Dafna Mouchenik, auteure de l’ouvrage « Derrère vos portes », et fondatrice de LogiVitae, nous emmène dans les coulisses de l’aide à domicile.
Une tribune libre sur ce portail, quelle chance ! L’occasion pour moi de souligner la nécessité d’un gagnant/gagnant/gagnant. On est trois dans l’aventure de la silvereco lorsqu’on parle du domicile (peut-être plus mais au moins trois !). Il y a les gens, ceux pourquoi/qui nous sommes là : parents, grands-parents, proches, malades, personnes en situation de handicap, vieilles personnes… Il y a nous, le médico-social indispensable lorsque dépendance et maladie pointent leurs nez. Nous sommes un peu la « Silver-Historique ». Et enfin il y a la « silver-Innovation ». Celle qui nous permettra (nous permet déjà un peu) de faire face à cette spectaculaire transition démographique. Celle qui accompagnera ce changement d’échelle en en maîtrisant les coûts. Un jour ces deux Silvers ne feront plus qu’un mais très peu de services l’ont déjà compris. Seuls quelques mutants ont pensé Recherche et Développement comme ADN de nos organisations…
Lorsqu’on entend « aide domicile », on comprend tout de suite que des personnes se rendent auprès d’autres pour préparer repas, assurer l’entretien de la maison et réaliser tout un tas de choses que, seule, la personne aidée ne pourrait pas/plus faire. Le projecteur est sur les auxiliaires de vie qui vont d’un domicile à un autre.
Pourtant en coulisses, bien loin de se tourner les pouces, une autre équipe coordonne, planifie, renseigne, rencontre, recrute, console, remplace, accompagne… Sans elle, pas de soutien à domicile pour tous. On parle très peu du « back-office », de ceux qui bossent dans l’ombre des auxiliaires et pourtant de leur travail dépend le bon fonctionnement de nos entreprises. Si vous y regardez de plus près, vous pourrez constater que partout où un service d’aide à domicile fonctionne bien, c’est que l’équipe en coulisses y est formidable.
Pour comprendre pourquoi je vous raconte ça, il faut, le temps de quelques lignes, vous immerger dans un service comme le mien :
« Madame Amoureuse faut arrêter, les pompiers sont venus chez vous 17 fois en 3 jours. Maintenant ils nous appellent, ils sont très fâchés. »
« Je comprends mon petit, mais j’aime bien voir des beaux garçons chez moi. »
« Oui mais les pompiers eux ne sont pas contents du tout ! Ils ont pas le temps de venir vous rendre visite, ils se déplacent pour secourir des gens seulement. »
« Je sais. Mon infirmière a même essayé de cacher mon collier/bracelet, mais c’était sans compter sur ma détermination, je l’ai vite retrouvé, je ne perds pas encore la tête mon petit poussin ! »
Elle est mignonne cette dame, elle nous fait bien marrer avec ses excentricités mais faut mesurer le boulot qu’elle nous donne en plus.
Vous percevez un peu l’ambiance de nos journées ? Elles sont rythmées par tout un tas d’interludes tout à fait imprévisibles et chronophages. Ils ne font pas vraiment partie de notre travail, pour autant impossible de faire le job sans les prendre en compte. La difficulté, c’est que le modèle économique actuel d’un service d’aide repose uniquement sur les heures facturées, c’est-à-dire les heures réalisées à domicile par les auxiliaires de vie, jamais celui du back office. Le temps que cette équipe passe en ligne avec ces drôles de Dames, ces joyeux Messieurs, n’est financé par personne. Ce temps donné, c’est du temps qu’ils n’ont plus/pas/moins pour faire leur vrai job : planifier, coordonner, organiser, remplacer… Autant vous dire que pour eux aussi les conditions de rémunération ne sont pas top et l’implosion pour certains n’est pas très loin…
« Vous avez remarqué que je suis plus gentille que la dernière fois ? »
« Euh… »
« Nan parce qu’avant je prenais des médicaments qui me rendaient agressive. Vous savez ce que j’ai fait ?! J’ai envoyé un courrier à une structure, je sais plus laquelle, en disant que je les détestais ! Hahahaha ! »
« Aaaah… oui c’est à nous que vous aviez écrit « vous ne m’aimez pas et moi je vous déteste » je m’en rappelle encore de votre courrier… »
« En tout cas, vous, vous êtes très gentils ! »
Du coup pas simple de trouver les bons profils. Les candidats s’embarquant dans pareille aventure et pensant y trouver calme, stabilité, routine, passeront leur chemin/ne tiendront pas le coup. Non, pour faire le job, il faut aimer l’imprévu, savoir gérer des galères improbables, encaisser des reproches qui ne nous sont pas destinés. Seul eux tiennent le choc, tels d’irréductibles gaulois. Et si en plus ces Astérix et Obélix ont une bonne dose d’humour et de second degré, qu’ils aiment les gens, qu’ils sont capables de gérer des plannings tel le champion du monde de Tetris, alors vous avez affaire aux X-Men du domicile, des personnes rares et précieuses, mais jamais assez nombreuses !
« Enfin Monsieur Stéphane vous avez pu venir jusqu’à moi (il n’y a pas de Stéphane dans l’équipe, mais bon…), ce que j’avais à vous dire est très important et ne pouvait se faire par téléphone. Vous savez les femmes sont comme des roses. Il faut les arroser souvent sinon elles deviennent des épines. Et la langue ne contient pas d’os mais elle peut casser des os. C’est comme une arme. Rappelez-vous de ce que je vous dis quand un homme peut plus mettre son pantalon, c’est fini ! »
Et là ce vieux Monsieur retire son pyjama, se met en slip, enfile un pantalon, afin de montrer à Stéphane (qui n’est pas Stéphane) qu’il n’est pas encore fini.
Forcément on ne l’aurait pas vu si on s’était contenté d’un échange téléphonique, mais ça n’a rien à voir avec le job. Et en même temps, tous ces moments, c’est ce qui fait sens dans nos métiers.
Il nous faut réinventer le modèle actuel parce que celui-ci est à bout de souffle, les professionnels sont au bord de l’implosion. Inventer des trucs pour faciliter le travail de nos X-Men : innover, digitaliser pour qu’ils aient davantage de temps à accorder à la relation plus qu’à l’organisation. Trouver des solutions qui nous permettent d’automatiser, partager l’information, coordonner…, pour que nous nous occupions encore mieux des plus fragiles, sans que cela coûte des mille et des cents à la collectivité ou au particulier. C’est ce défi formidable qu’il nous faut relever, ce pari que nous devons gagner. Et pour tout ça, Silver-Innovation, le domicile compte sur vous !
Cet article a été publié par la Rédaction le
Je suis heureuse de pouvoir m’exprimer au travers de ces quelques mots pour vous dire merci! Merci pour votre livre, que j’ai dévoré, j’avais l’impression de vivre ce que vous retraciez !
J’ai adoré votre style, votre façon de voir les choses, le sens donné à ce livre qui a su vraiment exprimer les coulisses des services à la personne !
J’aurai juste aimé en découvrir plus justement sur ce « back office » glissé de ci, de là sur quelques pages parmi les anecdotes des bénéficiaires !
Votre présent article est une suite logique de votre livre, pourquoi ne pas en faire une seconde partie ?
Je fais partie moi même de ce back office et j’ai adoré retrouvé nos bénéficiaires tout au long de certaines pages, c’était drôle, touchant et triste à la fois…
J’espère une suite à votre 1er livre ! Au plaisir de vous (re)découvrir à nouveau 😉
Sandrine,
Assistante d’agence/Responsable de secteur
Merci infiniment Sandrine pour votre retour.
Que vous vous reconnaissiez dans mon récit est un bien joli compliment. Votre mail et vos encouragements me touchent beaucoup.
A bientôt,
Dafna
L’auteur a certainement mis des lunettes roses pour écrire ce livre.comme pour tous les autres prestataires,on emploie chez longévitae au coup par coup,des filles qui n’ont pas été formées pour ce travail et que l’on pare du titre racoleur d´ » auxiliaire de vie «qui est normalement attribué après une formation sanctionné par un diplôme..En réalité ,on engage du personnel au fur et à mesure des besoins et on téléguide par S M S .Ca marche sur le papier ,on oublie tout simplement l’humain
Bonjour Madame Ferraro,
Vous avez une solution aux problématiques de recrutement des aides à domicile et auxiliaires de vie ? Car si vous en avez une, communiquez la nous, on est tous preneurs !
Bien à vous
Marie,
Chercheuse de solutions aux problématiques de recrutement des professionnels de la dépendance et du handicap
C’est vrai que je suis quelqu’un de très optimiste, c’est mon moteur. Je vous invite à lire mon livre qui évoque en toute transparence les difficultés que vous soulignez et les difficultés du secteur. Il faut toutefois les nuancer : il y a aussi des services d’aide faisant preuve de bonne volonté dans un contexte bien difficile.
Au plaisir d’échanger avec vous sur le sujet et d’envisager ensemble des solutions concrètes.