Des milliers de personnes se sont réunies fin septembre devant des Établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), des résidences autonomie et des services médico-sociaux à domicile. Ce rassemblement marque un tournant pour le secteur du grand âge en France, qui traverse une crise profonde. Cette action est soutenue par 18 organisations et fédérations du secteur, un fait exceptionnel dans un domaine où la convergence des voix est rare. La mobilisation met en lumière des difficultés croissantes : manque de personnel, conditions de travail éprouvantes, et un manque chronique de financement. En réponse à ces défis, le secteur a décidé de hausser le ton pour attirer l’attention sur la nécessité urgente de réformes et de ressources supplémentaires. Ces revendications soulignent l’importance d’améliorer les conditions de vie des résidents, ainsi que celles des professionnels du secteur, souvent en sous-effectif.
Grand Âge : une situation de double peine
La situation dans le secteur du Grand Âge est alarmante. Les établissements et services pour personnes âgées sont piégés dans un cercle vicieux : une pénurie chronique de personnel et des difficultés financières croissantes. En 2023, 71 % de ces structures ont clôturé l’année en déficit, avec une moyenne de -156 600 €, un chiffre en hausse de 6 points par rapport à l’année précédente. Près de la moitié des établissements n’ont plus de réserves pour compenser ces déficits.
Cette situation résulte de plusieurs facteurs bien identifiés : l’impact de l’inflation, le manque de financement des augmentations salariales, le surcoût lié à l’intérim, et un sous-financement chronique des établissements par l’État et les départements, en décalage avec les besoins réels.
Malgré les aides exceptionnelles en 2023, avec 42,3 % des établissements bénéficiant de financements d’urgence, cela ne suffit plus à enrayer la crise. Pour compenser les déficits, 70 % des structures ont dû puiser dans leurs réserves, aujourd’hui largement épuisées. Les perspectives sont sombres : les solutions d’urgence, comme les emprunts ou les crédits exceptionnels, sont incertaines ou déjà épuisées.
Réduire le personnel semble impossible dans un contexte où 64 % des établissements manquent déjà de personnel, avec une carence moyenne de 2,7 équivalents temps plein (ETP) par structure. Cette pénurie accroît la charge de travail des équipes en place, tandis que la demande d’accompagnement pour une population vieillissante ne cesse d’augmenter.
Vieillissement de la population : des perspectives alarmantes
Face à cette crise, les professionnels se retrouvent confrontés à des choix déchirants. Il est impensable de diminuer encore les effectifs sans nuire à la qualité des soins. Pourtant, les personnes âgées et leurs proches se préoccupent déjà du coût élevé de la prise en charge, tandis que la pression économique continue de croître. Les exigences normatives, les charges supplémentaires, et la difficulté de recruter du personnel qualifié aggravent encore la situation.
Le secteur du grand âge se trouve dans une situation paradoxale alors qu’il devrait déjà se préparer à l’important changement démographique qui s’annonce. D’ici 2030, le nombre de personnes âgées de 75 à 84 ans augmentera de 48 %, engendrant inévitablement une hausse des besoins d’accompagnement social et médical. Cette transformation démographique, qui se poursuivra jusqu’en 2050, impose à la France des adaptations majeures sur les plans sociétal, économique, territorial, médical et technologique. Ce défi colossal nécessite un engagement massif de l’État.
Pourtant, malgré les promesses répétées de divers gouvernements, le vieillissement n’a jamais été inscrit comme une priorité nationale. L’heure est grave et les acteurs du secteur demandent une action urgente, car les solutions sont connues et les concertations ne sont plus d’actualité.
La FNADEPA a réalisé une enquête sur les Ressources Humaines et les Finances du secteur.
Découvrez les résultats en intégralité
Les principales demandes faites au gouvernement par le collectif de fédérations du secteur du Grand Âge
- Déblocage d’un fonds d’urgence de 1,4 milliard d’euros : ce fonds permettrait d’assurer la survie des établissements et services en difficulté et de combler les déficits accumulés.
- Renforcement de l’attractivité et de la reconnaissance des métiers du grand âge : une politique volontariste est nécessaire pour valoriser ces professions essentielles mais dévalorisées.
- Réforme structurelle forte à travers la loi de programmation : attendue d’ici la fin de l’année 2024, cette réforme nécessite un investissement d’environ 12 milliards d’euros pour :
- Instaurer un taux d’encadrement minimum de 8 ETP pour 10 résidents, applicable aux financeurs.
- Ajuster le tarif des services d’aide à domicile au coût réel.
- Indexer l’évolution des charges de fonctionnement et des structures sur l’inflation.
- Rendre opposables les évolutions du statut de la fonction publique et les accords des conventions collectives.
- Réduire le reste à charge des personnes accueillies en finançant certaines charges via l’assurance maladie.
Ces mesures visent non seulement à soutenir un secteur créateur d’emplois non délocalisables, mais aussi à préserver la cohésion sociale du pays. La question du vieillissement est cruciale pour l’avenir de la France, et des investissements massifs sont nécessaires pour répondre à ces défis.
Retour sur la Conférence de presse « Les Vieux méritent mieux ! »
Cet article a été publié par la Rédaction le