) Le pari de la prévention

L’affirmation d’une politique de prévention plurielle (médicale, médico‐sociale et sociale) de la perte d’autonomie, forte, visible, conduite dans la durée, évaluée, organisée, est essentielle : elle pourrait permettre à l’ensemble de la population de vieillir en meilleure santé, contenir l’augmentation du nombre de personnes en perte d’autonomie et limiter, le cas échéant, l’ampleur des incapacités, offrant ainsi un impact financier non négligeable.

Actuellement, la représentation pessimiste et fataliste du vieillissement, couplée à l’absence de cadre national de référence pérenne ou réactualisé de la prévention, la dispersion des actions et des acteurs, la faible professionnalisation des opérateurs font de la prévention un axe « mou » des politiques publiques, dont ni les contenus, ni les dimensions financières ni les résultats ne sont identifiés.

Les orientations du groupe conduisent à fédérer les acteurs par la mise en place d’un cadre stratégique national et des référentiels communs, à mieux cibler les actions de prévention sur les personnes qui en ont le plus besoin, à engager des expérimentations, évaluées, avec des professionnels de santé, des établissements médico‐sociaux ou des caisses de retraite.

Deux scénarios d’organisation des acteurs de la prévention au niveau territorial sont proposés, les ARS étant, dans les deux cas, les chefs de file des schémas de prévention territoriaux, articulés avec les départements et les communes : l’un voit les caisses vieillesse devenir des acteurs de premier plan dans ce domaine, en articulation étroite avec les ARS (à l’instar du modèle de contractualisation mis en place avec les caisses d’assurance maladie), sans financement supplémentaire, grâce au redéploiement volontariste de leur action sociale et au développement des partenariats entre les différents régimes; l’autre donne ce rôle aux départements sous réserve que de nouveaux moyens leur soient affectés soit par transfert des fonds d’action sociale des caisses vieillesse soit par affectation de moyens supplémentaires.

c) Une coordination à concrétiser enfin autour des personnes et de leurs familles

La multiplicité des acteurs et des financements consacrés à la perte d’autonomie ne saurait justifier l’extrême complexité que les personnes âgées et leurs familles doivent affronter. La dispersion actuelle des actions emporte pour la collectivité une moindre optimisation de ses efforts par le recours aux formules de prise en charge les plus couteuses (hospitalisations, par exemple), en dépit des dispositifs de coordination empilés sans succès depuis 30 ans.

Une organisation des acteurs doit aujourd’hui aboutir à la mise en place d’une sorte de « guichet unique » pour les personnes âgées et leurs familles : cette fonction de coordination, distincte de la mission d’attribution des aides, doit être pérenne opérationnelle, et de proximité, donc reconnue par la loi qui doit désigner une autorité responsable. Si l’un des scénarios propose de confier ce rôle aux ARS, il serait plus logique de l’attribuer aux départements responsables de la politique gérontologique et qui pourront l’organiser au plus près des besoins. Quel que soit le pilote retenu la mise en place de cette mission exige des moyens qui ont été évalués à 135 millions d’euros.

La coordination permettra, sur la base d’une évaluation multidimensionnelle rénovée des besoins d’aide des personnes âgées, de mobiliser plus efficacement à leur bénéfice non seulement l’APA mais aussi des moyens médicaux, médicosociaux (services de soins à domicile) ou sociaux (adaptation du logement, associations bénévoles qui interviennent pour lutter contre l’isolement).

d) Une reconnaissance des aidants et des soutiens organisés par le département

Cette coordination fournirait aux aidants proches des personnes âgées un soutien préservant leur investissement fondamental et complémentaire à l’effort collectif.

Toute prospective sur l’aide familiale future est extrêmement fragile tant il est difficile d’anticiper sur l’évolution des relations familiales ou la propension des uns et des autres à aider ou être aidé.
En revanche, il est certain que l’aide sera d’autant plus importante que les aidants seront soutenus. Dans cet objectif, le groupe propose que leur information et leur soutien par des dispositifs adaptés (formation, aides au répit) soient reconnus par la loi comme une fonction qui devrait être confiée au département et organisée par cette collectivité territoriale. Des améliorations doivent également être apportées pour rendre plus aisée la fonction d’aidant, notamment en matière d’articulation avec la vie professionnelle.

Le groupe considère enfin que le développement des solidarités locales et associatives doit constituer un objectif de premier rang pour mieux accompagner le vieillissement de la population.

e) Expérimenter les nouvelles voies d’une politique du bien vieillir

Les politiques du bien ou du mieux vieillir sont à mener sur la durée. D’abord parce qu’elles vont prendre du temps à se mettre en place et à porter leurs fruits : réorientation des fonds d’action sociale des caisses vers la prévention et l’adaptation du logement, politiques de l’urbanisme, développement des habitats intermédiaires, aménagement des logements… En outre, le développement des connaissances et l’expérimentation sur une durée convenable (5 ans) sont nécessaires pour tester de nouveaux outils, les évaluer et, le cas échéant les adapter pour les généraliser.

Si ces propositions étaient retenues, les politiques devront ajuster leurs outils et leurs méthodes pour expérimenter et évaluer ces axes nouveaux. Une feuille de route (calendrier, objectifs) et une organisation en mode projet pourraient être définies au niveau interministériel pour tenir les démarches expérimentales des nombreux chantiers et en tirer des conclusions opérationnelles et pérennes. C’est ainsi qu’a procédé l’Allemagne depuis 15 ans maintenant.

Le mode de gouvernance devra être adapté aux problématiques émergentes. Par exemple, en matière de logement et d’urbanisme, le niveau central interministériel (logement, santé, cohésion sociale) ou régional doit être animateur (production de référentiels, promotion d’études et de recherches) et facilitateur des échanges d’expériences de terrain (communes et intercommunalités) dans une logique « bottom up ». En matière de tarification expérimentale des soins et des soutiens aux personnes âgées dépendantes notamment à domicile, le niveau central (CNSA, assurance maladie, ministères) devrait se positionner en pilote réactif aux propositions de terrain des ARS. Si les départements devenaient les responsables de la coordination des acteurs autour des personnes âgées et de l’organisation des soutiens aux familles, la CNSA devrait être renforcée dans son rôle de pilotage.

Finalement, le bien vieillir est l’affaire de tous : le groupe estime qu’il est bon qu’il le reste. Cette implication, actuellement synonyme de dispersion, peut devenir une force si les acteurs sont mieux organisés. Les nouveaux axes d’une politique du « bien vieillir » et les principes de coordination qui lui sont attachés ne sont ni des gadgets, ni des éléments périphériques à la résolution des enjeux de financement de la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées ou qui serviraient à les masquer. Ce sont des axes centraux qui peuvent modifier l’approche « déficitaire » et finalement assez fataliste de la vieillesse et de la perte d’autonomie mais aussi optimiser l’effort public qui leur sera consacré.

> Consulter le rapport complet des travaux du groupe de travail « Société et vieillissement »

Source : Ministère des Solidarités et de la Cohésion Sociale


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Cet article a été publié par la Rédaction le

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