Tribune libre à Gérard Cornet, gérontologue, SFTAG, expert agréé auprès de la Commission européenne.
La Silver economy est un thème d’actualité économique et social à l’affiche de l’agenda des grands débats nationaux et européens.
La perspective des transitions démographiques est celle d’une croissance annoncée des besoins de services pour la santé et l’autonomie des populations âgées exposées au risque de dépendance, d’une évolution défavorable des ressources humaines pour y répondre et des ressources publiques pour maintenir le niveau de protection sociale.
En même temps, le développement de l’innovation technologique pour la santé et le maintien de l’autonomie des personnes âgées fait espérer que l’économie du vieillissement apportera des solutions et sera l’un des vecteurs d’une nouvelle croissance.
Tant pour le présent, dans une situation de chômage de masse, qu’à moyen et long terme pour répondre avec efficience aux besoins pour la santé et le soutien à l’autonomie des personnes âgées à risque de fragilité physique économique et sociale, le déploiement de la Silver economy n’a de sens que si elle permet aussi le développement d’emplois pérennes, à valeur ajoutée, non délocalisables.
La conférence de lancement pour présenter les objectifs d’une politique concertée organisée le 24 avril à Bercy devrait permettre d’éclairer les choix à faire pour un nouveau pacte de solidarité économique et social entre les générations, impliquant une telle création d’emplois.
Les travaux menés par le groupe de travail réuni sous l’égide de Madame la Ministre Delaunay par son conseiller économique Monsieur Verdier , les trois rapports remis au gouvernement pour anticiper et relever les défis du « bien vieillir », comme les conclusions des études européennes sur la Silver economy ( ex .Etude d’Ernst et Young, projet Technolage , livre blanc Jade) s’accordent sur la complexité des obstacles à contourner pour le déploiement sur le marché des solutions innovantes des techno services, mais elles soulignent aussi la difficulté de trouver, dans des contextes très différents, un consensus sur les solutions.
Les potentiels d’emplois des services à la personne et de l’adaptation de l’habitat
Deux secteurs retiendront plus spécifiquement l’attention par leur importance soulignée en gisement d’emplois et leur excellent ratio cout par création d’ emploi direct et indirect escompté pour 1 million d’euro investis (cf étude du Cabinet Relance, 2009 ratio 34,5 pour la veille sociale , 25 pour l’accompagnement logement-source DGAS et 18,2 pour la les travaux de rénovation immobilière, source FFB).
Le secteur des services à la personne est présenté dans le rapport Broussy comment un immense gisement d’emplois potentiels de l’ordre de350 000 emplois à l’horizon 2020 pour les aides à domicile les aides soignantes et les infirmières ; une autre évaluation d’un brillant économiste participant au titre de l’étude prospective des transitions démographiques, aux groupes de réflexions sur la Silver economy, avance une création potentielle de 125000 emplois à trois ou quatre ans dans les services à la personne.
Le secteur de l’habitat et du logement : le rapport Broussy souligne à juste titre le potentiel offert les besoins d’aménagement et de création de logements afin de favoriser le maintien de la qualité de la vie des ainés et leur souhait de préserver leur autonomie pour rester vivre à leur domicile : 75000 logements à adapter sur 5ans, 30000 a créer, nouvelles résidences à concevoir et foyers logement à repenser…
Objectifs somme toutes modestes par rapport au stock de 32 millions de logements, à leur faible taux de renouvellement annuel et au levier potentiel pour l’emploi dans ce secteur si on élargissait le champ de la loi de 2005 sur l’accessibilité à l’adaptabilité, avec des incitations coordonnées pour le financement de la demande, la qualité des services de la filière et l’organisation des dispositifs d’aide publics et privés facilitant la prévention.
Les intéressantes mesures de coordination proposées dans le rapport Broussy montrent la nécessité de mieux articuler les réformes proposées avec les mesures pour l’emploi de qualité et la lutte contre le chômage de masse.
Une gouvernance globale à éclairer par des études prospectives évaluant l’impact sur l’emploi
Une approche prospective des modèles micro et macro économiques avec des scénarios orientant les choix politiques, au-delà de mesures paramétriques pour l’emploi des jeunes comme des dits « seniors », est nécessaire pour orienter les choix et trouver un consensus pour un changement de paradigme en faveur du « Welfare with work » ( cf concept d’Esping Andersen) englobant l’activité marchande et non marchande d’utilité sociale, et refonder un contrat de solidarité active entre générations sur des bases équitables.
Il s’agi aussi de négocier dans une approche pragmatique, des mesures concrètes et finançables, pour créer un emploi pérenne et de qualité dans les secteurs économiques et sociaux concernés de la santé et du soutien à l’autonomie, tant pour les politiques de prévention à promouvoir que pour le soin au sens large.
Le défi à relever est celui d’une gouvernance globale fondée sur un consensus social. Ce consensus est beaucoup plus difficile à trouver dans notre pays entre les acteurs concernés que dans les pays nordiques. Les acteurs représentatifs de la société civile et des usagers âgés bénéficiaires potentiels des innovations pour la santé et l’autonomie, appelés à une contribution croissante en faveur de la solidarité économique et sociale, y sont notamment sous-représentés dans les instances de décision technocratiques.
La diatribe récente du sociologue Bernard Ennuyer contre ces aspects technocratiques de l’approche du vieillissement dans les trois rapports remis au gouvernement est révélatrice d’une contestation des solutions proposées venues d’en haut (top down) au lieu d’une concertation partant d’un dialogue avec la base des bénéficiaires potentiels (bottom up) et d’une reconstruction sociale du vieillissement dynamique et positive mais non centrée « technico-médico-assistance » qui pourrait favoriser l’activité rémunérée ou bénévole des ainés.
Le défi n’est pas celui des bons apôtres du Senior marketing, dont l’objectif essentiel est de capter les ressources des ainés les plus « argentés » disposant des revenus disponibles importants pour la consommation. Le modèle économique du senior marketing est celui de la rentabilité à court terme des entreprises. Celui-ci s’inscrit dans un schéma théorique néo libéral de l’équilibre économique entre l’offre et la demande, lequel n’apporte pas une réponse satisfaisante permettant d’orienter les politiques économiques vers des solutions pour répondre au chômage de masse. Il n’est pas centré sur la création d’emploi pérennes , ni sur l’innovation de rupture , ni sur l’investissement économique et social nécessaire à court moyen et long terme dans la santé au sens large, considérée comme productif et facteur de productivité globale.
Les nouvelles théories de la croissance économique, fondées sur le progrès technique, donc sur l’innovation, avec une intervention de l’Etat pour pallier les insuffisances de l’économie de marché, inspirent les orientations pour soutenir l’innovation. Cependant elles ne donnent pas les clés pour la création d’emplois non délocalisables à valeur ajoutée.
Le défi de la Silver economy ne se limite pas non plus aux attentes des offreurs de services innovants dans une vision « techno-pushed » d’une solvabilité des marchés. Les entreprises de la Silver economy manquent certes, de visibilité économique dans un contexte instable économiquement et sur le plan réglementaire. Elles souhaitent donc des engagements plus substantiels de l’Etat pour des financements publics afin d’avoir des perspectives compatibles avec leurs impératifs de gestion orientés sur le profit et son anticipation pour investir.
Cette confiance nécessaire des entrepreneurs n’est pas suffisante pour réussir à relever les défis à moyen et long terme de l’emploi dans les secteurs de la Silver economy.
Les objectifs à atteindre et les ressources à mobiliser peuvent se révéler contradictoires et faire l’objet d’effets d’annonces et de bonnes intentions qui resteront sans efficacité.
La crise économique déclenchée par l’éclatement des bulles spéculatives, le poids de la dette imposant des mesures d’économies budgétaires, le chômage de masse et la précarisation du travail pèse sur le niveau des salaires et la valorisation du travail dans les services à la personne.
A l’essor des technologies pour la santé, s’oppose pour la création d’emplois à valeur ajoutée, la logique de maitrise des dépenses de santé, qui a inspiré le numerus clausus dans ce secteur. L’ rapport Broussy en donne un exemple avec celui qui concerne les ergothérapeutes, un des chaînons jugé critique pour l’évaluation des logements en vue du maintien de l’autonomie au domicile. La politique de maitrise des coûts de santé, pilotée par l’Assurance maladie et les ARS freine le développement de la télémédecine et de la réorientation du système de santé vers la médecine de première ligne, tout en imposant des contraintes accrues à la gestion hospitalière pour réduire ses couts, dont celui du personnel et des lits dits « indus » alors que l’accueil des personnes âgées aux urgences et leur orientation ultérieure reste problématique. C’est pourtant ce secteur qui est le plus porteur d’emplois à valeur ajoutée.
Emploi et diachronie
La stratégie pour l’emploi doit donc concilier des politiques à temporalités différentes :
- celle à court terme des entreprises exposées à la compétition internationale, aux besoins de restructurations et de réorganisations rapides pour s’adapter en permanence ;
- celle des organisations relevant du secteur public confrontées à la nécessité de réduire et d’arbitrer dans les dépenses ;
- celle des organisations publiques et privées de l’offre de services de proximité, non exposées à la compétition extérieure. Elles devraient pouvoir investir en formation et en intégration des TIC santé autonomie pour augmenter leur efficience, si un cadre plus lisible, avec des mesures incitatives, leur était donné par une loi de programmation et une politique concertée mise en œuvre dans les bassins de vie et d’emploi
- celles à moyen et long terme de l’adaptation des personnes employables aux changements et des changements aux personnes : l’investissement dans le capital humain, dans une logique innovante de formation adaptée et motivante des acteurs de la chaine de valeur économique pour apprivoiser, améliorer et utiliser de façon pertinente les technologies matures facilitera une réorganisation efficiente des services. La productivité des innovations proposées dans le champ de la Silver economy est à ce prix .
- et celle des investissements d’avenir (cf FUI) dans les technologies et l’innovation sociale qui permettrait d’agréger les TPME et Start up aux stratégies des grandes entreprises, en faisant éclore en France un réseau de PME capables d’être compétitives sur les marchés extérieurs avec une logique de création d’emplois à valeur ajoutée en France.
La stratégie et la loi cadre Silver economy : des attentes considérables
La loi de programmation et d’orientation pour le développement de la Silver economy suscite donc des attentes considérables pour à la fois :
- clarifier les choix des différents acteurs, industriels, sociétés de services, recherche, éducation et formation, organisation du secteur médico-social, collectivités territoriales
- objectiver autant que possible les priorités d’investissement dans l’innovation technique et sociale pour un faciliter un consensus démocratique large sur les efforts à consentir
- actualiser le contrat de solidarité économique et social entre générations aux transitions démographiques et donner confiance en l’avenir
- coordonner et accompagner avec des moyens suffisant le financement de Start up et de TPME sélectionnées comme offrant un réel potentiel d’avenir et soutenir les projets de recherche développement appliqués
- accroitre la présence et l’implication des entreprises françaises dans les programmes européens pour le vieillissement actif en bonne santé et l’emploi de qualité à l’horizon 2020 et au-delà (cf. récente annonce faite au Ministère de la Recherche sur la coordination interministérielle)
Une articulation renforcée entre des mesures à court moyen et long terme et une stratégie pour l’emploi
Dans le domaine de l’emploi, en s’inspirant des rapports disponibles les mesures suivantes pourraient à titre d’exemples non limitatifs, y être envisagées et évaluées en matières d’objectifs et d’impact sur l’emploi dans les réseaux de proximité, de ressources organisationnelles et financières à mobiliser, de processus de négociation et de médiation nécessaires à leur réussite, d’indicateurs de réalisation transparents à communiquer à tous les acteurs de la chaine de valeur, dont les bénéficiaires potentiels.
A très court terme il est opportun d’étudier comment mieux articuler les mesures existantes avec le déploiement des services de proximité , notamment dans les services à la personne et les secteurs de l’habitat et de mettre en place des objectifs régionaux avec des indicateurs de réalisation, à négocier entre les ARS et les Régions et les pôles emplois.
Pour l’entrée sur le marché des jeunes il existe différentes mesures incitatives non cumulables comme le Contrat de générations, les emplois d’avenir, les emplois formation en alternance …
Pour les jeunes de 16 à 0 25 ans (ou jusqu’à trente ans si reconnus comme handicapés) non diplômés ou peu diplômés l’Etat annonce s’être engagé pour financer 150000 emplois d’avenir en CDD ou CDI de 1 à 3 ans dans les activités d’utilité sociale ou de préservation de l’environnement ou les secteurs créateurs d’emplois. Ces contrats, en principe à temps plein, sont ouverts aux jeunes des quartiers sensibles et des zones de revitalisation rurale en recherche d’emploi depuis plus d’un an ou s’ils sont déjà titulaires d’un CAP ou d’un BEP et en recherche d’emploi depuis plus de 6mois. Les contrats prévoient une formation, un accompagnement par un tuteur de l’organisation qui recrute, association, entreprise ou collectivité une évaluation et une reconnaissance professionnelle formelle du parcours accompli.
Ces emplois d’avenirs représentent donc déjà un effort financier considérable de l’Etat pour faciliter le développement des services à la personne et pour répondre aux besoins des métiers en tension. Cependant cet effort reste trop peu ciblé sur l’acquisition des compétences technologiques portant sur les innovations et leur potentiel de productivité des services notamment dans le champ de l’Economie du bien vieillir.
On peut aussi se demander s’il est raisonnable de multiplier des dispositifs avec des seuils et catégories d’âge, qui peuvent renforcer les représentations catégorielles négatives, ajouter à la complexité, au lieu d’avoir un dispositif incitatif central fort, visible par tous les demandeurs d’emplois et toutes les entreprises, modulable pour accompagner vers l’emploi. Devant l’accroissement continu du nombre de chômeurs et de la durée chomage, interrompant beaucoup précocement la spirale infernale du chômage.
- Les services à la personne et le contrat de génération
Cette nouvelle mesure paramétrique, plus fondée sur des considérations d’âge voulant lier l’embauche des jeunes avec le maintien des anciens dans l’emploi, que sur les logiques de décision par rapport au marché, serait à mieux aménager pour faciliter le retour à l’emploi des chômeurs, notamment des chômeurs de longue durée, avec l’insertion formation qualifiante alliée comme prévu à la prévention des pénibilités.
Cependant l’orientation des chômeurs, jeunes ou des générations matures, vers les services pour soin et l’autonomie des ainés ne va pas de soi.
En plus d’une formation gérontologique nécessaire pour les métiers de base , le processus d’ insertion dans l’emploi devraient aussi permettre d’acquérir , outre les compétences nécessaires pour faciliter l’emploi des TIC pour l’autonomie au domicile, lesquelles sont absentes des formation de base existantes. - Les chômeurs « seniors » ne sont pas dans l’axe du contrat de génération
Actuellement le cumul du CDD senior avec le contrat de génération n’est pas possible. Pourtant l’expérience de la vie de seniors les rend plus proches des ainés. Ce sont majoritairement les femmes qui jouent le rôle essentiel d’aidant. Or les femmes âgées de plus de 50 ans sont particulièrement exposées au chômage de longue durée. Pourquoi ne pas articuler des CDD senior,( si ce dispositif qui ne semble pas avoir prouvé son efficacité était maintenu), ou un CDI à temps plein ou à temps partiel compatible avec le contrat de génération, avec formation emploi préalable, qualifiante pour la compréhension des besoins des personnes fragilisées , leur « bien traitance » et les compétences pour une bonne utilisation des technologies pour l’autonomie ? Cela revitaliserait les petites structures de services en difficulté et faciliterait la création d’entreprises de services de proximité de qualité. - La modification des critères de financement des aides publiques et des systèmes assurantiels public et privés
Inclure progressivement un plafond minimal, par ex de 20%, consacré à l’équipement en TIC/produits services pour l’autonomie, sous le contrôle de la CNSA donnerait de la visibilité aux entreprises. Actuellement l’APA est utilisé au niveau minimal pour financer les dispositifs technologiques pour le soutien au domicile (5% env. selon la CNSA avec de grandes variations selon les départements).
Les référentiels de qualité des contrats de prestations dépendance, comme le futur contrat de solidarité pour l’autonomie incluraient aussi la formation des aidants et des aidés à l’utilisation des technologies matures pour des usages adaptés aux besoins individuels avec des durées contractuelles pertinentes. - Permettre aux entreprises et organisations d’investir davantage en formation qualifiante de qualité avec des partenariats public/privé favorisant l’efficience des services
Une question à étudier : rendre à moyen et long terme le marché des services à la personne plus attractif pour l’emploi sans créer de barrière à l’entrée, ou favoriser le travail au noir. - Ni l’emploi direct par la personne ou par un organisme mandataire (prédominant dans les services à la personne) ni le statut d’auto entrepreneurs(en progression, il représente 1/3 des entreprises privées du secteur et 25% des organismes de services) ne favorisent la formation qualifiante aux technologies pour le soin et l’autonomie et, partant, la perspective de pouvoir évoluer dans ce secteur , vers des emplois valorisants, même à temps partiel choisi.
Selon l’analyse de la Dares (Avril 2013 N° 25) sur les services à la personne en 2011, l’activité du secteur, dominée par l’emploi direct par les particuliers ou par un organisme mandataire était en baisse. Cette baisse affecte aussi l’emploi dans les associations prestataires (au deuxième trimestre 2011 64,8% des effectifs) « qui fournissent essentiellement des prestations d’assistance aux personnes âgées »(53,5% de leurs activités) ou handicapées et 26% des activités ménage repassage. Cette évolution reflète dès 2011 leurs difficultés économiques. Elle contraste avec la progression des entreprises privées. Celles –ci , qui représentent 27% des salariés du secteur des services à la personne ne consacrent cependant que 29,6% de leurs activités à l’assistance aux personnes âgées. - La structure de l’emploi des organismes prestataires, 76% en CDI , 87 % en temps partiel , 93% de femmes, 31% de plus de 50ans et seulement 12% de moins de 26 ans, n’évoque pas à priori un profil d’emplois attractifs à valeur ajoutée pour les jeunes , bien que ces organismes, avec leur structure d’emploi en CDI ,puissent ouvrir leur formation métier à l’utilisation des TIC pour l’autonomie , si elles y étaient incitées.
Ou bien la stratégie est de créer à terme des emplois pérennes à plus forte valeur ajoutée dans ce secteur et il faut changer les règles pour permettre l’amorçage du marché des technoservices innovants pour l’autonomie et la santé au domicile. Les organisations doivent avoir des marges manœuvre économiques pour financer les investissements nécessaires en formation et en coordination des acteurs du médico-social et augmenter en même temps leur productivité.
Ou bien on restera sur un schéma actuel d’emplois de complément peu valorisants, où les salaires sont peu attractifs, la formation gérontechnologique quasi inexistante, les emplois précaires et à forte rotation. La logique d’appel d’offres au moins disant, sans critères de qualification incluant les aptitudes à utiliser les Tic pour l’autonomie au domicile, fera que le gisement d’emplois des services à la personne restera très largement celui des « poor jobs »peu porteurs d’avenir et de développement.
Ce défi à relever par la politique de l’emploi dans les services à la personne a été souligné dans le rapport de l’OCDE de 2011( Help Wanted ?Providing and paying for long term care).
Plus les bénéficiaires fragilisés nécessitent des services personnalisés avec systèmes intégrés d’aide à l’autonomie et au maintien du lien social et de la santé au domicile plus il faudrait favoriser des services hautement qualifiés, ce que ne permettent pas les offres et les formations standardisées et une politique « low cost » de l’emploi de proximité.
La stratégie serait donc de faire basculer ce secteur vers des entreprises ou organisations privée ou publiques, avec des partenariats public /privé axés sur la valorisation de nouveaux parcours professionnels.
Les formations continues comme la VAE devraient inclure les qualifications de base nécessaires à l’utilisation des TIC pour l’autonomie au domicile et au dialogue avec les autres professionnels de la chaine de valeur.
De même pour les dispositions en application du Plan Alzheimer visant l’accès à la formation.
Le secteur adaptation de l’habitat un secteur porteur
Les différents métiers du second œuvre offrent un immense potentiel pour le développement des emplois de proximité à valeur ajoutée. Un plombier, un électricien facturent aujourd’hui plus qu’un médecin généraliste pour leur intervention et en plus ils facturent leur déplacement et prennent des marges sur les pièces de rechange et les matériaux. Cependant ces métiers qui nécessitent des efforts et des habiletés manuels dans des environnements pas toujours agréables ne motivent guère les jeunes français, ni leur parents. L’intelligence manuelle n’est guère valorisée dans notre système scolaire traditionnel.
Les bons artisans de nos provinces ont donc beaucoup de mal à recruter et à garder des jeunes pour les former et prendre la relève. Ils sont souvent découragés, à la fois par la lourdeur des charges et des contraintes administratives et la difficulté d’un retour sur investissement dans la formation métier d’un jeune qui demande du temps et dont il n’est pas du tout sur qu’il persévérera. Pourtant ils auraient besoin de jeunes bien formés aux nouvelles technologies qui font évoluer leur métier traditionnel. Apprendre à respecter les règles métiers de procédure, la ponctualité des horaires, à préserver le materiel de travail, a tirer parti des leçons de l’expérience suppose un minimum de partage de valeurs entre des générations de culture très différente , beaucoup de pédagogie et d’accompagnement des anciens en position de tutorat pour transférer les savoir-faire pertinents.
Toute une génération d’artisans et de patrons de petites entreprises artisanales est proche de la retraite et n’a pratiquement pas de relève. Ces artisans et PME vont disparaitre si l’on n’y prend pas garde.
Ce ne sont pas des entreprises exploitant une main d’œuvre bon marché à bas niveau d’éducation et de formation, parfois en situation plus ou moins régulière, pour réaliser à bas prix des prestations médiocres qui pourront répondre aux besoins d’adaptation de qualité dont les personnes âgées ont besoin pour aménager leur domicile, installer et entretenir avec compétences et fiabilité les systèmes technologiques facilitant la sécurité , le maintien de l’autonomie et du lien social et l’accès aux services distants.
Il y a donc une réelle opportunité pour le contrat de génération dans ces secteurs constitués de PME pour aider à maintenir dans l’emploi des compagnons proches de la retraite, avec si besoin en fonction de leur état de santé, des temps de travail adaptés pour former et encadrer les jeunes qui seraient alors recrutés en en emploi formation , prévenir les situations à risque et les pénibilités .
Pour revaloriser l’image de ces métiers et offrir un cadre d’évolution les professions concernées pourraient étudier dans le cadre d’un tel contrat l’organisation d’un cursus débouchant au bout de deux ans d’un brevet de compagnon. Ce brevet ouvrirait la voie à celui de maitre artisan, et ou à l’accès, pour les jeunes non diplômés, avec le soutien et l’accompagnement par un tuteur bien formé et aux compétences reconnues, à un diplôme supérieur de qualification professionnelle incluant les formations aux nouvelles technologies pour l’autonomie au domicile et à la connaissance du contexte de vie des personnes âgées à risque de fragilité.
Nos artisans retraités ou préretraités se verraient alors offrir la possibilité de continuer une activité professionnelle, modulable en fonction de leur motivation et de leurs capacités , rémunérée comme complément de retraite ou bénévole, mais alors mieux valorisée.
Une autre possibilité à étudier qui prolongerait utilement le champ du contrat de génération en l’appliquant à la création d’entreprise, donc d’emplois, serait d’ouvrir les incitations financières pour permettre à ancien du métier d’être l’un des partenaires d’une entreprise nouvelle , crée avec un ou plusieurs travailleurs qualifiés plus jeunes . Une telle disposition serait aussi utile pour l’ensemble des secteurs économiques
En résumé il serait pertinent d’étudier de concert avec les organismes qualifiés du secteur habitat :
- par branche les artisans et les patrons de PME qui ont l’intention de faire valoir leur droits à la retraite d’ici à cinq ans et l’incidence sur la disparition des entreprises
- les conditions nécessaires et suffisantes pour réussir à attirer les jeunes dans ce secteur et à favoriser leur parcours de professionnalisation en incluant les qualifications aux nouvelles technologies pour le soutien à l’autonomie, au soin, au lien social et à la qualité de vie au domicile des aînés
- susciter des conditions plus favorables pour la création ou la reprise d’entreprise
- susciter des conditions favorables au maintien de l’activité à temps partiel choisi et au tutorat permettant aux anciens expérimentés de transférer leur savoir faire traditionnel utile
- favoriser la reconversion dans ces secteurs des ouvriers qualifiés au chômage suite aux restructurations industrielles
- tirer parti des labels et organisations : A titre d’exemple citons ici le label Habitat senior Services soutenu par le programme européen Leornardo (http://www.e-irfpp.org/pour la formation pour tout le personnel des Entreprises Sociales de l’Habitat, pour le maintien à domicile des personnes âgées.
Les études de l’association Delphis, conceptrice du label, faites sur 2000 ménages de plus de 65 ans (2005-2008) et confirmées par d’autres enquêtes et les expérimentations réussies des 13 sociétés membre du réseau Delphis fournissent des éléments très utiles pour comprendre les attentes de services des personnes âgées dans le secteur social locatif , leur mobilité pour changer de logement , les améliorations technologiques attendues. Delphis signale des retombées pour l’emploi dans les services à la personne ; mais les retombées seraient sans doute beaucoup conséquentes si les enseignements des études et expérimentations étaient exploitées pour dynamiser les emplois directs métiers, tant pour la rénovation que pour l’habitat neuf (http://www.habitat-senior.com/actu2.html)
La filiale Icade de la Caisse des dépôts aurait vocation à étudier l’impact sur les emploi s de proximité de qualité pour la filière, d’un programme ambitieux de constructions neuves de logements adaptables à vie, comprenant les équipements de base permettant l’installation de systèmes intelligents intégrant domotique et technologies au service de l’autonomie.
Cette croissance de l’emploi est à orchestrer dans le cadre de la croissance d’une Silver Economie aux multiples marchés portés par l’innovation technologique et sociale. Elle nécessite des investissements et des financements importants, dont la discussion sort du cadre limité de cette approche de l’emploi.
A court terme, dans un contexte de disette budgétaire et d’économie de ressources il s’agit de réorienter les investissement à fonds largement perdus dans une indemnisation inefficace du chômage, dont la durée et la générosité relative ne garantissent aucunement un retour satisfaisant dans l’emploi , dans des modes de financement complexes et saupoudrés des aides sociales, dans des formations mal articulées ou insuffisantes , vers des formations-emplois et des créations d’entreprises donnant toutes leurs chances aux nouvelles technologies pour optimiser les services et l’aide humaine.
Tous les projets et dispositifs restent à évaluer en potentiels de création d’emplois de qualité à tous les niveaux de l’organisation du territoire et en concertation avec les différents acteurs de l’emploi, dont les ARS et les Régions…
A moyen et long terme le déploiement sur le marché des innovations pour le bien vivre des personnes âgées avec un développement d’emplois de service de qualité efficients (« more jobs , better jobs » souhait pour l’Europe 2020 ) ne peut-être dissocié de la formation de l’ensemble des acteurs de la chaine de valeur.
C’est à l’Etat régulateur de prévoir, dans le cadre d’une gouvernance positive du vieillissement démographique, un changement cohérent et coordonné et négocié des règles qui permettront le développement d’une économie argentée aussi pour l’emploi pérenne et de qualité.
Gérard Cornet
Cet article a été publié par la Rédaction le