SilverEco.fr relaie la tribune de l’UNSA (Union Nationale des Syndicats Autonomes) Santé et Sociaux Public et Privé à la suite de la grève nationale des EHPAD du 30 janvier 2018.
« Le secteur de la prise en charge de nos aînés est dans une crise sévère »
« Le 30 janvier 2018 a été une journée très particulière. A l’appel d’une intersyndicale très large (7 Organisations syndicales soutenues par un grand nombre d’associations), les professionnels du secteur et les familles des personnes prises en charge, les retraités se sont retrouvés dans la rue autour d’un plateau revendicatif restreint, mais néanmoins particulièrement ambitieux.
Pour mémoire, nous en portons 4 revendications communes :
- Application d’un agent ou d’un salarié par résident, tel que prévu par le Plan Solidarité Grand Age de 2006 ;
- Abrogation des dispositions législatives relatives à la réforme de la tarification des EHPAD, contenues dans la loi du 28 décembre 2015 ainsi que le retrait des décrets d’application ;
- Arrêt des baisses de dotations induites par la convergence tarifaire et exige par conséquent le maintien de tous les effectifs des EHPAD, y compris les contrats aidés qui doivent être intégrés et sécurisés ;
- Amélioration des rémunérations des personnels, des perspectives professionnelles et des carrières dans le cadre du statut et des Conventions Collectives Nationales ».
« Un tel consensus n’a jamais été vu de mémoire de syndicaliste »
« Les raisons de ce malaise sont à chercher dans une situation devenue insoutenable aussi bien auprès des personnes âgées accompagnées à domicile qu’en EHPAD.
La journée du 30 janvier a été émaillée de nombreux récits de drames humains quotidiens. Le constat que les professionnels sont obligés de restreindre leur travail à un insupportable minimum dans lequel ils perdent le sens de leur métier ! Un métier que pourtant ils ont souvent choisi et qu’ils aiment, tout en ayant conscience qu’aujourd’hui celui-ci n’est pas attractif !
Ce sont des toilettes à la chaîne en mode T-M-C (en moyenne 15 min à consacrer à la personne tout en sachant les personnes âgées sont ralenties), une alimentation au lance-pierre, la bousculade perpétuelle des aînés qui ne demandent qu’un peu plus de temps, etc…
Voici ce que vivent au quotidien les professionnels avec en prime le sentiment d’avoir mal fait leur travail, une fois de retour chez eux… Sentiment terriblement destructeur.
A ce mal être psychologique s’ajoute les douleurs physiques parce que faute d’avoir le temps ou les moyens d’utiliser les équipements et les techniques qui protègent, on tire on soulève on pousse comme on peut et finalement on se fait mal et le corps souffre.
Il y a aujourd’hui plus d’accidents et de pathologies professionnelles auprès des personnes âgées que dans le BTP ».
« Alors sommes-nous entendus dans nos revendications ? »
« De toute évidence : NON.
Nous posons un problème sociétal auquel seul l’Etat au plus haut niveau est à même de répondre mais ce dernier à ce jour nous renvoie vers le cabinet de la ministre de la santé.
Le ministère nous dit : « il n’y aura pas de perdants dans la réforme du financement des EHPAD ne craignez rien et sans doute n’en avez-vous pas bien compris le mécanisme… ». La question n’est pas là : aujourd’hui la situation n’est plus acceptable car :
- Le profil des personnes prise en charge à domicile et en EHPAD a changé. On y vient plus tard, on est alors plus dépendant, plus lent, plus demandeur.
- Lorsqu’on entre en EHPAD c’est bien parce que le maintien à domicile n’est plus possible pour des raisons de déficience physique et/ou intellectuelle.
- Les effectifs, les conditions de travail et aujourd’hui sont devenus inacceptables : la promesse qu’elles ne se dégraderaient pas davantage est loin de nous rassurer !
Ce changement de « typologie » dans la personne accueillie en EHPAD est pour le Ministère le signe que le dispositif de prise en charge à domicile est une réussite ! Comment peut-on parler de réussite quand on constate la précarité des salariés du secteur et les conditions dans lesquelles ils accomplissent leurs tâches !?
Faisons part également d’un problème pourtant souvent évoqué par les personnels des EHPAD, celui des personnes âgées atteintes de pathologies psychiatriques. Les personnels, rappelons le très souvent du personnel d’entretien faisant fonction d’aide-soignante, ne sont pas du tout préparés à cette prise en charge qui demande des compétences spécifiques et surtout énormément de temps….. Temps dont ils ne disposent absolument pas !
Le ministère nous dit également les forfaits soins n’ont pas diminué, ils ont augmenté de 400 millions d’Euros en 7 ans. Ces chiffres nous les connaissons sauf que personne ne nous dit de combien les besoins ont augmenté en 7 ans. Ce discours est difficilement entendable notamment pour des aides-soignantes d’un EHPAD qui étaient 6 pour 40 résidents il y a encore 2 ans et qui ne sont plus que 4 voire 3 aujourd’hui ».
« La seule annonce un peu positive concerne le financement spécifique des actions de prévention »
« C’était une des propositions que l’UNSA santé sociaux avait évoqué devant la mission parlementaire IBORRA. En effet un EHPAD qui menait une politique ambitieuse pour ralentir la dégénérescence mentale de ses résidents ou l’apparition d’escarres chez ceux qui n’ont plus guère de mobilité, se voyait pénalisé par la réussite de ses actions. Moins de soins et moins de dépendance donc moins de financement. Et pourtant la préservation de l’autonomie résiduelle des personnes prises en charge est le cœur du métier des services d’aide à domicile comme celui des personnels des EHPAD !
Bien évidemment pour répondre à nos revendications, qui sont soutenues par une très large majorité des français, il faudra des moyens. Ceux-ci ne se compteront pas en millions mais en milliards. C’est bien pour cela que la discussion d’ampleur nationale doit avoir lieu au plus haut niveau de l’Etat car il s’agit d’un choix politique un choix de société.
Le gouvernement a choisi de rendre aux plus riches l’impôt qu’ils payaient sur leur fortune en faisant le pari que cette somme serait réinvestie dans l’économie nationale et produirait ainsi plus de richesses que si les pouvoirs publics en disposaient par le biais de l’impôt.
Il faut que l’Etat trouve les moyens d’investir dans le secteur de l’accompagnement des personnes âgées, secteur en plein développement, afin de permettre la création des centaines de milliers de postes nécessaires. Dans la période de chômage de masse que nous connaissons, dans quel secteur y a-t-il un aussi grand gisement d’emplois ? »
« Créer des postes n’est pas tout il faut également valoriser ces carrières leur donner des perspectives d’avenir »
« Aujourd’hui pour une part importante de ceux qui s’investissent corps et âme au service de nos aînés il n’y a bien trop souvent d’autres perspectives que de gros problèmes de santé, consécutifs à une maladie professionnelle, après 20 ans de travail physiquement éreintant, psychologiquement éprouvant et rémunéré au SMIC… Un emploi de ce type ne fait pas rêver !
En conclusion nous espérons une prise de conscience par nos gouvernants, de l’ampleur du problème et un signe fort de l’Elysée pour en témoigner, d’ici le 15 février, car l’urgence est réelle.
Faute de quoi nous en conclurons que nous n’avons pas été audibles le 30 janvier. Nous prendrons nos responsabilités syndicales et appellerons les professionnels ainsi que cette majorité de Français qui nous soutiennent à exprimer plus fort et plus clairement leur volonté de voir nos aînés traités avec dignité et humanité ».
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Cet article a été publié par la Rédaction le