La robotique d’assistance pour personnes âgées fait de plus en plus parler d’elle.
Ce marché en devenir est annoncé comme très porteur : 1 à 2,5 milliards d’euros d’ici 2018. Face au manque d’aidants professionnels annoncé, les robots assistants se positionnent en solutions technologiques pour le maintien/soutien à domicile de seniors en perte d’autonomie. A la condition de ne pas venir en remplacement du lien social, du lien humain, mais bien en complément de celui-ci, et même en soutien.
Le futur sera-t-il tel que décrit dans la série Real Humans ? Ou encore dans le film Robot et Franck ?
Pour que chacun puisse se faire son propre point de vue (n’hésitez dailleurs pas à l’exprimer en commentaire) nous vous proposons de relire la note d’expertise que nous avions réalisée en 2011 pour le CNR-Santé au sujet de la robotique d’assistance pour seniors.
L’engouement pour la robotique en général – et la robotique d’assistance en particulier – est réel.
Cela se traduit par des prévisions d’un développement rapide de ce marché, avec des perspectives de revenus fortes pour les entreprises de ce secteur. Des produits sont d’ailleurs déjà disponibles sur le marché et de nombreux programmes de recherche sont en cours.
Les personnes en situation de handicap vont-elles être demain assistées par des robots ? Est-ce déjà le cas ? Un éclairage semble nécessaire sur les développements récents de ces technologies.
«Robotique, LE marché de demain ?»
Le secteur de la robotique est un marché vu comme très porteur. Le marché de la robotique industrielle et professionnelle est d’ailleurs déjà bien lancé, avec de nombreuses réalisations.
La prochaine révolution sera celle de la robotique de services (robots assistants, domestiques, ludiques, compagnons, de transport, médicaux, …).
Des grands noms de l’industrie des TIC se sont déjà positionnés sur ce créneau: Panasonic, Microsoft, IBM, Google, Honda (…) et certains acteurs connaissent un fort développement. Citons notamment le succès de la société iRobot, fabricant du robot aspirateur Roomba, qui a vendu 6 millions d’unités depuis 2002 et qui confirme sa volonté de développer le marché des robots assistants pour personnes âgées, ou encore Vincent Dupourqué, Président de Robosoft pour qui « Le marché des robots d’assistance est une des opportunités les plus probables pour l’émergence de l’industrie de la robotique domestique ».
Certains produits déjà développés sont parfois très impressionnants comme la stabilité de l’assistant «Big Dog» développé par la société Boston Dynamics et utilisé par l’armée Américaine en Afghanistan.
En 2010, selon l’IFR (International Federation of Robotics) 2,2 millions de robots de services à usage personnel ont été commercialisés, 14,4 millions devraient l’être sur la période 2011-2014, soit un marche de 5,4 milliards de Dollars. De son côté la Japan Robot Association annonce que la robotique de service représentera en 2025 80% du marché global de la robotique, avec notamment en tête la robotique d’assistance aux personnes (marché estimé à 35 milliards de dollars en 2025).
L’étude Technologies Clés 2015 du Ministère de l’Economie, des Finances et de l’Industrie souligne l’intérêt du secteur de la robotique, et devant de telles perspectives les développements, sont bien entendu, soutenus par les pouvoirs publics : en France via le Grand Emprunt «Investissement d’avenir», sachant qu’au niveau européen le nombre de projets de recherche a considérablement augmenté en 10 ans, totalisant à ce jour plus de 600 millions d’euros de fonds alloués.
L’Asie reste néanmoins la zone géographique où la robotique se développe le plus avec en tête le Japon, ou encore la Corée du Sud qui a annoncé son ambition de faire de son industrie robotique, l’une des trois plus puissantes au monde d’ici 2013.
«Panorama de la robotique d’assistance»
Au delà de ces perspectives de marché, que recouvre la robotique d’assistance ? Tout d’abord elle s’intègre dans le segment de la robotique de services et à ce titre est à même d’intégrer de nombreuses fonctionnalités : lien social, communication, sécurité, aide aux déplacements, télésanté, loisirs, etc.
Il serait ici compliqué de faire un état des lieux exhaustif des projets tant ils sont nombreux, néanmoins des tendances de fond se distinguent.
Les robots ménagers
Ils ont déjà investi notre quotidien : depuis longtemps pour les machines à laver, cafetières programmables (…), et plus récemment pour les robots aspirateurs et autres robots tondeuses.
Alors pourquoi en parler ici ? Simplement parce qu’ils sont l’exemple de systèmes robotiques que nous avons tous acceptés, ils nous permettent aujourd’hui de gagner du temps, de s’affranchir de certaines tâches répétitives ou secondaires, d’être plus autonomes.
Les robots ménagers sont donc des robots d’assistance (pour tous), ils sont également la preuve que les développements robotiques ne sont pas forcément synonymes d’une déshumanisation de la société.
Les robots d’aide au déplacement
Ces robots ont pour objectif de palier une déficience physique, citons le robot Mobiro d’aide à la mobilité de Toyota conçu pour les personnes à mobilité réduite ou encore le célèbre exosquelette HAL (Hybrid Assistive Limb) qui a récemment permis à un japonais handicapé de gravir le Mont Saint-Michel sur le dos d’un homme dont la force était décuplée par cet outil.
Dans le secteur de la perte d’autonomie des personnes âgées, des programmes d’aide au lever (déambulateur-releveur) sont également en cours de développement. C’est le cas en France du projet Miras (Multimodal Interactive Robot of Assistance in Strolling) ou encore du déambulateur intelligent Monimad.
Le lit médical convertible en fauteuil roulant Roboticbed de Panasonic s’inscrit également dans cette logique d’aide à l’autonomie.
Plus récemment les chercheurs de l’Institut of Science and Technology de Nara (NAIST) au Japon ont mis au point un robot qui peut aider un homme à enfiler un t-shirt en à peu près 10 secondes. Ce geste simple effectué quotidiennement peut être un véritable calvaire pour les personnes âgées ou souffrant de handicap.
Ce chapitre des systèmes robotiques d’aide au déplacement ne peut être clos sans citer les véhicules personnels sans conducteur, que nous utiliserons peut être plus rapidement que nous le pensons (voir l’exemple de la voiture robot de Google ou de cet autre projet allemand)
Les robots compagnons
La robotique d’assistance est un secteur d’activité déjà plus controversé. Le robot peut être perçu comme intervenant en lieu et place de la présence humaine. Dans son rapport remis à Monsieur Philippe BAS Ministre de la Santé et des Solidarités, Vincent Rialle, Président de l’Espace Ethique avait souligné cet aspect en rappelant l’émoi créé par le programme IWARD.
Mais des études récentes montrent l’intérêt de ce type de solutions dans certains cas. ARTE a récemment rediffusé un programme présentant l’utilisation de ces technologies pour lutter contre la démence. Les robots de compagnie visent en effet à divertir, à proposer des programmes d’entraînement cérébraux, à aider à lutter contre des troubles cognitifs …
Présenté dans le programme ARTE le robot bébé phoque Paro destiné entre autres aux malades Alzheimer, a démontré (via plusieurs études cliniques japonaises) qu’il permettait à certains usagers de recréer une forme de lien, et donc de limiter les crises d’angoisse, en particulier nocturnes, sous réserve d’un accompagnement.
Autre exemples Ifbot ou encore Matilda qui peuvent communiquer, soutenir une «conversation» avec une personne âgée.
Les robots de téléprésence
Ces projets de robots sont nombreux, ils sont dédiés à la sécurité et au lien social, et viennent en complément de la téléassistance en permettant le déclenchement d’une visioconférence avec un proche ou un centre de téléalarme. Certains d’entre eux peuvent détecter des situations anormales (absence de mouvement par exemple), rappeler à l’utilisateur qu’un médicament a oublié d’être pris, et sont connectables à des dispositifs de domotique ou de télémédecine.
Leur noms : Companionable, Gostaï Jazz, Kompaï Robosoft, AnyBot…
Leur point commun : le design de ces robots dépourvus de bras, mobiles sur roues, intégrant généralement une caméra dans leur «tête» et un écran sur le torse.
Certaines équipes d’intervention sont en train de réfléchir sur l’introduction de ce type de dispositifs dans leurs pratiques professionnelles, pour éviter les déplacements inutiles lors de fausses alarmes.
Les robots aides soignants
Alors que les robots conçus pour le maintien à domicile des personnes âgées visent à palier la présence d’un aidant professionnel ou familial, les robots aides soignants ont pour objectif d’assister les professionnels de santé dans leurs tâches.
Ainsi des tests de systèmes robotiques sont réalisés pour permettre une distribution efficace des médicaments dans des hôpitaux, ou encore créer un lien à distance entre un patient et le personnel tel que le propose Hospi-Rimo.
Dans le même cadre les robots RI-MAN et RIBA peuvent porter un patient.
Enfin citons Actroid-F l’infirmière ultra réaliste conçue par le célèbre roboticien Hiroshi ISHIGURO.
Vers des robots major d’homme
Ces robots feront (quasiment) tout, c’est d’ailleurs peut être pour cette raison qu’ils ne seront pas les premiers à être disponibles sur le marché !
Ils sont à ce stade de leur développement de véritables vitrines de R&D.
Ils s’appellent ASIMO, ou encore Romeo (projet piloté par Aldebaran Robotics, le concepteur de Nao.
Ces robots de type humanoïde sont destinés à accomplir de nombreuses tâches, et sont orientés vers la robotique de service et surtout d’assistance : aide domestique, aide au lever/coucher, compagnon, téléprésence, ouvrir une porte, aller chercher une boisson, etc.
«Robotique et modèle économique»
Le coût des robots assistants est élevé, typiquement de l’ordre du millier à la dizaine de milliers d’euros selon la configuration choisie. Leur commercialisation est donc encore difficile car il faut innover et concevoir des offres arrivant à intégrer ce coût. Cela restreint leur utilisation dans certains secteurs d’activité à court terme. Plusieurs projets sont en cours pour essayer d’innover dans ce domaine, en essayant d’identifier la valeur de cette technologie pour les potentiels usagers.
L’autre levier majeur existe dans les probables économies d’échelles qui devraient apparaître lors de la diffusion en grande série de ces technologies.
«Robotique et éthique»
La question éthique est au cœur de l’utilisation de ces nouvelles technologies. Dans les prochains mois, l’Espace Éthique du CNR-Santé sera d’ailleurs probablement saisi de cette question afin de produire des éléments de réflexion sur ce sujet, suite au progrès récents de ces technologies.
Par certains aspects, ces technologies participent en effet au «mieux vivre» de certains usagers. Ils peuvent redonner une certaine autonomie, soulager les aidants de taches secondaires ou répétitives, créer des temps de répit pour les proches de malades atteints de maladies neurodégénératives. On perçoit intuitivement que ces technologies pourront être acceptables si le robot reste un «assistant de vie» et ne devient l’«aidant» principal, en remplacement de l’humain.
Mais les nouvelles générations de robots sont en effet de plus en plus «intelligentes». Les développements récents ont permis de construire des robots qui «pensent avant d’agir» et sont capables d’exécuter des tâches sans y avoir été préalablement programmés. De même les robots Ifbot ou Matilda, cités plus haut sont capables de soutenir une conversation, activité humaine s’il en est. Ces robots offrant par ailleurs des potentiels de gain d’efficience et de performance, la tentation d’en généraliser l’usage, comme cela a été fait dans la production de biens (automobile, électronique grand public) pourrait devenir forte.
On voit alors le besoin d’une réflexion sur ce sujet afin d’essayer de poser des principes directeurs, comme a tenté de le faire dès 1940 l’auteur de Science Fiction, Isaac Asimoc, au sujet des robots au service de l’homme.
Et cela ne sera pas simple car il ne semble pas exister de réponse universelle. L’Europe et l’Asie ne placent pas, par exemple, le «curseur» aux mêmes niveaux et la robotique en général, les robots humanoïdes en particulier, sont plus facilement acceptés en Asie qu’en Europe. Il est donc important d’anticiper la réflexion sur, comment ces nouvelles technologies vont transformer et modifier la société ?
Cet article a été publié par la Rédaction le