Le CHU de Toulouse et son Gérontopôle, centre collaborateur de l’OMS sur la fragilité, viennent de publier aujourd’hui dans Lancet Healthy Longevity l’étude « Implementation of the WHO integrated care for older people (ICOPE) programme in clinical practice: a prospective study ». Celle-ci révèle la stratégie déployée par le CHU de Toulouse et ses partenaires pour développer le programme de prévention de la perte d’autonomie de l’Organisation Mondiale de la Santé « INSPIRE ICOPE-CARE » et prouve qu’il est possible de mettre en œuvre le programme ICOPE au cœur du système de santé.
Objectif vieillissement en bonne santé
Le programme ICOPE, proposé depuis 2019 par l’Organisation Mondiale de la Santé, a pour objectif de favoriser le vieillissement « en bonne santé » en optimisant la capacité intrinsèque du sujet âgé, grâce à un suivi régulier de 6 fonctions essentielles au maintien de l’indépendance : la mobilité, la nutrition, la vision, l’audition, l’humeur et la cognition. La cible de cette action de prévention est la population des sujets de 60 ans et plus, autonomes et vivant à domicile, sa mise en œuvre reposant essentiellement
sur les acteurs du premier recours : professionnels de santé mais aussi professionnels du secteur médico-social et social.
Le programme ICOPE se décline en 5 étapes réalisables dans la filière des soins primaires :
- Etape 1 : dépistage,
- Etape 2 : évaluation intégrée,
- Etape 3 : plan de soin personnalisé,
- Etape 4 : suivi du plan de soin,
- Etape 5 : implication des collectivités et aide aux aidants.
Dès 2019, le Gérontopôle du CHU de Toulouse, centre collaborateur de l’OMS, coordonné par le Pr Bruno Vellas, s’est saisi de cette opportunité et développe ICOPE depuis maintenant trois ans en Occitanie, avec l’accompagnement et le soutien financier de l’Agence Régionale de Santé Occitanie, de la Région Occitanie et du POCTEFA (Programme Interreg V-A Espagne-France-Andorre).
Le programme INSPIRE ICOPE-CARE confirme sa pertinence
L’étude, réalisée entre janvier 2020 et novembre 2021 repose sur l’inclusion de plus de 10 000 personnes de 60 ans et plus majoritairement en Région Occitanie. Si d’autres pays ont également lancé le déploiement du programme de la prévention ICOPE (la Chine, l’Inde, l’Andorre etc), la France est le pays qui a intégré à ce jour le plus grand nombre de sujets dans une cohorte digitale » dans le monde, permettant aujourd’hui un bilan.
L’objectif premier de cette étude était de décrire la mise en œuvre à grande échelle d’ICOPE et de porter à la connaissance de toute la communauté internationale les différentes étapes de déploiement de ce programme de santé publique.
L’objectif secondaire consistait à permettre une description de la prévalence des différents types de déclins observés et le niveau d’adhésion des sujets au suivi de leur état de santé. Il s’agissait aussi de permettre d’évaluer la satisfaction des participants, marqueur essentiel de la réussite du programme.
La prévalence importante de tests de dépistage positif
Entre le 1er janvier 2020 et le 18 novembre 2021, 10 903 personnes âgées (âge moyen 76,0 ans ; 60,8 % femmes) ont bénéficié d’un premier test de dépistage (étape 1 d’ICOPE) dont 10 285 (94,3%) présentant un dépistage positif. Les atteintes le plus souvent observées concernent la vue, la mémoire, l’audition, l’humeur, la mobilité et la perte de poids.
Parmi elles, 958 (9,3%) ont bénéficié d’une évaluation approfondie de leurs fonctions (étape 2 d’ICOPE) et d’un plan de soin personnalisé (étape 3 d’ICOPE) qui ont permis de confirmer un déclin à la capacité intrinsèque chez 865 (90,3 %) participants.
Parmi 7 367 participants éligibles au suivi (inclusion au moins 6 mois avant le 18 novembre 2021), 5 185 ont eu un suivi de l’étape 1 à 6 mois soit un taux d’adhésion au suivi de 70,4%. Une enquête de satisfaction réalisée auprès de 1 215 seniors participant au programme INSPIRE ICOPE-CARE (âge moyen 72,5 ans, 55,6% femmes) a montré que 638 (52,5%) ont utilisé les outils numériques en total autonomie, 82 (6,7%) avec l’aide d’un proche et 495 (40,7 %) ont été évalués par un professionnel.
Parmi ceux ayant utilisé les outils numériques sans assistance ou avec l’aide d’un proche (n=720), 563 (78,2%) étaient globalement satisfaits de l’outil numérique qu’ils ont utilisé (ICOPE MONITOR ou ICOPEBOT).
Le nombre élevé de participants inclus, ainsi que leur adhésion dans le temps, indiquent que la mise en œuvre à grande échelle d’ICOPE dans la pratique clinique est faisable. La prévalence importante de tests de dépistage positif, suggérant un déclin dans la capacité intrinsèque, ainsi que les taux élevés de déficits confirmés lors de l’étape 2, montrent que le programme INSPIRE ICOPE-CARE cible les personnes présentant un risque accru de perte fonctionnelle et offre la possibilité de prévenir concrètement la dépendance.
Aujourd’hui, le Gérontopôle a inclus plus de 20 000 sujets âgés dans le programme INSPIRE ICOPECARE. Avec le soutien de l’ARS Occitanie et de ministère de la santé et de la prévention, 60 000 personnes âgées de 60 ans et plus pourront bénéficier du programme en Occitanie d’ici 2025.
Sous l’impulsion du ministère de la Santé, sept autres régions françaises sont impliquées à leur tour.
L’OMS adresse ses félicitations au CHU de Toulouse, son centre collaborateur, pour le déploiement de l’approche ICOPE, qui comprend l’utilisation d’outils numériques et l’engagement d’équipes multidisciplinaires dans les établissements de soins.
L’étude marque la première mise en œuvre à grande échelle de l’approche ICOPE, grâce à l’engagement politique du gouvernement français. Les conclusions de cette publication vont permettre à d’autres pays de disposer d’informations essentielles en vue de la mise en œuvre du programme.
Dr Anshu Banerjee, Directeur du Département Santé de la mère, du nouveau-né, de l’enfant et de l’adolescent, et vieillissement au sein de l’Organisation mondiale de la Santé
Cet article a été publié par la Rédaction le