Alors que la précarité hygiénique et économique reste un phénomène préoccupant en France en 2025, l’attention se focalise souvent sur les jeunes, les familles monoparentales ou les populations aux faibles revenus. Pourtant, une autre frange de la population est également touchée, bien que plus silencieuse : les seniors.

- La précarité hygiénique touche aussi les seniors, souvent en silence
- 1 senior sur 10 vit sous le seuil de pauvreté, avec des renoncements essentiels
- 3 seniors sur 10 limitent leurs achats de produits d’hygiène
- Conséquences : un impact sur l’estime de soi, l’isolement et la vie sociale
- Un accès aux aides limité par la complexité des démarches et l’autocensure

L’analyse du dernier baromètre Ifop pour Dons Solidaires met en lumière une situation contrastée pour les personnes âgées de 65 ans et plus, qui, si elles semblent un peu plus préservées en apparence, n’en demeurent pas moins concernées par certaines formes de renoncements et de vulnérabilités.
Une population globalement moins exposée, mais pas épargnée
Comparée aux autres tranches d’âge, la population senior se montre moins exposée à l’instabilité économique perçue. Par exemple, seuls 8 % des 65-74 ans et 2 % des 75 ans et plus estiment pouvoir « souvent » basculer dans la pauvreté, contre 21 % chez les 25-34 ans. De même, la proportion de seniors déclarant avoir « souvent » rencontré des difficultés à faire face à leurs dépenses au cours des 12 derniers mois est nettement plus faible (13 % des 65-74 ans et 9 % des 75 ans et plus) comparée à 35 % chez les moins de 35 ans.
Mais cette apparente stabilité masque des formes plus discrètes de précarité. En effet, L’association les Petits Frères des Pauvres annonçait en 2022 qu’un peu plus d’un senior sur dix vivait avec un revenu inférieur au seuil de pauvreté, fixé à 1 216 € par mois pour une personne seule.
Parmi ces seniors en situation de précarité, 69 % déclarent devoir renoncer à des besoins essentiels comme se chauffer correctement, bien s’alimenter ou participer à des activités sociales. Cette réalité fragilise leurs relations sociales, en particulier chez les couples, les personnes aux revenus très modestes et celles résidant en zone rurale.

Des arbitrages contraints sur les produits d’hygiène
Les comportements de réduction des achats de produits d’hygiène, bien qu’un peu moins fréquents chez les seniors, sont bel et bien présents. Selon les données du baromètre, trois personnes âgées sur dix déclarent ne pas avoir les ressources financières suffisantes pour acheter des produits d’hygiène de base.
En 2025, 7 % des 65-74 ans et 5 % des 75 ans et plus ont déclaré avoir « tout à fait » réduit leur consommation de produits d’hygiène pour des raisons budgétaires. Ces chiffres, inférieurs à la moyenne nationale (20 %), n’en restent pas moins significatifs, surtout lorsqu’on considère le poids croissant de certaines dépenses médicales ou liées à la dépendance dans cette tranche d’âge.
Par ailleurs, entre 8 et 9 % des personnes âgées ont dû choisir entre acheter de la nourriture ou des produits d’hygiène, un arbitrage douloureux qui touche 17 % de la population générale.
Précarité hygiénique : Une atteinte à l’estime de soi et un risque d’isolement social
Les impacts de la précarité hygiénique ne se limitent pas à l’hygiène corporelle. Ils affectent profondément l’estime de soi et la vie sociale. Chez les seniors, ce lien est plus discret mais réel. Le baromètre relève par exemple que 31 % de la population générale évite de sortir de chez eux en raison d’un manque de produits d”hygiène. Si ce chiffre est légèrement moindre chez les personnes âgées, l’impact est démultiplié du fait d’une plus grande vulnérabilité à l’isolement social.

À cela s’ajoute la honte ou le malaise lié à une mauvaise présentation de soi : 8 % des plus de 75 ans et 11% des 65-74 ans disent s’être déjà sentis mal à l’aise à cause de leur apparence, une proportion plus faible que les plus jeunes, mais révélatrice d’un poids psychologique non négligeable.
Le rôle crucial des aides sociales… encore sous-utilisées
Le recours aux structures d’aide pour obtenir des produits d’hygiène reste marginal chez les seniors : 1 % des plus de 75 ans y ont eu recours récemment, contre 22 % des personnes en grande précarité. Ce faible taux peut refléter une meilleure stabilité financière, mais aussi un frein culturel à demander de l’aide ou à se tourner vers des associations, une forme d’autocensure qu’il ne faut pas sous-estimer.
La majorité des personnes âgées rencontrent des difficultés pour accéder aux aides disponibles. Selon l’association Les Petits Frères des Pauvres, ces obstacles sont en grande partie liés à la complexité des démarches administratives, notamment lorsqu’elles sont numériques. En effet, 73 % des sondés ont déclaré rencontrer des difficultés avec les procédures en ligne.
Conséquence directe : une personne âgée sur deux ne perçoit aucune aide et estime manquer d’informations. Plus préoccupant encore, seules 31 % des personnes interrogées souhaitent bénéficier d’un accompagnement. La peur d’être stigmatisé ou le refus d’admettre une situation de précarité poussent de nombreux seniors à ne pas faire de demande.

Précarité hygiénique : Une attention à renforcer
En conclusion, si les seniors apparaissent moins exposés aux formes les plus extrêmes de précarité hygiénique, il serait erroné de considérer qu’ils en sont protégés. La précarité chez les plus âgés revêt des formes plus invisibles, marquées par la discrétion, la honte et une tendance à l’auto-limitation silencieuse.
Dans un contexte de vieillissement de la population, ces signaux faibles doivent alerter les décideurs publics comme les acteurs associatifs pour développer des dispositifs spécifiques : information, distribution ciblée, et surtout, lutte contre l’isolement et le renoncement.
Cet article a été publié par la Rédaction le