Il me semble que le moment est venu de pousser encore plus loin le curseur dans la perception de l’inacceptabilité concernant les négligences et les violences à l’égard des plus âgés. On le sait, les faits de maltraitance ne sont pas faciles à identifier car cela passe par la libération de la parole, mais aussi parce que cela suppose une prise de conscience à la fois individuelle et collective de ce qui se joue.
Pour nommer, il faut reconnaître comme tel. Or, certaines formes de maltraitance passent complètement en dessous des radars. C’est le cas des maltraitances ordinaires où les auteurs n’ont pas forcément, ni l’intention, ni la perception de nuire à une autre personne.
Respect de l’autonomie et du libre choix : un peu plus d’un an en arrière, ces sujets évoquaient encore peu de choses
Il aura fallu une crise sanitaire de cette ampleur pour faire surgir une réalité impalpable jusque-là : il existe une présomption d’incapacité à l’égard des individus les plus âgés ! Le pire étant qu’il n’est pas nécessaire d’attendre 70 ans pour se voir attribuer d’emblée cette caractéristique indélébile ; dans le monde du travail rémunéré, cela se manifeste beaucoup plus tôt.
Cela étant, plus on avance en âge, plus cette présomption d’incapacité vaut dans tous les aspects de la vie, y compris par rapport à la capacité à arbitrer en conscience pour soi-même et les autres. Comme si le sens de la responsabilité s’altérait inévitablement. Alors on va agir pour eux, on va penser pour eux, on va définir pour eux. C’est ce côté très stigmatisant qu’on appelle âgisme par définition.
L’âgisme : un fléau aux impacts bien réels
Cette présomption d’incapacité est très insidieuse car, non seulement elle conduit à des dérives comportementales tout à fait condamnables (infantilisation, contrainte sécuritaire sous couvert de protectionnisme, etc.), mais elle s’infuse comme un poison dans l’esprit de ceux à qui on adresse cette présomption. Quand notre tour vient, on finit par le croire et d’autant plus qu’on a nous-même intériorisé cette image du vieillissement.
Encore plus insidieux, on peut nuire à l’intégrité d’une personne vieillissante en faisant simplement son travail. Il a ainsi été observé que le personnel en établissement pour personnes âgées avait tendance à ignorer les comportements autonomes des résidents pour ne remarquer et ne répondre qu’aux gestes nécessitant une assistance, encourageant ainsi sans le vouloir des comportements de dépendance puisque seuls ceux-ci étaient récompensés par plus d’échanges sociaux.
La personne finit par se conformer à ce qu’on attend d’elle puisque finalement ce n’est que comme cela qu’on s’intéresse à elle. Si l’on me témoigne de l’attention seulement pour répondre à un besoin d’aide, quoi de plus naturel que de demander de l’aide pour recevoir cette attention. C’est une réaction normale pour les êtres sociaux que nous sommes.
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Le droit à l’autonomie et au libre choix
Sans relever à proprement parler d’un acte de maltraitance, ces comportements anodins aboutissent à des effets similaires en termes d’atteintes à la liberté et au développement de la personnalité. Aussi me semblait-il important de mettre le projecteur sur ce droit à l’autonomie et au libre choix et sa difficile mise en œuvre. L’autonomie – en tant que capacité à décider pour soi-même – n’est d’ailleurs jamais acquise définitivement et ce quel que soit notre âge et notre état de santé. C’est une conquête perpétuelle avec les autres, mais aussi avec soi-même.
On naît dépendant et on tend vers l’autonomie
En vieillissant, on peut perdre de son indépendance, on peut même être dépendant des autres dans plein de situations du quotidien, sans pour autant perdre cette capacité à tendre vers l’autonomie. Car même quand les capacités cognitives sont fortement altérées, on peut encore choisir en qui nous mettons notre confiance, on peut encore choisir entre plusieurs possibilités qui font sens pour nous dans l’ici et maintenant.
Cet article a été publié par la Rédaction le