Pour le sociologue Serge GUERIN, Fondateur des Etats Généraux de la séniorisation de la société, dans la situation actuelle il s’agit de penser collectivement une politique efficiente et bienveillante du grand âge. Il s’agit aussi de ne pas se contenter de mettre de l’argent sans changer les structures et les organisations.
Contacté par SilverEco.fr Serge GUERIN nous rappelle que ce projet « s’est construit (très très) rapidement, il y a une grosse semaine, dans le confinement, pour face à la crise du covid-19, penser et influencer le mode d’après ».
Un collectif de plus d’une cinquantaine d’experts à ainsi été formé impliquant des responsables de structures majeures mais aussi des professeurs en médecine, l’Association des jeunes gériatres…. Mais aussi des « acteurs de la société du bas » : infirmiers, retraités… Sans oublier le monde politique (plusieurs députés, anciens ministres de quatre présidents et élus des territoires sont aussi mobilisés). le tout de façon « collégiale, transversale et transpartisane ».
Cette réflexion collective a pour objectif d’établir des propositions concrètes autour de trois axes
- Accompagner la transition démographique,
- Cheminer vers une politique de santé adaptée au vieillissement,
- Valoriser et développer les dispositifs adaptés.
Les prochaines étapes
- De ces travaux vont ressortir une série de propositions qui seront présentées aux Français sur un site lié aux territoires : www.lemagdesterritoiresnumeriques.com/etats-generaux.
- L’institut Via Voice ferra ensuite un sondage sur des certaines questions qui se dégagent.
- L’ensemble des contribution sera publié et une présentation des travaux sera organisée lors d’une rencontre nationale à l’Assemblée et certainement en régions.
La lettre « Appel aux Etat Généraux de la séniorisation de la société » de Serge GUERIN
La crise du Covid-19 est un puissant et dramatique révélateur de la condition des aînés. À titre personnel, il me conduit ainsi à m’interroger sur la raison pour laquelle nous en sommes arrivés là. Depuis bien longtemps, plus d’un demi-siècle, les enjeux sont inscrits dans les agendas des politiques et de la société. Tout particulièrement, ces dernières années ont été marquées par des mouvements sociaux, à la fois portés par des professionnels en 2017 dans les EHPAD, ou encore initiés par les Gilets jaunes sur les ronds-points en 2018.
Combien de rapports ont été publiés depuis celui de Pierre Laroque en 1962 ? Certes, de nombreux rapports, actions, mesures, plans, lois et décrets, ont été portés. Incontestablement, malgré d’énormes progrès salutaires accomplis, la situation des maisons de retraite d’aujourd’hui est loin d’être celle des hospices d’hier… Avec la création de l’APA, le financement de la perte d’autonomie a permis d’améliorer la vie quotidienne d’une partie des plus fragiles. De même que la reconnaissance des aidants a progressé. L’instauration de PASA au sein d’EHPAD illustre également l’essor d’une politique de santé bienveillante et adaptée au vieillissement. Pour autant, ces progrès demeurent insuffisants face à la réalité « de terrain » :
- manque de moyens dans les services d’aides à domicile et les lieux d’accueil des aînés ;
- pénurie de candidats aux carrières du soin ;
- croissance des déserts médicaux ;
- manque d’une politique de prévention ;
- besoins grandissants en matière d’adaptation des logements ;
- isolement croissant des aînés et des aidants, etc.
Durant ces premières semaines de crise, comme n’importe qui, j’ai pu observer et vivre les difficultés de cette période, en m’attachant autant que possible à répondre aux sollicitations de mon entourage professionnel nécessairement fragilisé : étudiants angoissés, directeurs d’EHPAD dépassés par des situations dramatiques, soignants en souffrance, etc. Au cœur de la polémique, la pénurie de masques a symbolisé et cristallisé les tensions de cette crise. Mon réseau professionnel a servi pour l’acheminement gratuit de millions de masques, vers des groupes d’EHPAD, des associations ou des communes. Ainsi, l’entreprise BUT avec laquelle je suis en lien, a pu répondre à des demandes institutionnelles urgentes.
Évidemment, je me suis attaché, tant bien que mal, à soutenir les soignants me sollicitant, ayant pu proposer parfois quelques pistes ou solutions de court terme. Mais j’ai également pu en constater les limites. Sollicité par des structures comme Siel Bleu, j’ai pu entrevoir combien certaines souffraient économiquement tout en cherchant de continuer à se rendre utile. Là encore, j’ai aidé comme je le pouvais. Sollicité par ma famille et des proches, mais également par des professionnels du secteur ou encore des médias, je me suis ainsi trouvé directement confronté à la désespérance et à l’angoisse.
Il y a plus de quinze ans, j’avais déjà fait le constat qu’en l’absence d’un groupe de pression organisé de séniors, il serait alors fort difficile d’impliquer une majorité politique pour porter une société de la longévité. De la même manière, force est de constater qu’en dépit de nos interventions, nos ouvrages, nos colloques, nos prises de parole, nous ne sommes pas parvenus à faire bouger les lignes ou à renverser les représentations sociétales sur l’avancée en âge. Le vieillissement de la population reste le symbole d’un problème, d’une charge : nous n’avons pas inversé le sens de l’hégémonie culturelle, pour reprendre la pensée de Gramsci selon laquelle faire basculer la décision politique, nécessite d’abord, de conquérir les esprits, le bon sens partagé. Déjà en 2010, je défendais la notion de « Transition démographique » avec l’idée d’une « dynamique à inventer » afin de répondre à la nouvelle démographie, à l’image de ce que le réchauffement climatique impliquait en termes de transition énergétique. Peine perdue…
Depuis un long moment, je cherche donc une autre façon de mobiliser la réflexion : non pas pour conduire un colloque ou un rapport de plus, mais afin d’initier et fédérer une pensée transversale et collective ayant pour objectif d’aider notre France à faire face au « Grand Âge boom » qui débutera dès demain, en 2021. Sans doute que former un collectif d’experts impliqués directement dans la question, porteurs de solutions concrètes et partageant des valeurs humanistes communes serait-il une bonne façon de contribuer à faire émerger une loi Grand Âge ambitieuse ? Nous réfléchissons mieux à plusieurs ! Surtout s’il s’agit d’une dynamique collégiale regroupant des personnes compétentes et engagées. Surtout s’il s’agit d’une dynamique qui pense « avec » et non « pour » les citoyens ! Il s’agit donc d’un pari qui vaut la peine.
Assurément, le Covid-19 a exacerbé les enjeux liés à la séniorisation de la société pointant ainsi la fragilité structurelle du système médicosocial. Dans cette optique, mes interactions quotidiennes – lors de cette période hors norme – avec les acteurs et les experts du secteur, symbolisent certainement l’élément déclencheur de la mise en route de ces États Généraux. Selon moi, ils se sont révélés le moyen de partir des « réalités de terrain » et de dégager des problématiques communes puis, de « mettre sur papier » plusieurs éléments de réflexions… Mais, « penser les enjeux humains », implique de pouvoir déployer une démarche réflexive collégiale, transversale et transpartisane.
À partir de ce contexte, j’ai tout d’abord constitué un « comité d’organisation restreint » afin d’assurer une coordination efficiente de ce travail. Je me suis alors rapproché de Véronique Suissa, docteur en psychologie clinique et longtemps praticienne en clinique de soins de suite et de réadaptation (Gériatrie – Oncologie). Chercheuse au Laboratoire de Psychopathologie et Neuropsychologie de l’Université Paris VIII, elle est pleinement formée aux méthodologies de recherche. Particulièrement rigoureuse et fortement impliquée dans les enjeux du vieillissement, elle a immédiatement accepté de s’impliquer à mes côtés et de coordonner ce projet.
Parallèlement, faisant appel à Philippe Denormandie comme conseiller médical, chirurgien de renom et acteur majeur dans le champ du vieillissement et du handicap, celui-ci a également accepté instantanément de s’impliquer à mes côtés. Par ailleurs très impliqué lors de cette période de crise, j’ai pu suivre, dès son commencement, son initiative salutaire visant à créer un dispositif de soutien psychologique dédié aux soignants.
D’ailleurs, nous avions tous les trois déjà formé ce même trio pour conduire la publication d’un ouvrage collectif centré sur les médecines complémentaires et alternatives, comme l’expression d’un symbole de l’émergence du care en santé. Très rapidement, nous avons alors mis en place des réunions de travail, mutualisé nos expertises, « mis sur papier » d’autres enjeux et d’autres pistes. En résumé, nous avons fait en sorte de structurer au mieux la démarche, symbolisant ainsi la seconde étape de ces États Généraux.
Puis, il s’est naturellement agi de faire appel aux plus grands experts du domaine dans le but de croiser leurs « expertises pointues », démarche indispensable afin de cheminer vers un dessein majeur au service de la collectivité. Ainsi les échanges, menés par l’ensemble des experts, constituent la troisième étape – essentielle – de ces États Généraux.
Plus précisément, il s’est agi de former un « comité de pilotage » pointu en vue d’initier une démarche constructive articulée autour des expertises de chacun. À partir d’une analyse transversale et méthodologiquement structurée, des recommandations concrètes pouvant être effectives et soutenues à court terme par le politique ont été proposées. En d’autres termes, cette démarche à la fois réflexive et active avait pour objectif l’essor d’une politique adaptée aux transformations démographiques. Le comité de pilotage – composé de 16 spécialistes – a été chargé de développer une analyse collégiale des enjeux de la séniorisation et de proposer des pistes structurantes en faveur d’une politique efficiente et bienveillante des âges.
Parallèlement, il s’est agi de présenter ce travail – avant sa diffusion – à différents experts politiques et institutionnels de premier rang. Notre optique étant bien la confrontation constructive avec le monde politique et institutionnel dans le but de coconstruire une vision commune et permettre des débouchés concrets. Dans cette optique, il s’est agi de former un « vaste collectif » rassemblant des élus, des experts politiques, des représentants institutionnels, des acteurs de terrain, des citoyens, etc. Ainsi, au-delà des précieuses contributions des membres du comité de pilotage, 28 personnalités issues du champ politico-institutionnel, mais également 10 acteurs et citoyens engagés ont activement contribué à ce travail, symbolisant la quatrième étape de ces États Généraux.
Au total, 54 contributeurs ont participé à ce travail collectif.
Enfin, traiter des « enjeux de société » ne peut en aucun cas se faire sans « la société ». Pour cette raison, la présentation en ligne de ce travail – dans son intégralité – auprès des citoyens, a été décidée afin d’enrichir, à nos côtés, les propositions qui en sont issues. L’objectif étant d’aboutir à la réalisation d’un rapport national articulé autour de trois enjeux majeurs :
- 1er : accompagner la transition démographique ;
- 2e : s’engager vers une politique de santé adaptée au vieillissement ;
- 3e : valoriser et développer les dispositifs adaptés.
Ainsi, cette dernière étape cruciale est le moyen de discuter nos travaux avec les Français mais également d’amender, si nécessaire, les propositions initiales. Les pistes et les réflexions issues des citoyens seront pleinement intégrées à l’analyse définitive portée par le comité de pilotage dans le but de présenter un travail véritablement collégial et coopératif.
Incontestablement, cette dynamique collective est la clé de voûte de ce rapport décloisonné et inclusif. D’ailleurs, cette approche inédite – comme décloisonnement de la pensée – permet de cheminer vers une politique plus globale et efficiente du Grand Âge.
Dans cette optique, la méthode déployée, a permis de saisir le sens même de cette démarche et le processus de ces États Généraux. Avant tout, il s’est agi pour le comité de pilotage de répondre concrètement aux problématiques posées, en fonction des appétences et des compétences de chacun. Ensuite, des experts institutionnels, des politiques et des citoyens engagés ont été invités à réagir aux propositions issues de ce travail collectif, mais également à partager leurs expertises respectives à partir de contributions écrites intégrées au rapport. Enfin, il s’agit à présent pour les citoyens qui le souhaitent d’exprimer de la même façon leurs opinions et/ou de proposer des pistes de solutions. Celles-ci seront ainsi discutées et incluses dans la dernière étape de construction de ce rapport dédié aux pouvoirs publics.
Les États Généraux de la séniorisation de la société seront alors le moyen de présenter le rapport définitif coconstruit avec l’ensemble des acteurs : le comité de pilotage, les experts politiques sollicités, les acteurs institutionnels, les citoyens, etc.De vives remerciements à tous ceux qui ont d’ores et déjà accepté – ou accepteront – de participer à cette initiative, à la fois transverse et transpartisane.
Nous invitons tout citoyen à prendre connaissance du pré-rapport – qui sera mis en ligne du 21 au 30 avril 2020 (www.lemagdesterritoiresnumeriques.com/etats-generaux) – et de bien vouloir nous faire l’honneur de partager leurs expertises respectives.
D’ici là, les membres du comité d’organisation restreint se tiennent à l’écoute de chacun, et ce, tout au long du processus de mise en ligne de ce travail collectif. Véronique SUISSA, coordinatrice générale, et Philippe DENORMANDIE, conseiller médical, se tiennent ainsi à mes côtés afin d’assurer une coordination continue et efficiente de ce travail.
Merci encore d’avoir accepté de participer à cette aventure intellectuelle visant à porter collectivement des valeurs humaines au service de la société de longévité.
Serge GUÉRIN,
Fondateur des États Généraux
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Cet article a été publié par la Rédaction le