Jean-Paul Delevoye, Haut-Commissaire à la réforme des retraites, a été chargé, auprès d’Agnès Buzyn, Ministre des Solidarités et de la Santé, de construire un nouveau système de retraite. Voici le point d’étape sur les concertations engagées.
Le projet auquel le gouvernement travaille vise à créer un système universel dans lequel chaque euro cotisé donnera des droits identiques, quel que soit le statut (salariés, indépendants, fonctionnaires) de celui qui cotise et le moment de sa carrière où il cotise. Le passage d’un système de retraite à logique professionnelle, constitué de 42 régimes aux règles différentes, à un système universel où les règles seront communes à tous suppose de remettre en débat le système actuel, ses objectifs, ses paramètres et son pilotage.
Une concertation approfondie avec les partenaires sociaux
Une concertation avec les partenaires sociaux a été ouverte en avril dernier. À l’issue de cette première phase de dialogue, Agnès Buzyn et Jean-Paul Delevoye ont invité l’ensemble des organisations syndicales et patronales représentatives à se réunir le 10 octobre au Ministère des solidarités et de la santé.
Cette réunion a eu pour objet de faire un bilan des six premiers mois de travaux, de présenter les grands principes que retient à ce stade le Haut-Commissaire pour continuer de construire le système universel et de partager les positions et les convictions des uns et des autres.
Les prochaines rencontres, organisées dans le cadre de réunions bilatérales, viseront à approfondir le travail effectué jusqu’ici et, en particulier, à examiner les questions relatives à la gouvernance, au pilotage et à l’organisation du système universel, aux différents sujets liés aux conditions de départ, à l’examen des situations particulières, ainsi qu’aux modalités de transition entre l’ancien et le nouveau système.
Ce dialogue continu avec les partenaires sociaux s’accompagne d’un dispositif de consultation et de participation citoyenne, lancé en mai dernier.
Il repose notamment sur une plateforme de participation en ligne (participez.reforme-retraite.gouv.fr) sur laquelle, à ce jour, plus de 30 000 contributions ont été publiées par les citoyens et près de 200 000 votes ont été enregistrés.
Huit ateliers participatifs, puis un atelier citoyen en fin d’année, sont également organisés pour associer les citoyens à cette réflexion.
Cette concertation est sans effet sur les retraités actuels, dont la situation ne sera pas modifiée. Le projet de loi sera discuté au Parlement dans le courant de l’année 2019.
Constats du ministère pour le nouveau système
Le système de retraite est composé de 42 régimes de retraites, organisés par profession et par statut. Chaque régime ayant ses propres règles, les Français n’ont pas tous les mêmes droits lorsqu’ils partent à la retraite. Cette situation est complexe; elle est aussi inéquitable pour le Haut-Commissaire à la réforme des retraites, qui considère que la création d’un système universel de retraite a pour vocation d’apporter la simplification à laquelle assurés et cotisants aspirent, de garantir l’égalité de tous devant le système de retraite en élaborant des règles sur des principes clairs, lisibles et transparents.
En moyenne, chaque assuré est aujourd’hui affilié à 3 régimes (de base ou complémentaire) compte tenu de son parcours professionnel et des différents statuts auxquels il a appartenu au cours de la carrière. Mais le tiers des assurés a déjà 4 régimes ou plus. La coexistence de régimes de base et de régimes complémentaires, de régimes en points et de régimes en annuités, rend le système difficilement lisible.
Aujourd’hui les statuts déterminent les régimes d’affiliation. Les salariés du secteur privé et certains indépendants cotisent à la fois à un régime de base jusqu’au plafond de la sécurité sociale (soit 3311 euros par mois) et à un régime complémentaire, sur tout ou partie de leurs revenus. D’autres professions ne relèvent que d’un seul régime, qui regroupe alors les régimes de base et complémentaire.
Cette complexité institutionnelle se double de formules de calcul de la pension qui différent d’un régime à l’autre et de dispositifs de solidarité qui ne sont pas les mêmes selon les régimes.
Aujourd’hui, à revenu identique, un changement de statut a des effets sur le montant des droits à la retraite. Par exemple, pour une carrière et un salaire identique, un assuré qui a fait le début de sa carrière dans le privé, puis fini dans le public aura une retraite inférieure à celui qui a commencé sa carrière dans le public, puis fini dans le privé. Ceci est dû aux modes de calcul du montant de la retraite qui diffèrent selon les régimes.
Si le système est parvenu à s’approcher de l’équilibre financier à court terme, sa pérennité est extrêmement dépendante de la situation économique du pays et de ses fluctuations. En effet, le système de retraite, et donc la garantie que les pensions seront versées aux retraités, est excessivement dépendant de l’évolution du taux de croissance économique. Quand la croissance augmente plus vite que prévu, le système est en situation d’équilibre mais le pouvoir d’achat des retraités progresse plus lentement que celui des actifs.
À l’inverse, quand la croissance est faible, on ne parvient que difficilement à continuer de servir les retraites et on s’expose à la nécessité de réaliser des ajustements paramétriques pour corriger la situation.
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Construire un système commun à tous les Français
Le système universel de retraite remplacera les 42 régimes de retraite existants (régimes de base et régimes complémentaires obligatoires). Il garantira pour tous les assurés la prise en compte de leurs revenus d’activité dans la limite de 3 plafonds de la sécurité sociale soit 120 000 € bruts annuels.
Ce sera un système public, par répartition, dans lequel les actifs d’aujourd’hui financeront par leurs cotisations les pensions des retraités d’aujourd’hui.
Les règles de calcul des droits et les mécanismes de solidarité seront les mêmes pour tous : salariés du privé ou du public, fonctionnaires, travailleurs indépendants et professions libérales, agriculteurs.
Les points accumulés tout au long de la vie seront enregistrés dans un compte unique. Chaque jour travaillé dans sa vie sera pris en compte. 1€ cotisé vaudra les mêmes droits pour chaque Français : salariés du privé ou du public, fonctionnaires, travailleurs indépendants et professions libérales, agriculteurs.
Les salariés et les fonctionnaires cotiseront au même niveau et, à revenu identique, auront donc les mêmes droits à retraite. Le taux de cotisation sera proche de la situation actuelle, de l’ordre de 28 % pour les assurés et leurs employeurs, qu’ils soient privés ou publics.
Les primes des fonctionnaires civils et militaires et des salariés des régimes spéciaux seront prises en compte pour le calcul des droits à retraite. Une concertation aura lieu sur les conséquences à tirer de la réforme en termes d’évolution des carrières et des rémunérations, au fur et à mesure de la montée en charge des effets du nouveau système.
Dans le système universel, les travailleurs indépendants bénéficieront d’un régime de cotisations adapté afin de ne pas bouleverser les équilibres économiques de leur activité. A cotisation égale, ils auront le même nombre de points.
Cette transition sera très progressive pour tenir compte de la diversité des situations initiales ; en tout état de cause, ceux qui seront à moins de 5 ans de l’âge de départ à la retraite lors de l’adoption de la loi ne seront pas concernés.
Pour tous les actifs, les droits relatifs aux périodes travaillées avant l’entrée en vigueur du nouveau système, qu’il s’agisse de trimestres ou de points, seront conservés à 100 %.
Cet article a été publié par la Rédaction le