Cette synthèse a été présentée ce jour à l’occasion d’une conférence de presse du Ministère des Solidarités et de la Cohésion Sociale.
Les perspectives d’évolution de la population de personnes âgées dépendantes résultent de deux types de facteurs : premièrement le vieillissement de la population, deuxièmement l’évolution des déterminants sanitaires et sociaux qui, à chaque âge, influent sur le risque de dépendance.
Les projections démographiques 2010 de l’INSEE font apparaître une nette augmentation de la population de plus de 80 ans à l’horizon 2060, liée à la fois au vieillissement de la génération du baby-boom et à l’allongement de l’espérance de vie. Le profil d’évolution de la population de plus de 80 ans sur les cinquante prochaines années reflète fortement l’effet générationnel ; en particulier, cette population connaît une croissance rapide entre 2026 et 2054, liée à l’arrivée à cet âge des générations du baby-boom, nées entre 1946 et 1974.
Concernant les déterminants du risque de dépendance, le groupe a d’abord fait le constat qu’on ne disposait pas de tendance claire sur une période longue de l’évolution de la dépendance à chaque âge, ni d’une connaissance précise des différents déterminants de la dépendance et de leur évolution. Toutefois, au vu notamment des dernières analyses statistiques de l’INED, qui suggèrent un récent ralentissement de la progression de l’espérance de vie sans incapacité comparativement à l’espérance de vie, des études internationales, ainsi que des incertitudes relatives à l’évolution de la maladie d’Alzheimer, le groupe de travail a retenu trois hypothèses globalement un peu moins optimistes que celles qui avaient été retenues lors des précédentes projections au début des années 2000 :
- une hypothèse pessimiste de stabilité des taux de dépendance modérée à chaque âge et de stabilité de la durée de vie passée en dépendance lourde ;
- une hypothèse optimiste de stabilité de la durée de vie passée en dépendance : dans cette hypothèse, les gains d’espérance de vie correspondent intégralement à des gains d’espérance de vie sans incapacité ;
- une hypothèse intermédiaire dite « neutre » où la part de l’espérance de vie sans incapacité dans l’espérance de vie à 65 ans reste stable.
Ainsi, la proportion de l’espérance de vie sans dépendance dans l’espérance de vie à soixante-cinq ans reste stable dans l’hypothèse centrale, à 85 % pour les femmes et 92 % pour les hommes, progresse de l’ordre de 2 points entre 2010 et 2060 pour les femmes comme pour les hommes dans l’hypothèse optimiste et recule dans l’hypothèse pessimiste de l’ordre de 2 points pour les femmes comme pour les hommes.
Les projections ont été réalisées avec le concours de la DREES et de l’INSEE à partir des données relatives à l’allocation personnalisée d’autonomie (APA). Dans l’hypothèse intermédiaire, le nombre de personnes âgées dépendantes en France métropolitaine serait multiplié par 1,4 entre 2010 et 2030 (de 1 150 000 à 1 550 000 personnes) et par 2
entre 2010 et 2060 (de 1 150 000 à 2 300 000 personnes).
La forme de la courbe d’évolution jusqu’en 2060 traduit l’effet de la structure démographique : ralentissement de la progression sur la période 2020-30 liée à l’arrivée aux âges de la dépendance des classes creuses des années 1930 ; accélération ensuite avec l’arrivée des baby-boomers à l’âge de 80 ans ; puis ralentissement à partir de 2045.
Les écarts entre les différentes hypothèses restent modérés jusqu’en 2030, puis s’accentuent jusqu’en 2060 : ainsi, dans l’hypothèse optimiste, la population de personnes âgées dépendantes en métropole serait de 1 400 000 en 2030 et de 1 850 000 en 2060 ; dans l’hypothèse pessimiste, elle atteindrait 1 700 000 en 2030 et 2 700 000 en 2060.
Sur la base de ces trois hypothèses, le groupe de travail a ensuite construit des projections financières à l’horizon 2040. Le périmètre des dépenses entrant dans le champ de la dépendance a été conventionnellement défini comme les dépenses de dépendance, d’hébergement et de santé des personnes en perte d’autonomie. Le groupe a en outre retenu des hypothèses macroéconomiques, ainsi que des hypothèses d’indexation des dépenses, des barèmes et des prestations.
Plus précisément, le groupe a considéré que les dépenses globales de dépendance et d’hébergement évolueraient unitairement comme le salaire moyen par tête et a examiné deux scénarios pour l’évolution des barèmes et prestations publiques en matière de dépendance :
- le premier retient les modalités actuelles d’indexation des barèmes et prestations, qu’elles relèvent de la réglementation ou de l’usage, i.e. une indexation sur les prix ;
- le deuxième suppose une indexation sur le salaire moyen par tête, cohérente avec une trajectoire de croissance équilibrée à long terme.
Pour les dépenses de santé, l’hypothèse volontariste d’une progression de la dépense par personne âgée dépendante comme le PIB par tête a été retenue.
Les projections financières des dépenses de dépendance, d’hébergement et de santé des personnes âgées dépendantes débouchent sur des augmentations modérées en part du produit intérieur brut (PIB) jusqu’en 2025, de l’ordre de 0,11 à 0,14 point de PIB en quinze ans pour la part publique selon l’hypothèse d’indexation retenue, puis de 0,33 à 0,39 point de PIB entre 2025 et 2040, dans le scénario intermédiaire de population.
L’évolution de la part à la charge des ménages dépend quant à elle fortement des modalités d’indexation.
L’analyse de l’évolution de la dépense publique et privée par nature fait apparaître, dans tous les cas, l’effet de la progression de l’effectif de personnes âgées dépendantes, qui peut être amplifié ou atténué par les indexations retenues.
Ainsi, les dépenses publiques de dépendance stricto sensu, dont en particulier l’APA, connaitraientelles dans l’hypothèse d’indexation sur les prix une progression limitée (0,05 point de PIB d’ici 2025, puis 0,09 point de PIB entre 2025 et 2040), tandis que la dépense de ménages connaîtrait une progression relativement rapide (0,02 point de PIB d’ici 2025, puis 0,03 point de PIB entre 2025 et 2040) et que la saturation des plans d’aide augmenterait.
A l’inverse, l’indexation sur les salaires réduirait la part à la charge des ménages, qui progresserait de 0,01 point de PIB d’ici 2025 puis de 0,01 point entre 2025 et 2040, mais impliquerait une dynamique plus importante pour la dépense publique (0,08 point de PIB d’ici 2025, puis 0,16 point de PIB entre 2025 et 2040).
Les dépenses publiques comme les dépenses privées d’hébergement progresseraient quant à elles plus rapidement que sous le simple effet démographique, notamment parce que l’on a supposé que le tarif hébergement en établissement évoluait comme le salaire moyen par tête. Les dépenses de santé reflètent à partir de 2015 la démographie de la population dépendante relativement à la population dans son ensemble, du fait de l’hypothèse volontariste d’évolution des dépenses unitaires de santé comme le PIB par tête.
Le dispositif de projection mis en place grâce au concours des administrations concernées est désormais opérationnel et pourra être utilisé pour étudier d’autres scénarios que ceux privilégiés par le groupe de travail.
Source : Ministère des Solidarités et de la Cohésion Sociale
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