Isolés depuis le début du mois de mars pour leur sécurité, les seniors vivent actuellement des temps difficiles. Afin de leur venir en aide et préserver le lien social, l’association Passerelle de Mémoire mise sur le numérique et lance des ateliers de discussion hebdomadaire par visioconférence.
Un déconfinement à géométrie variable
Si la plupart des seniors a bien accepté cette période de confinement, certains aujourd’hui, après plus de deux mois d’isolement, commencent à craquer. D’autant que le traitement qu’on leur réserve peut varier selon les critères : zone verte vs zone rouge, EHPAD vs résidence autonomie, établissement senior vs domicile : à chaque cas sa particularité, à chaque caractéristique sa spécificité.
Les seniors sont présentés comme les plus vulnérables au Coronavirus et il est vrai que les plus âgés en meurent davantage. Mais ils savent aussi éviter les risques d’exposition. Surtout, beaucoup en pleine forme ne se reconnaissent pas dans le tableau qui est présenté de leur génération. C’est le problème de fixer une limite d’âge sans tenir compte des différences génétiques, physiques ou sociales.
Et si les seniors à domicile qui sont nettement les plus nombreux, peuvent être particulièrement isolés, il en est aujourd’hui de même pour ceux qui restent confinés dans la chambre de leur résidence senior. Et cela sans distinction de leur état physique. Ainsi dans les Hauts-de-Seine, ce retraité de 89 ans ne comprend pas pourquoi lui et ses camarades de leur résidence autonomie à Clamart, « subissent » le même confinement prolongé que l’Ehpad juste à côté.
On nous apporte à manger dans notre studio, on est suivi à la trace, on prend notre température, on se fait livrer à domicile, et ça dure, ça dure… Nous sommes dans un état psychologique terrible. Deux personnes ont été hospitalisées à cause de ça, elles ne mangeaient plus, elles sont tombées en dépression, raconte-t-il.
Et l’isolement lorsqu’il s’installe ainsi dans la durée est difficile. La révolte peut se transformer en une résignation qui altère le goût de vivre.
Plus nous allons prolonger les règles du confinement, plus nous irons vers des formes larvées de dépression. Je vois des gens en situation de dépendance affective qui se laissent glisser. Heureusement, les personnels sont là pour réagir, témoigne un médecin.
Une résignation qui altère le goût de vivre
Dans certains établissements surtout en zone verte, les mesures de confinement s’assouplissent et l’animation est en train de revenir dans les Ehpad. La condition indispensable pour permettre cette évolution est que l’ensemble des résidents comme des soignants soient testés. A partir de là, des activités peuvent être organisées en groupe en respectant des règles strictes. Dans de telles conditions, il est même envisageable que des repas soient pris en commun, par groupe de 6 à 8.
Mais qu’en est-il dans les zones plus tendues comme la région parisienne ou le Grand Est ? Le véritable point de vigilance reste les seniors à domicile.
Je ne suis pas certain que toutes les personnes âgées vivant chez elles franchissent sans dommage ce long cap du confinement, s’alarme un professionnel de santé. Je pense à tous ceux qui chez eux échappent aux radars. Nous avons peu de retours sur leur état de santé général car ils ne voient plus leurs généralistes.
Quant aux résidents dans les établissements, ils sont a priori plus surveillés même confinés dans leur chambre. Tout l’enjeu doit consister à trouver des solutions pour conserver le lien social. A la fois entre résidents si le confinement est strict mais aussi avec l’extérieur.
C’est le sens de la proposition de Passerelle de Mémoire aujourd’hui : animer des réunions en visioconférence pour garder le contact. Et en créer d’autres…
Notre lien avec les seniors doit passer par les réseaux
Pour tisser ce lien, l’association va entreprendre à Montreuil-sous-Bois (93) 4 premiers ateliers de discussion hebdomadaire. 10 seniors en résidence autonomie et 10 seniors isolé(e)s sont ainsi réunis lors d’une visioconférence ouverte à tous.
Ces dernières seront retransmises en direct sur FaceBookLive.
Pour Passerelle de Mémoire, l’urgence est de :
- maintenir chaque semaine ce lien avec 20 seniors.
- redonner aux seniors confinés une actualité,
- leur apporter un éclairage dans ce monde connecté.
Première action en juin à Montreuil avec deux résidences seniors de la ville et des personnes âgées confinées chez elles
Actuellement en partenariat avec FRANCE BENEVOLAT, les RESIDENCES AUTONOMIE et le CCAS de Montreuil, cette première expérience permettra à l’association de développer l’idée à un niveau national.
À Asnières-sur-Seine, un projet est également en train de voir le jour. Après un audit du matériel personnel des résidents de 3 établissements, une action pourrait démarrer avant l’été pour recréer du lien social.
Syndrome de « glissement »
Il est encore prématuré de dresser le bilan de la crise sanitaire que nous sommes en train de vivre. Pourtant, comme lors de la sécheresse de 2003, cet événement permettra peut-être de réveiller les consciences quant à la façon dont nous traitons nos aînés. Le nombre de décès dans les EHPAD à cause du Covid 19 est considérable.
Mais, tout aussi grave, avons-nous collectivement pris la mesure des conséquences du confinement pour nos aînés ? Les témoignages d’alerte se sont multipliés pour redoubler de vigilance auprès de seniors en proie au fameux « glissement », ce syndrome spécifique aux personnes âgées qui marque un état de grande déstabilisation somatique et psychique.
Pour être plus clair : ces personnes se laissent mourir de chagrin ! Par conséquent, bien qu’il s’agisse d’une forme gravissime de dépression, les psychotropes sont insuffisants.
Seuls l’affection et le contact avec les gens aimés peuvent leur permettre de retrouver le chemin de la vie. Et en attendant les rencontres physiques, tous les autres moyens sont bons pour conserver le lien social qu’ils soient digitaux ou simplement par téléphone.
Passerelle de Mémoire tente d’apporter sa contribution en organisant et en animant ces visioconférences, élément d’écoute et de valorisation qui contribue à lutter contre ce syndrome marqué par des phases de détresse, de désespoir et enfin de détachement, déclare Nicolas Lewandowski, Président de Passerelle de Mémoire
Cet article a été publié par la Rédaction le