Le Collectif a cette spécificité d’avoir vocation à embrasser l’ensemble des professionnels du secteur de l’aide à domicile relevant du champ de l’autorisation, employeurs comme salariés, travaillant quotidiennement au domicile de personnes âgées et/ ou malades et/ou en situation de handicap : auxiliaires de vie, responsables de secteur, infirmières/infirmiers, aides-soignantes, directeurs et directrices de service, chefs d’entreprise, présidents et présidentes d’association mais également associations d’aidants, bénéficiaires, professionnels partenaires et représentants de personnes fragiles.
À l’aune d’une campagne présidentielle au calendrier extrêmement serré, le Collectif a pour ambition de porter au-devant de la scène des propositions concrètes et urgentes indispensables à l’organisation du soutien à domicile pour tous en France.
Un état des lieux inquiétant
Le vieillissement de la population est une réalité : la part des personnes âgées de plus de 75 ans va doubler entre 2020 et 2050, passant de 6,3 à 12 millions de personnes soit 16% de la population française. Un Français est diagnostiqué de la maladie d’Alzheimer toutes les 2,5 minutes.
Pas assez préparée à y faire face, la France est pourtant le pays européen qui dépense le plus pour sa protection sociale (34,7% de son PIB), mais qui dépense mal. Ainsi, les familles françaises supportent à leur charge 6,7 milliards d’euros pour le financement du grand âge alors même que notre pays a fait le choix d’une politique solidaire et universelle de ces sujets.
Par ailleurs, ce secteur ne parvient plus à recruter. Un poste sur cinq est non pourvu. Un chiffre qui en dit long sur les tensions du secteur et qui a de terribles conséquences pour nos concitoyens fragiles : près de 10% des demandes de prise en charge sont aujourd’hui refusées faute de personnel.
140 000 ETP de professionnels sont à recruter d’ici à 2030 : si les difficultés actuelles persistent, le soutien élémentaire des personnes en perte d’autonomie au sein de notre pays pourrait ne plus être assuré d’autant que ces professionnels accompagnent également les personnes malades ou en situation de handicap vivant chez elles. Par ailleurs, notre pays se priverait par la même d’un véritable levier de création d’emplois locaux et non délocalisables, porteurs de croissance économique et de sens humain
profond.
Enfin, ce secteur essentiel subit un financement inadapté et insuffisant. Le soutien à domicile reste le grand perdant de la prise en charge de la perte d’autonomie malgré les annonces récentes. Sur 1 366 627 bénéficiaires de l’APA, 563 203 vivent en établissement soit 41,21 %, versus 803 424 à domicile soit 58,79%. Pourtant, les financements publics alloués au secteur du domicile ne s’élèvent qu’à 3,7 milliards d’euros, versus près de 10 milliards pour le financement des EHPAD. Pour l’année 2022, 2,1 milliards d’euros ont été attribués au secteur des EHPAD, et 300 millions à l’accompagnement à domicile, ne
permettant pas de fait, au virage domiciliaire de se réaliser.
Au sein même de la prise en charge à domicile, parent pauvre de toutes les politiques sociales, une inéquité majeure existe entre les prises en charge pour les personnes âgées (APA) et les personnes en situation de handicap (PCH). Les personnes âgées touchées par le handicap après 60 ans, à déficit égal, bénéficieront avec l’APA, d’aide humaine 6 fois moins importante que si elles avaient perçu la PCH, éligible aux seuls moins de 60 ans.
Vivre et vieillir chez soi, le choix d’une société
La France s’est engagée à accompagner les personnes fragilisées par l’âge, la maladie ou la situation de handicap. Le domicile est cette pierre angulaire dans laquelle il nous faut compenser, tisser, renforcer le lien social et la solidarité pour tous ceux qui, seuls, ne peuvent continuer à y vivre. L’âge, la maladie, le handicap ne doivent rien ôter du sel de l’existence. Les personnes ainsi accompagnées doivent rester riches de projets, de volonté et de liberté.
Pour que le domicile devienne un choix possible, à perte de capacités égale, nos solidarités nationales doivent être les mêmes que l’on soit jeune ou vieux. Les personnes en situation de handicap, les personnes vieillissantes, les malades soutenus à domicile doivent, tous, bénéficier du même élan solidaire de notre Nation : rien ne doit être mis en place pour les uns, sans être pensé pour les autres.
Il est ainsi essentiel de donner les moyens aux professionnels de l’aide et du soin, d’accompagner la vie et de la prolonger quelle que soit la perte d’autonomie liée à l’âge ou au handicap. Les métiers du Domicile sont des métiers de lien et d’attachement. Artisans du soin et du soutien, les professionnels travaillent dans l’espace intime de chaque personne confiée. S’il nous faut optimiser au mieux nos ressources pour accompagner l’ensemble de la population, il nous est impossible d’industrialiser nos organisations et d’imaginer une réponse de masse sans nuance et sans singularité. Nos missions demandent du sur mesure et toute intervention doit pouvoir s’adapter à la particularité de chaque situation.
Nous devons obtenir les moyens politiques et financiers nécessaires au soutien à domicile pour tous et ainsi restaurer la qualité de nos interventions tant pour les personnes soutenues que pour les équipes qui les accompagnent. Pouvoir choisir de vivre et vieillir chez soi est avant tout le choix d’une société qui s’organise pour rendre cela possible.
Les politiques sociales portées par notre pays doivent à présent :
- Garantir une prise en charge globale de la personne accompagnée, tout au long de son parcours, de la prévention à la fin de vie ;
- Garantir une équité de prise en charge – quel que soit l’âge, le territoire, le mode de financement – indépendante des choix politiques d’une collectivité locale ;
- Assurer l’attractivité des métiers pour un niveau qualitatif des prises en charge ;
- Repenser et simplifier les parcours de formation afin de les rendre cohérents et efficaces.
Une nouvelle philosophie à mettre en œuvre d’urgence
Les services d’aide et de soin à domicile relevant du champ de l’autorisation et assurant une mission d’intérêt général auprès de la population, et ce quels qu’en soient les statuts, doivent garantir une
juste et transparente utilisation de l’argent public.
Pour accompagner et soutenir au mieux la population souhaitant continuer à vivre chez elle, la gouvernance du secteur doit garantir l’équité territoriale et piloter à la fois aide et soin.
L’effort public en direction des personnes vivant chez elles doit s’aligner à celui réalisé à l’égard des personnes vivant en établissement.
Seule la perte d’autonomie doit déterminer la prise en charge accordée par la collectivité, sans aucune autre barrière liée à l’âge ou au territoire d’habitation. Ces financements doivent ainsi garantir des conditions de travail et de rémunération dignes aux professionnels du secteur.
L’insuffisance du temps alloué auprès de chaque personne, par le non-financement de tous les temps invisibles pourtant indispensables à la qualité de la prise en charge, doivent nous obliger à questionner un financement aujourd’hui inadapté et particulièrement maltraitant tant pour la population que pour les professionnels la soutenant.
Pour plus d’informations, cliquez ici : Manifeste des professionnels de l’aide et du soin à domicile
Cet article a été publié par la Rédaction le