La santé des 11 millions d’aidants est un sujet qu’il est urgent d’aborder : le collectif Je t’Aide (ex Association Journée Nationale des Aidants) lance un plaidoyer pour interpeller les pouvoirs publics sur l’état de santé fragilisé des aidants, leur place dans le système de santé global et le manque de reconnaissance des aidants auprès des professionnels de santé.
Ce plaidoyer du collectif Je t’Aide vise à rendre compte de l’impact de l’aide sur la santé, à mettre en place des stratégies de prévention et à développer une relation plus étroite avec les professionnels de santé.
Vieillissement de la population, besoin d’accompagnement des personnes en situation de handicap,
augmentation des maladies chroniques, développement de la chirurgie ambulatoire et de l’hospitalisation à domicile, … Tous ces indicateurs impliquent une place de plus en plus prépondérante pour les aidants et soulignent l’urgence de la prise en compte de leur rôle.
Un plaidoyer autour de 3 grands axes
Donner la parole aux aidants est au coeur de la démarche du collectif associatif Je t’Aide. Consultés par un vote organisé fin 2017 dans le cadre de la Journée Nationale des Aidants, ces derniers ont choisi à plus de 50% la thématique de la santé. Les aidants réclament une représentation auprès des pouvoirs publics et une plus grande reconnaissance, un plus grand soutien, de la part des politiques, des professionnels de santé, de la société toute entière.
L’association Je t’Aide se mobilise pour que les aidants soient reconnus et épaulés, qu’ils aient accès à des informations claires et pertinentes, que leur santé ne soit plus mise en danger, qu’ils aient des droits leur permettant d’aider sur le long terme, sans s’épuiser. Pour cela, la contribution des aidants à l’organisation du système de santé doit être reconnue. A travers ce plaidoyer, ce sont tous les acteurs, aidants, experts, associations, scientifiques, qui s’expriment dans l’objectif de provoquer une prise de conscience.
Les demandes du collectif Je t’Aide
- Reconnaître les aidants comme acteurs majeurs de la santé publique :
○ Créer un statut d’aidant ouvrant à des droits concrets et à une réelle reconnaissance sociétale,
○ Mener une étude pour chiffrer le rapport coût / économie de l’apport des aidants à la société,
○ Rémunérer le congé de proche aidant et faire reconnaître les trimestres cotisés pour la retraite. - Préserver la santé des aidants :
○ Proposer chaque année un bilan de santé 100% pris en charge pour tout aidant identifié,
○ Soutenir les activités garantissant le maintien d’une bonne santé : sport, loisirs, alimentation,
○ Donner les moyens (informations et financements) d’accéder aux dispositifs propres à les aider,
○ Soutenir les services à la personne (valorisation, formation, rémunération),
○ Développer et démocratiser les offres de répit,
○ Sortir les jeunes aidants de l’ombre,
○ Mener une étude CNSA / DREES / Collectif Je t’Aide pour affiner l’impact de l’aide sur leur santé. - Renouer une relation avec les professionnels de santé :
○ Sensibiliser les professionnels de santé, dès leur formation, au rôle des aidants,
○ Inciter généralistes et professionnels de santé à identifier les aidants,
○ Reconnaître l’expertise de l’aidant, sur le modèle de l’éducation thérapeutique du patient.
La santé des aidants, un enjeu de santé publique
“ Il n’y a pas de bonne position pour porter son enfant ou la personne qu’on aide, et plus on avance dans le temps, plus on fatigue. C’est un cocktail explosif pour le dos et les épaules… J’ai maintenant une ceinture dorsale “ déclare Elodie, aidante de sa fille de 2 ans.
La thématique de la santé des aidants est cruciale au vu des enjeux sociétaux. Peu de documentations scientifiques chiffrent précisément l’impact de l’aide sur la santé des aidants, pourtant, une proportion importante d’aidants confirme qu’aider impacte leur santé. Troubles du sommeil, musculosquelettiques, épuisement, douleurs articulaires, dépression, report des soins sont très souvent évoqués par les aidants. Pour ne citer qu’un exemple, parmi les aidants en situation de charge lourde, 82% déclarent que l’aide apportée affecte leur santé et 62% évoquent des problèmes de dos.
Quant aux états dépressifs, ils sont constatés par 40 % des aidants ressentant une charge lourde.
Au-delà de ces impacts directs, il existe aussi des impacts indirects qui peuvent mener à des situations critiques. En effet, aider limite la possibilité pour l’aidant de s’occuper de sa propre santé. Ne sont pas rares les cas où il reporte des consultations et où il ne prend pas de temps de repos ou de loisirs. Ces
négligences peuvent entraîner fatigue, stress, dépression, voire des diagnostics trop tardifs de maladies graves.
Il devient crucial de détecter les aidants à risque (à charge importante), de les soutenir et que soient mises en place des stratégies de prévention.
Un rôle majeur des aidants dans la stratégie de santé
Les aidants représentent une clé de voûte dans le parcours de soins du proche malade, à plusieurs titres.
Ils jouent tout d’abord un rôle de chef d’orchestre dans la continuité des soins et le suivi des traitements ,
notamment dans un contexte de prise en charge à domicile. Ce rôle à domicile est d’autant plus central qu’il va des soins d’hygiène, de repas, de ménage, aux soins techniques. Considéré comme véritable “co-soignant” par la CNSA (Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie), l’aidant se retrouve régulièrement à assurer la coordination entre les différents intervenants et professionnels de santé, et joue souvent le rôle de pivot de la relation patient (personne aidée) / professionnel(s) de santé.
De plus, même s’il est difficile de la chiffrer précisément, les aidants représentent une réelle économie pour la société.
Selon l’OCDE, les aidants fournissent la majeure partie des soins et “la valeur économique estimée dépasse de loin les dépenses consacrées aux soins formels”.
Enfin, malgré le rôle et l’expertise des aidants, leurs relations avec les professionnels de santé sont parfois complexes. S’adresser à la problématique de la santé des aidants, c’est reconnaître leur rôle avec un statut clair ouvrant à des droits financés et à une considération spécifique de la part des professionnels de santé : repérage, information, attention particulière à la santé de l’aidant, reconnaissance de l’aidant comme un “partenaire de soin” , considéré et accompagné comme tel.
Cet article a été publié par la Rédaction le
L’aspiration des personnes à vivre le plus longtemps possible chez elles et l’évolution de nos politiques pour plus d’inclusion amplifient le rôle des proches aidants dans notre société. Cela ne doit toutefois pas conduire à une confusion entre le rôle des professionnels et le rôle des proches-aidants auprès de ces personnes. Il ne s’agit en effet pas d’organiser une substitution qui pourrait pénaliser les aidants dans notre société du fait de leur investissement auprès de leurs proches.
Dans son chapitre prospectif de 2011, le Conseil de la CNSA reconnaissait la contribution essentielle des aidants. Parmi ses sources, il citait Bruno Fantino (« Le soignant, la famille et le système », in : Réciproques,n° 1, mars, p. 85-89) sans pour autant rejoindre l’usage fait de la notion de « co-soignants » pour qualifier la relation d’aide.
Parmi les 21 préconisations du Conseil de la CNSA pour accompagner les proches aidants, figure notamment « reconnaître la contribution majeure des proches aidants à l’accompagnement des personnes âgées et des personnes en situation de handicap pour promouvoir leur capacité à choisir la nature de leur aide et préserver leur qualité de vie.