La réforme du 100% santé est entrée entièrement en vigueur le 1er janvier 2021. Mais que signifie t’elle vraiment ? Quels changements apporte-t-elle pour les professionnels et les patients ? Quelles adaptations ont été nécessaires ?
Pour répondre à ces questions et faire le point sur cette réforme, la rédaction a interviewé Marie Legrand, directrice de l’enseigne Audio 2000. En plus de son poste de direction qu’elle occupe depuis 2018, elle est audioprothésiste de formation et a exercé pendant dix ans dans un centre d’audioprothèse.
Comprendre la réforme 100% Santé dans le secteur de l’audition
Pouvez-vous revenir sur la génèse de cette réforme ?
La réforme du 100% santé est une promesse de campagne d’Emmanuel Macron qui s’inscrivait dans l’accessibilité aux soins. Elle a touché le secteur de l’optique, du dentaire et également de l’audioprothèse. Dans ce secteur, elle permet l’accès sans reste à charge à des aides auditives de qualité pour l’ensemble des Français.
Contrairement à d’autres disciplines comme l’optique par exemple où l’entrée en vigueur s’est faite plus rapidement, en audioprothèse elle s’est installée de façon progressive depuis le 1er janvier 2019 avec des évolutions successives en 2020 et une entrée en vigueur complète au 1er janvier 2021.
Comment cette réforme s’est elle mise en place ?
Dès le 1er janvier 2019, la réforme du 100% Santé pour l’audioprothèse comptait à la fois une partie qualitative dans laquelle le parcours de soins et les tests auditifs réalisés pour le patient ont été inscrits et redéfinis.
Et également une partie tarifaire où les audioprothésistes avaient déjà un premier plafonnement sur les appareils de classe 1. En parallèle, la Sécurité Sociale a augmenté sa part de remboursement pour diminuer le reste à charge. Les mutuelles n’avaient pas encore pris d’engagement de ce côté là.
Quelle est la différence entre un appareil de classe 1 et 2 ?
Les appareils auditifs de classe 1 sont des appareils de qualité, essentiellement « d’entrée de gamme ». Ils existent dans différents modèles. Ils corrigent tous types de perte auditives -de légères à profondes-. Ils seront plus ou moins performants dans certains environnements sonores. Dès qu’une personne est très active et se retrouve dans des environnements sonores récurrents, il faudra peut-être lui conseiller un appareillage plus adapté de classe 2.
En résumé, ce qui différencie classe 1 et classe 2 c’est la technologie qui se trouve à l’intérieur de l’appareil. Par exemple en comparaison c’est un peu comme une voiture : l’extérieur est le même mais l’intérieur peut être équipée de multiples options qui vont apporter plus de confort mais également augmenter le prix.
Quel a été le rôle des acteurs du secteur dans la mise en place de la réforme ?
Il y a eu plusieurs réunions avec les différentes parties prenantes : le Gouvernement, la Sécurité Sociale, les complémentaires santé, les distributeurs, les fabricants et les syndicats professionnels. L’objectif était, en s’axant sur la partie qualitative, de tenir compte des spécificités du métier et d’avoir quelque chose de cohérent, ce qui est le cas aujourd’hui.
L’engagement d’Audio 2000 dans la réforme du 100% Santé
Comment se traduit cette réforme au sein du réseau Audio 2000 ?
On a beaucoup travaillé dessus en amont du 1er janvier 2019 pour informer tout notre réseau des éventuels changements du parcours de soins. Par exemple, sur l’encadrement de la prescription. Avant, un généraliste ou un ORL pouvaient prescrire toutes formes d’aides auditives. Désormais, le 100% Santé a recadré ces prescriptions.
En effet, pour un premier appareillage (primo équipement), seul un ORL ou un généraliste diplômé du DPC Otologie sont habilités à prescrire ces aides. Pour les enfants, uniquement l’ORL peut prescrire un appareillage auditif.
De plus, le réseau a été accompagné sur la « garantie 4 ans panne » qui devient obligatoire pour tous les appareils auditifs. Sur la partie « test et suivi du patient », on a naturellement tenu notre réseau informé. Finalement nous nous sommes rendus compte que nous bénéficions d’un réseau de franchisés plutôt vertueux donc ça n’a pas vraiment changé la pratique quotidienne du métier.
Comment vous êtes vous adaptés au rythme progressif de la mise en place ?
Sur le second semestre 2020 nous avons déjà anticipé cette réforme avec une campagne « Objectif 0 dépense » avec l’objectif de déjà diminuer le reste à charge en amont du 100% Santé. Du 21 septembre au 31 décembre 2020, avec l’offre « Objectif Zéro Dépense », les patients pouvaient s’équiper avec un appareil auditif de qualité tout en minimisant leur niveau de dépenses.
Il y a t’il eu des ajustements à faire selon le réseau Audio 2000?
Même si cette réforme s’inscrit dans la continuité de nos valeurs qui sont le professionnalisme et l’accessibilité, quelques ajustements ont du être apportés suite à des remontées de terrain.
Le premier concerne la primo prescription : le DPC Otologie n’est pas encore rentré en vigueur pour les généralistes. Donc pour les endroits où il y a potentiellement des déserts médicaux ou moins d’ORL, le Gouvernement a accepté de mettre en place une dérogation valable jusqu’au 31 mars 2021. Elle comprend qu’un généraliste à l’autorisation de faire une primo prescription pour faciliter la prise de rendez-vous pour le patient.
La deuxième adaptation concerne la garantie 4 ans panne et le renouvellement des appareils auditifs. Les appareils auditifs sont garantis pour 4 ans depuis le 1er janvier 2019. Une bonne nouvelle qui posait cependant un certain problème pour ceux qui se sont appareillés en 2016 ou 2017.
En effet, ces patients là bénéficiaient encore de l’ancien régime qui garantissait les appareils pendant 2 ans. Cependant avec la garantie 4 ans panne, ils devaient attendre 4 ans pour renouveler leurs appareils auditifs. C’est pourquoi, pour ces cas particuliers, la Sécurité Sociale à mis en place une dérogation et une souplesse pour accepter des renouvellements anticipés.
La réforme s’applique t’elle sur tous les appareils ?
Aujourd’hui, un fournisseur va référencer et déclarer des appareils de classe 1 et de classe 2. Il ne peut pas référer un produit de classe 2 s’il n’a pas déjà référencé un produit en classe 1. Ces référencements se font sur la base de critères objectifs et techniques. Une personne qui va chez un audioprothésiste va ainsi avoir accès à ces appareils auditifs qui ont un niveau de qualité technique validé par les instances médicales.
Quelle est la différence de remboursement selon la classe 1 ou la classe 2 ?
Le remboursement de la sécurité sociale va être le même selon un appareil de classe 1 ou de classe 2. Par contre, l’appareil de classe 1 est plafonné à 950€ alors que l’appareil de classe 2 est sur un marché libre. Il n’a donc pas de plafond de prix.
Entre le prix plafond que l’audioprothésiste va appliquer et le remboursement de la Sécurité Sociale, la mutuelle s’est engagée sur les appareils de classe 1 – et uniquement de classe 1 – à rembourser le différentiel. Un appareil de classe 2 est donc susceptible d’être moins bien remboursé, par la mutuelle, qu’un appareil de classe 1.
La réforme 100% Santé est elle une aide 100% efficace ?
La mal audition est une cause importante d’isolement social donc de dépendance et de perte d’autonomie, cette réforme va-t-elle permettre à plus de personnes de pouvoir s’équiper ?
La baisse des facultés sensorielles peut en effet influencer sur l’isolement et l’impact cognitif. En France, 10% de la population, soit environ 6 millions de Français, est malentendante. Cependant, seulement 41% des personnes qui peuvent être appareillées le sont réellement.
Il y a plusieurs freins à l’appareillage. L’aspect financier est l’un d’entre eux. Donc, nous pensons en effet que cette réforme va permettre de faciliter l’accès aux soins auditifs notamment pour les personnes qui sont dans des situations un peu plus précaires. En bref c’est une réforme égalitaire.
Pour une réforme fiable, qui paye ?
Le coût est réparti entre les différents acteurs c’est pour ça que c’est une vraie décision collégiale. C’est à dire que :
- la Sécurité Sociale a réhaussé ses remboursements
- l’audioprothésiste a baissé ses tarifs
- la mutuelle a augmenté et homogénéisé ses forfaits pour les appareils de classe 1.
C’est donc un effort financier commun et partagé.
Quelles sont les prochaines étapes de réflexion pour Audio 2000 ?
Le marché est très marqué par l’arrivée du 100% Santé mais aussi par la crise sanitaire. Aujourd’hui on se rend compte qu’au delà de ce qu’implique la réforme, nous sommes obligés de nous réinventer.
En effet, les comportements des patients ont changé. Même les seniors se tournent de plus en plus vers la digitalisation, la proximité… On travail donc sur ces axes là et notamment sur la notion de télé soins. Grâce aux appareils auditifs et à la technologie il est possible de les régler à distance, de faire du téléréglage. Plusieurs notions à creuser et à développer.
Cet article a été publié par la Rédaction le