L’UNCASS, Union nationale des centres communaux et intercommunaux d’action sociale, a publié une note précisant la position de cette organisation par rapport au projet de loi du 5ème risque dépendance.
Ci-après les éléments de cette note de l’UNCASS.
Le cinquième risque dépendance
Un projet de loi en 2011 ?
En avril 2007, le Président de la République déclarait : « je veux créer une cinquième branche de la protection sociale pour prendre en charge la dépendance. Cela veut dire que nous devons créer, dans notre organisation administrative et sociale, un organisme dont le but sera de préparer notre pays au défi de la dépendance, et de veiller à ce que, sur tout le territoire, de manière égale, il existe les structures suffisantes pour prendre en charge les personnes en perte d’autonomie. Cet organisme aura des ressources spécialement affectées. C’est la seule manière de garantir que nous consacrons assez d’argent à cet enjeu »
Un projet de loi a été annoncé pour 2011. Mais si cette réforme fait l’objet de réelles attentes, elle suscite également de nombreuses réactions suite aux premières orientations du Gouvernement dévoilées fin 2008, et s’inspirant en partie du rapport des sénateurs Vasselle et Marini paru en juillet de la même année. Des orientations qui, pour l’heure, s’éloignent des principes défendus par l’UNCCAS mais aussi par bon nombre de fédérations du secteur.
Ce projet de réforme s’inscrit également dans un contexte de difficultés rencontrées par les CCAS/CIAS en tant que gestionnaires d’établissements mais aussi de services à domicile. Pour preuve, la réforme de la tarification des Etablissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) devait se traduire par une diminution des dotations allouées aux gestionnaires mais aussi par un renforcement du pouvoir discrétionnaire des autorités de tarification. Dans le champ de l’aide à domicile, les CCAS/CIAS doivent faire face aux réorientations des financements de la CNAV, à l’insuffisance de la tarification apportée par les départements, aux difficultés financières à maintenir le niveau de qualité développé ces dernières années, à la cessation d’activités d’associations sur leur territoire, aux désengagements de l’Etat sur l’APA et la PCH, à certaines incohérences de la réglementation européenne…
Des CCAS/CIAS naturellement impliqués
Au-delà de leur mission d’instruction des demandes d’APA, les CCAS/CIAS ont un rôle de prévention, de développement social et d’accompagnement des usagers qui se concrétise, en matière de prise en charge de la perte d’autonomie, par une série de services de proximité : activités diverses (pratique sportive – équilibre, prévention des chutes…, ateliers mémoire, services de transport, etc.), diagnostics d’adaptation des logements (au handicap, à la dépendance), gestion d’établissements (EHPAD, logements foyers, unités Alzheimer, etc.) et de services à domicile (services de soins infirmiers, téléalarme, portage de repas, etc.)
Pourquoi renforcer la prise en charge de la perte d’autonomie ?
Les besoins sont en constante augmentation
Il s’agit de prendre en compte un triple défi : démographique (vieillissement de la population, augmentation de l’espérance de vie), épidémiologique (progression du nombre de malades d’Alzheimer et autres troubles apparentés), sociologique (les attentes des usagers et de leur famille en matière d’équipements, de services et d’accompagnement ont évolué vers davantage de qualité).
Les réponses apportées au besoin d’autonomie des personnes sont fragmentées entre Allocation personnalisée d’autonomie (APA), Prestation de compensation du handicap (PCH), interventions des collectivités territoriales (repas à domicile, aides à domicile…), prestations d’action sociale extra-légales des caisses de sécurité sociale (CRAM, CAF, CNAV…).
Les personnes supportent aujourd’hui une part importante de la prise en charge des coûts engendrés par la perte ou le manque d’autonomie.
Les niveaux des restes à charge et des restes à vivre pour les personnes sont insuffisants voir inexistants, notamment pour les personnes hébergées en EHPAD et en USLD, et celles supportant les tickets modérateurs de l’APA – tant à domicile qu’en établissement – et de la PCH. Pour mémoire, en avril 2010, le montant mensuel de l’ASPA (ex minimum vieillesse) s’élève à 708€ pour une personne seule.
Les aidants familiaux ne peuvent être constamment sollicités.
Les professionnels directement présents auprès des personnes, en établissement et à domicile, sont en nombre insuffisant (le taux d’encadrement dans les établissements pour personnes âgées est inférieur à celui des structures pour personnes handicapées).
Les places offertes sont en nombre insuffisant et les disparités d’équipement restent importantes au plan territorial
- cf. les rapports successifs : Commissariat au Plan en juillet 2005 et juin 2006, rapport Gisserot en mars 2007…
- longtemps ignorés, les logements foyers qui représentent près d’un quart de la capacité nationale d’hébergement des personnes âgées en France sont dorénavant confirmés dans leur action (un dispositif dérogatoire à la réforme de la tarification leur a été accordé en 2007). Il importe qu’ils fassent l’objet d’un plan national de réhabilitation assorti de moyens correspondants.
La différenciation des réponses apportées aux Personnes Agées et Personnes Handicapées est maintenue alors qu’elle n’a pas lieu d’être
La Prestation Spécifique Dépendance (PSD) puis l’APA sont venues renforcer la «barrière administrative» de l’âge de 60 ans en créant d’un côté le secteur «Personnes Handicapées » et de l’autre, le secteur «Personnes Agées». Or, cette rupture à l’âge de 60 ans est synonyme de limite de fait à l’accueil en établissement adapté, de taux d’encadrement différents en établissements, de manque de places qualitativement adaptées ; de limite à l’orientation (articulation MDPH, CLIC) ; de limite au versement des prestations et de périmètres différents de prestations… Cette barrière de l’âge est également source de multiples ruptures : rupture d’accompagnement, rupture de vie sociale et professionnelle, rupture de ressources, etc.
En quoi est-il pertinent de créer un 5ème risque de sécurité sociale pour renforcer la prise en charge de la perte d’autonomie ?
Un « nouveau risque social » accru du fait du nombre de personnes potentiellement concernées
Pour mémoire, ce sont d’abord la Révolution de 1789 et la Déclaration des droits de l’homme qui ont permis de substituer aux solidarités restreintes exercées dans le cadre familial ou des métiers (corporations) une nouvelle conception de l’assistance qui débouchera, aux lendemains de la guerre, sur le principe de création de la sécurité sociale. Dans ce prolongement, quatre « risques » ont été identifiés : maladie, accidents du travail et maladie professionnelle, vieillesse et famille.
Aujourd’hui, les perspectives démographiques justifient en grande partie la mise en place d’un système de protection national pour couvrir le risque de perte d’autonomie : 2 millions de personnes dépendantes aujourd’hui, un français sur trois âgé de 60 ans ou plus en 2050 (contre un sur cinq en 2005), doublement du nombre des plus de 85 ans en 2050.
Un 5ème risque qui justifierait la création d’une nouvelle branche de Sécurité sociale…
Le 5ème risque doit permettre de couvrir, quel que soit l’âge, les dépenses supplémentaires occasionnées par la perte d’autonomie (besoins d’aides humaines pour les déplacements, d’aides techniques…) et que l’APA et la PCH ne couvrent pas suffisamment aujourd’hui. Ce 5ème risque consacré exclusivement à la perte d’autonomie ne devra donc pas se traduire par une prise en charge des coûts actuellement couverts par l’assurance maladie. Il devra intervenir en plus de la couverture des besoins de soins et en plus des besoins de revenu de remplacement. Il devra compenser l’ensemble des surcoûts (et non les coûts) supportés par une personne en situation de handicap temporaire ou permanente (hors dépenses d’assurance maladie).
Ce 5ème risque ne devant pas aggraver le déficit de la sécurité sociale en venant peser sur les dépenses des quatre autres branches, il devient pertinent de créer une 5ème branche de Sécurité sociale.
Un 5ème risque censé concrétiser le principe de convergence entre les systèmes de compensation de la perte d’autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées
L’âge de 60 ans ne doit pas se traduire par une diminution brutale des ressources. La prise en compte des situations de handicap, des besoins et attentes des personnes doit se faire tout au long de la vie, quel que soit l’âge et l’origine de la déficience. Pour mémoire, la loi du 2 janvier 2002 en plaçant la personne au coeur des dispositifs et des réponses, rend caduque la notion d’âge. La loi du 11 février 2005 a repris ce principe en prévoyant que d’ici 2010 les dispositions de la loi opérant « une distinction entre les personnes handicapées en fonction de critères d’âge en matière de compensation du handicap et de prise en charge des frais d’hébergement en établissements sociaux et médico-sociaux seront supprimées ».
Cet objectif de convergence devait conduire à la suppression de la barrière des 60 ans et à la création d‘une prestation universelle quels que soient l’âge et le handicap, égale sur l’ensemble du territoire français.
A ce jour, le Gouvernement semble avoir abandonné ce principe de convergence…
Selon quel principe de gouvernance ?
Le rôle pivot de la Caisse nationale de solidarité autonomie (CNSA)
L’UNCCAS approuve les orientations exprimées le 28 mai 2008 par Xavier DARCOS, ministre de la solidarité et Valérie LETARD, secrétaire d’Etat à la Solidarité, selon lesquelles : « la CNSA doit être érigée en véritable agence chargée du cinquième risque, et à ce titre l’interlocuteur des agence régionales de santé en ce qui concerne la mise en oeuvre territoriale du cinquième risque.
Ses moyens d’action doivent être ceux d’un véritable opérateur national, garant de l’égalité de traitement sur tout le territoire, de la transparence de l’information et de l’échange de pratiques ».
L’UNCCAS se félicite qu’au delà de sa mission de répartition des moyens financiers, tant individuels que collectifs, la CNSA ait également su s’imposer comme un appui à la promotion et au développement de la qualité dans le secteur social et médico-social.
Reste néanmoins le conseil d’administration de la CNSA, au sein duquel la proportion des voix accordées aux associations oeuvrant pour les personnes âgées et handicapées pourrait être réévaluée à la hausse. Enfin, l’UNCCAS, estime que s’il était question prochainement de créer une instance de gouvernance financière au sein de la CNSA regroupant des représentants de l’Etat et des départements, les communes/intercommunalités et leurs établissements publics devraient en toute logique être également représentées.
Veiller à un schéma lisible et cohérent
Il importe de prendre en compte les réorganisations du secteur social et médico-social issues de la Révision générale des politiques publiques lancée en 2007 ou de la réforme des collectivités territoriales, afin de veiller à la complémentarité de chacun des acteurs : CCAS/CIAS, Conseils généraux, ARS et futures Métropoles.
Au-delà de la question des moyens de chacun (les collectivités territoriales sont par exemple confrontées à la suppression de la taxe professionnelle) se pose également celle du maintien des équilibres territoriaux et de la proximité avec les usagers (lorsqu’un territoire est pourvu ou non d’une métropole par exemple).
Concernant plus particulièrement les ARS, et sans vouloir nuire à la volonté de simplifier le processus de gouvernance, l’UNCCAS regrette l’absence des CCAS/CIAS au sein des commissions de coordination et des conseils de surveillance placés auprès des agences. Leur présence aurait au contraire renforcé l’ancrage territorial des agences régionales mais aussi affiné la connaissance des besoins et donc amélioré le pilotage des politiques de santé.
Avec quels financements ?
A ce jour, si le Gouvernement affirme qu’une grande partie du socle de financement du 5ème risque restera public, il souhaite également, partant du refus de principe de toute création d’un nouvel impôt ou taxe, s’appuyer sur d’autres pistes qui appellent les observations suivantes :
« Réformer l’APA »…
Une réforme qui toucherait l’APA à domicile (qui serait attribuée en priorité aux personnes en GIR 1 et 2, aux personnes sans aidants familiaux et aux malades d’Alzheimer) et l’APA en établissement (en diminuant une partie des dépenses qui pèsent sur le tarif hébergement afin de réduire le reste à charge pour les familles).
>> Observations de l’UNCCAS : en ne touchant que les personnes âgées, ces mesures ne répondent pas de manière plus globale aux questions de toutes les personnes en situation de perte d’autonomie. Est-il besoin de rappeler que le principe même de la création de la CNSA avait pour objectif de mettre en oeuvre la philosophie dite de la «convergence personnes âgées/personnes handicapées» dont l’essence est de prendre en compte la notion de perte d’autonomie en dépassant les clivages de l’âge et/ou du handicap.
« Recourir aux assureurs privés »…
Le but serait de financer chaque prestation en complément du financement public dans le cadre d’un partenariat public-privé. Ce financement privé pourrait se faire via le développement de contrats d’assurance collectifs (souscrits notamment dans le cadre de l’entreprise et non pas ceux souscrits à titre individuel sur le principe de la capitalisation qui restent néanmoins une liberté de choix pour les individus).
>> Observations de l’UNCCAS : s’il devait se mettre en place, ce mode de financement devrait rester accessoire à un financement majoritairement public et se faire sous certaines conditions :
– des contrats assurantiels privés universels et donc facilement transférables en cas de changement d’entreprise, de chômage ou de départ en retraite afin de permettre la continuité de la couverture des personnes
– des contrats solidaires, au sens collectifs ou mutualisés
– voire des contrats obligatoires, souscrit dès l’entrée dans la vie active.
En outre, cette réflexion sur un recours aux mutuelles ne pourra faire l’économie d’une refonte du dispositif de la couverture maladie universelle complémentaire afin que les personnes qui en bénéficient ne soient pas exclues de ce système mutualisé d’assurance destiné à couvrir la perte d’autonomie.
« Récupérer sur la succession les sommes versées »…
Le gouvernement propose de prendre en compte le patrimoine des personnes âgées en leur proposant de bénéficier soit d’une APA à taux plein lorsque la personne âgée accepte la conservation d’une partie de son patrimoine lorsque celui-ci est supérieur à un plafond à déterminer, soit d’une APA à taux réduit lorsque la personne ne souhaite pas engager son patrimoine.
>> Observations de l’UNCCAS : elle s’y oppose au regard de l’expérience passée de la Prestation spécifique dépendance – PSD (système basé sur la prise en compte du patrimoine qui avait conduit à une diminution de la demande d’accompagnement de la part des personnes âgées).
Pour plus d’informations : www.unccas.org
Cet article a été publié par la Rédaction le
Superbe travail, je vous remercie pour votre aide, et notez dans un 1er temps que je « plussoie » moi aussi entièrement votre positon ! J’insiste, oui votre article est vraiment bon, je reviendrai régulièrement vous lire… Je vais avoir besoin d’un peu de temps pour réfléchir à tout ça.
excelent billet qui montre le chemin vers une meilleur prise en charge de la dépendance a condition que les sources du financement concernant le 5 éme risque soient tranparent …et non comme nous avons put le connaitre avec la vignette des vieux , le lundi de pentecote etc….
Je voudrais attirer l attention sur les dérives tarifaires dont sont victimes les résidents des EHPAD et leur familles …..18 mois d’enquete : aloeilendrome.hautetfort.com
Très bon article,permettant de mieux clarifier l’avenir des populations vieillissantes.Un aperçu assez complet des différentes possibilités du système de financement du dispositif pour faire face en cette douloureuse période de crise, mais aussi pour les générations avenirs.
MERCI