Modélisation systémique du marché des aides techniques
et/ou technologiques au service du grand âge
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En 2005, 20,8% de la population résident en France métropolitaine avait 60 ans, en 2035 ce pourcentage sera de 30,6% avant d’atteindre 31,9% en 2050 [1]. En 2014 la proportion des personnes de moins de 20 ans sera inférieure à celle des 60 ans ou plus [1].
Selon le professeur Gérard de Pouvourville (1), aujourd’hui en France, le nombre de personnes assurées à la sécurité sociale atteintes d’une Affection de Longue Durée (ALD) est passé de 5 000 000 à 9 000 000 en 5 ans [2]. Cette augmentation significative des ALD (maladie de Parkinson, maladie d’Alzheimer, Diabète de type II, etc.) s’explique en partie à cause de l’allongement de la vie.
En effet, toujours en France, en 2005, 1 100 000 personnes étaient âgées de plus de 85 ans, en 2015, elles seront 1 900 000 [3, 4]. Vieillir est un processus long, évolutif, complexe et irréversible qui peut entraîner des pertes biopsychosociales, sources d’incapacités et de désavantages sociaux qui faute de compensation humaine et/ou technique entraînent des situations de handicap bouleversant les habitudes de vie [5].
Les personnes âgées fragilisées ont donc besoin d’accompagnement, d’assistance et de soins adaptés à leur situation et à leur environnement pour rester actives physiquement et socialement [6]. Dans le contexte français, les structures d’aide à domicile et, dans les limites du maintien à domicile, les structures institutionnelles susceptibles d’accueillir ces personnes sont saturées et risquent, de plus, d’être mal adaptées à cette évolution démographique et aux nouvelles problématiques médico-sociales par manque de ressources humaines et de moyens financiers.
C’est dans ce contexte complexe, médico-social, sanitaire et économique que le développement et l’implantation des technologies innovantes (informatique adaptée, robotique domestique, visiophonie de lien social, détecteurs de chute, domotique, capteurs et systèmes de télésurveillance, etc.), appelées communément « gérontechnologies », sont envisagés [7,8]. Cette réalité médico-sociale et économique aurait pu nous faire penser que la quantité de besoins était fondée et que le marché réel était plus important. Malheureusement, le marché français des aides techniques et/ou technologiques (2) au service du grand âge n’est actuellement pas mature au sens de l’industrialisation et en particulier de la conception industrielle de produits adaptés et utiles pour tous et du lancement programmé de produits nouveaux [4]. Il reste encore trop souvent artisanal, éparpillé, par conséquent, de niche [9].
Ce marché a donc besoin de coordination, d’intégration et de financements [10]. Même si ces offres sont conçues pour permettre de sauver des vies grâce à la détection de situation d’errance de personnes désorientées, d’assurer un meilleur traitement au long cours grâce à un suivi à distance, d’alléger les fardeaux des aidants, de renforcer la sécurité, de rompre l’isolement affectif, de simplifier et d’objectiver la prise en charge médicale, il n’en demeure pas moins qu’elles restent parfois chères, non désirées, pas ou inégalement remboursées selon les départements, insuffisamment adaptées à des variabilités (3) et variétés (4) d’incapacités et de situations [4,7,8,9]. Elles sont également rarement évaluées avec des protocoles d’évaluation fiables, sensibles, reproductibles et standardisés, au final, elles sont assez éloignées des besoins des usagers notamment lorsque les maladies sont évolutives (Alzheimer, Parkinson, etc.) [8,11].
Enfin, ces offres sont peu connues par les usagers qui dans la majorité des cas ignorent leur existence et plus grave encore leurs droits. Par conséquent, comme première étape de compréhension des difficultés de diffusion d’offres innovantes sur le marché des aides techniques et/ou technologiques au service du grand âge, nous proposons de définir au travers de cet article toutes les dimensions de ce marché à partir de la méthodologie de modélisation d’un système complexe décrit dans les travaux de Jean-Louis Le Moigne [12, 13].
Cette modélisation s’appuie sur l’analyse des 41 projets de Recherche, Innovation et Développement (RID) de la base de données de la Bourse de Recherche et d’Innovation Charles Foix qui est attribuée depuis 2004 à des projets de RID développant des produits et/ou des services innovants à destination de la personne âgée en perte d’autonomie et ses aidants (professionnels de la santé et proches familiaux). Elle s’appuie également sur l’accompagnement de 8 projets innovants depuis le 24 Mars 2009, de l’idée au lancement sur le marché de produits et/ou de services adaptés à des besoins exprimés de personnes âgées en situation de perte d’autonomie et leurs aidants, réalisé par les experts économiques, scientifiques, médicaux, industriels et juridiques du Réseau de compétences en gérontechnologie du Pôle allongement de la vie Charles Foix, localisé à Ivry sur Seine.
Ce modèle pourrait servir de guide méthodologique à un porteur de projet souhaitant développer une aide technique et/ou technologique pour intégrer dans le processus de construction du cahier des charges fonctionnel, le contexte du marché avec ses contraintes, ses acteurs, ses compétences et ses besoins.
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1- Economiste au Collège des Economistes de Santé (CES)
2- Nous distinguons l’aide technique qui comprend seulement une dimension mécanique de l’aide technologique qui comprend une dimension mécanique associée à une dimension électronique ou informatique.
Cet article a été publié par la Rédaction le