Dans le cadre du futur « pacte de la vie au travail », plusieurs sujets sont débattus dont celui du dispositif actuel de chômage en fin de carrière, nommé par certains « pré-retraite Unédic ». Le gouvernement s’interroge : Le dispositif dérogatoire de chômage des seniors ne risque-t-il pas d’être un frein à l’emploi des seniors ?
Il existe actuellement un dispositif de Pôle emploi très avantageux pour les chômeurs en fin de carrière. Il leur permet d’être indemnisés bien au-delà des 27 mois, jusqu’à 87 mois maximum (plus de 7 ans).
Valérie Batigne, fondatrice et dirigeante de Sapiendo
Le chômage : un dispositif très avantageux pour les droits retraite
Les demandeurs d’emploi indemnisés à Pôle emploi acquièrent des droits à retraite significatifs quasiment identiques à ceux d’un salarié, alors qu’ils ne versent quasiment aucune cotisation :
- Au niveau de la retraite de base : 1 trimestre est attribué pour 50 jours de chômage indemnisé, dans la limite de 4 trimestres par an.
- Au niveau de la retraite complémentaire : des points gratuits Agirc-Arrco sont attribués gratuitement an fonction de la moyenne des derniers salaires. Plus précisément, ils sont calculés à partir du Salaire Journalier de Référence, auquel on applique une cotisation théorique.
Ces points ont évidemment un coût puisqu’ils correspondent à des droits qui seront payés au moment de la retraite.
Les droits au chômage des seniors : une durée d’indemnisation plus longue et un dispositif de maintien des droits jusqu’au taux plein
En plus de ce dispositif, les seniors bénéficient d’avantages en matière de chômage.
1/ Au moment de leur fin de contrat de travail, les personnes de 57 ans et plus ne sont pas touchées par la dégressivité des allocations chômage.
2/ Les seniors bénéficient d’une durée d’indemnisation plus longue :
- Avant 53 ans : 18 mois
- Plus de 53 ans : 22,5 mois
- Plus de 55 ans : 27 mois
3/ Dispositif spécifique pour les personnes de 62 ans et plus qui ont utilisé leurs droits au chômage et qui n’ont pas encore le temps plein
Elles bénéficient d’une durée d’indemnisation au-delà des 27 mois dans le cadre d’un dispositif dérogatoire. Celui-ci consiste en l’octroi de droits supplémentaires attribués jusqu’à l’obtention de l’âge du taux plein de la retraite, avec une durée maximale de surplus d’indemnisation pouvant aller jusqu’à 5 ans. Les conditions sont les suivantes :
- Être âgé de 62 ans ou plus ;
- Avoir été indemnisé au moins 365 jours sur son droit courant ;
- Avoir travaillé 12 années ayant donné lieu au versement des contributions d’assurance chômage (dont une année continue ou deux discontinues au cours des 5 années précédent l’ouverture de droit chômage) ;
- Avoir validé au moins 100 trimestres d’assurance vieillesse.
Pacte de la vie au travail : un exemple concret
Exemple : Salarié du secteur privé, avec un salaire de 3 000 € net par mois.
M. Dupont, né en 1963, débute son indemnisation à 60 ans et 6 mois. Après épuisement de ses 27 mois d’indemnisation, à 62 ans et 9 mois, son âge légal de départ à la retraite, il bénéficie du dispositif du maintien de ses droits chômage jusqu’à son taux plein à 67 ans. Voici une comparaison de la pension qu’il toucherait en prenant sa retraite à l’âge du taux plein grâce au dispositif de maintien des droits vs. s’il avait continué à travailler jusqu’au taux plein :
Méthodologie de calcul
Les simulations sont réalisées pour un homme né le 1er janvier 1963 qui perçoit un salaire net de 3 000 net/mois en fin de carrière. Pour construire sa carrière, on a considéré une évolution moyenne des revenus de 2% par an (au-dessus de l’inflation). Dans un souci de simplification, nous n’avons pas considéré de période de carence. Pour les périodes de chômage simulées, on a retenu 4 trimestres validés par an et un nombre de points équivalent au nombre de points pendant les périodes d’activité.
Ainsi, M. Dupont gagnerait à la retraite 537 € (1916 € – 1379 €) de plus en restant indemnisé jusqu’au taux plein, car les allocations additionnelles Pôle Emploi lui génèrent des droits supplémentaires. Cette retraite à taux plein est inférieure de 155 € (2071 € – 1916 €) à celle qu’il aurait eue s’il était resté en activité (avec le même salaire). Dans cet exemple, notre profil est porté 4 ans et 3 mois de plus à Pôle Emploi, ce qui fait une durée d’indemnisation totale de 78 mois (6 ans et 6 mois).
Le dispositif de maintien des droits au-delà des 27 mois est utile pour les personnes qui n’ont pas validé tous leurs trimestres à l’âge légal. Dans ce cas, il leur permet de toucher les allocations chômage plus longtemps, jusqu’à obtention du taux plein, sachant que ces allocations sont souvent supérieures au montant de la retraite à laquelle elles auraient pu prétendre. Par ailleurs, ces allocations supplémentaires génèrent des droits gratuits pour la retraite de base et complémentaire qui améliorent la future retraite. Ils permettent ainsi d’économiser le rachat de trimestre ou une décote viagère et génèrent des points de retraite complémentaires additionnels.
Valérie Batigne, fondatrice et dirigeante de Sapiendo
Quelle utilisation réelle ?
En 2022, 3 allocataires sur 10 de plus de 62 ans faisaient ainsi partie de ce dispositif dérogatoire – soit plus de 20 000 personnes. En moyenne, leurs droits ont été allongés de trois ans pour un coût annuel de 400 millions d’euros. Un dispositif qui devrait faire l’objet de débats à l’occasion des négociations sur le futur « pacte de la vie au travail ». La récente réforme des retraites incite en effet les actifs à travailler plus longtemps en reculant l’âge minimum légal de départ à la retraite à 64 ans, notamment pour faire face au déséquilibre démographique menaçant notre système par répartition. Le défi de l’emploi des seniors devient ainsi un sujet encore plus incontournable et les partenaires sociaux sont invités à trouver des solutions pour le favoriser avant mars 2024.
Cet article a été publié par la Rédaction le