Le Conseil de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) s’est réuni le 11 octobre 2022 pour examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2023.
Ses grandes mesures lui ont été présentées en séance par Jean-Christophe Combe, ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées. Alors que le volet « Bien vieillir » du Conseil national de la refondation (CNR) était lancé le même jour, Jean-Christophe Combe a rappelé que la création de la 5ème branche de la sécurité sociale « est une avancée essentielle pour les politiques d’autonomie. » Il a affirmé la volonté de poursuivre les chantiers structurants visant à transformer l’offre médico-sociale ainsi qu’à « accélérer sur le domicile, parce qu’une immense majorité de Français veut pouvoir vieillir chez soi ».
Le ministre a également mis en exergue les mesures immédiates de protection des budgets des établissements et services face à l’inflation ainsi que la poursuite du soutien aux professionnels portées par ce premier PLFSS de la mandature.
Le Conseil de la CNSA a, à la majorité des suffrages exprimés (24 voix), pris acte du projet de loi de financement de la sécurité sociale qui a par ailleurs recueilli 13 voix pour, 2 voix contre. 3 se sont abstenus. Les représentants de l’Etat n’ont pas pris part au vote.
Saluant l’intérêt de pouvoir transmettre son avis au Parlement, le Conseil de la CNSA a souhaité mettre en exergue les principaux motifs de ce dernier.
Des financements et des premières mesures indispensables
Le conseil de la CNSA a pris connaissance des perspectives budgétaires proposées pour le financement de la Sécurité sociale et de la branche Autonomie pour 2023, de la trajectoire estimée jusqu’à 2026, ainsi que du rehaussement de l’objectif global de dépenses (OGD) pour le médico-social en 2022.
Ce PLFSS intervient dans un contexte d’incertitude lié à une crise énergétique, à une crise inédite concernant les métiers du lien social et de l’accompagnement et enfin à la reprise d’une inflation que nous ne connaissions plus depuis de nombreuses années. Cette incertitude renforce aux yeux du Conseil le besoin de définir des perspectives à moyen et long terme, et oblige à des changements de pratiques de la part des financeurs.
Dans ce contexte délicat pour les ménages et particulièrement pour les personnes en situation de handicap et les personnes âgées vulnérables, le Conseil note les efforts faits par la solidarité nationale et réaffirme l’importance de maintenir à long terme l’équilibre budgétaire de la branche, pour garantir, dans la durée, l’égalité des chances et la lutte contre les discriminations, notamment l’âgisme, ainsi que l’exercice d’une pleine citoyenneté des personnes âgées/en situation de handicap, favorisant notamment la représentation et la participation de la personne, quels que soient son âge ou sa situation de handicap, en prenant en compte ses aspirations, son libre choix et sa capacité d’auto-détermination.
Parce qu’il est impératif d’agir dès aujourd’hui pour répondre aux enjeux de demain et d’atteindre les objectifs fixés à plus long terme, le conseil appelle de ses vœux la construction d’une loi définissant les orientations nationales et une trajectoire budgétaire pluriannuelle pour la politique de soutien à l’autonomie en direction des personnes âgées ou en situation de handicap, permettant la projection des moyens appelés par la transition démographique et les besoins de la société inclusive à l’horizon 2030.
Pour l’année 2023, le conseil constate que l’OGD médico-social connait en 2023 une progression importante de 5,2 % dans le champ du handicap et de 5,1 % dans le champ de l’âge (soit 5,14 % pour l’ensemble).
Il considère cette dynamique comme étant positive et nécessaire pour faire face aux enjeux de 2023, mais insuffisante au regard des défis à relever à horizon 2030 et des engagements approuvés dans la convention d’objectifs et de gestion (COG) de la CNSA 2022-2026.
Le PLFSS prévoit la mobilisation de plus d’1,5 milliard d’euros de crédits nouveaux pour l’autonomie (dont 800 millions d’euros pour le secteur du grand âge et plus de 700 millions d’euros pour le secteur du handicap). Ces mesures nouvelles doivent, dans le secteur des personnes âgées, permettre notamment d’initier l’indispensable renforcement des effectifs des EHPAD, avec une première marche de recrutement, a minima, de 3 000 soignants supplémentaires auprès de leurs résidents, mais aussi de créer 4 000 places nouvelles de services de soins infirmiers à domicile (SSIAD). Les créations de places devront être pérennisées dans chaque PLFSS afin de garantir une couverture homogène de l’ensemble du territoire pour l’exercice 2025-2026, date de mise en œuvre des services autonomie à domicile.
Dans cet ensemble, la prise en compte de l’inflation et de la hausse de la valeur du point dans les établissements et services relevant de la fonction publique et sa déclinaison au secteur privé dès le 1er juillet 2022 apparait indispensable à la solvabilisation des différentes structures et à l’attractivité des métiers de l’autonomie. Afin de maintenir le bénéfice de ces orientations, le Conseil demande que de nouvelles mesures puissent être prises en 2023 si le niveau de l’inflation devait en réalité dépasser les estimations. Le conseil attire également l’attention sur le fait que, compte tenu des estimations, l’effort sans précédent de revalorisation salariale résultant du Ségur se trouvera pour moitié neutralisé par le niveau d’inflation en 2022 et 2023.
Tout en regrettant leur caractère sectoriel et limité, le Conseil accueille favorablement les quatre mesures du chapitre 5 du projet de loi dédié spécifiquement à la politique de soutien à l’autonomie (articles 32 à 35 du projet de loi). Création de temps dédié au lien social pour les plus âgés, pérennisation du financement de l’habitat inclusif, réforme du financement des SSIAD et renforcement de la transparence financière pour lutter contre les dérives de certains acteurs, ces quatre mesures répondent chacune à des besoins avérés, exprimés par les bénéficiaires des politiques de l’autonomie et les professionnels du secteur, à la fois pour améliorer la transparence, poursuivre la mise en œuvre de l’approche domiciliaire, développer la prévention et améliorer la qualité des services et des parcours.
Le Conseil sera ainsi attentif à leur mise en œuvre, incluant notamment l’exercice par la CNSA de ses compétences élargies en matière de recouvrement. Cette responsabilité nouvelle gagnera à être déclinée dans la feuille de route pluriannuelle de l’établissement constituée par sa COG. Il veillera également à ce que l’action de la caisse permette le déploiement d’actions et d’initiatives innovantes sur les territoires.
Déclaration de Jean-Christophe Combe – Ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées au Conseil de la CNSA
La politique en faveur des personnes en situation de handicap et pour une société inclusive avance depuis le quinquennat précédent grâce à une mobilisation interministérielle forte.
Il nous faut aussi agir de même pour que le vieillissement de la population devienne un véritable enjeu de société qui mobilise l’ensemble de nos politiques publiques. C’est la raison pour laquelle le Président de la République a fait du « bien vieillir » une des priorités du Conseil national de la refondation.
Nous devons répondre à l’urgence des besoins et anticiper puisqu’en 2035 un quart de la population aura plus de 65 ans.La création de la 5ème branche de la sécurité sociale est une avancée essentielle pour les politiques d’autonomie. La CNSA gère désormais le risque « Autonomie » dans sa globalité avec un panier de recettes affectées, et notamment 1,93% de CSG, qui seront majorés de 0,15 point en 2024 (2,4 Md€). Attractivité des métiers, consolidation des services à domicile avec les services autonomie, organisation d’un service public territorial de l’autonomie, avancée vers une société inclusive, nombre de sujets sont communs entre grand âge et handicap et ils interrogent fondamentalement notre société.
Depuis la mise en place de la 5ème branche, des chantiers structurants sont portés, tant pour accélérer sur le domicile, parce qu’une immense majorité de Français veut pouvoir vieillir chez soi que pour faire transformer l’offre médico-sociale. Le PLFSS 2023 continue dans cette voie et y consacre des moyens importants. Il apporte des réponses concrètes à plusieurs enjeux qui préoccupent les Français au quotidien mais aussi aux défis de long terme du programme présidentiel.
Accélérer sur le domicile, c’est aider les Français à adapter leurs logements et développer les services à domicile.
Développer les services à domicile c’est déjà faire en sorte qu’il y en ait plus : nous finançons la création de nouvelles places de service de soins infirmiers à domicile, l’objectif c’est d’en augmenter le nombre chaque année, pour avoir 25 000 « places » de plus en 2030, soit une augmentation de l’offre de 20%, et nous consolidons la réforme de leur tarification, qui entrera en vigueur l’an prochain.
C’est faire en sorte que l’offre de service soit plus lisible pour les usagers avec la mise en place d’une catégorie unique de « service autonomie » qui est en cours.
Et puis c’est surtout faire en sorte que les services d’aide à domicile soient plus agréables pour les professionnels comme pour les personnes qui en bénéficient. Donc nous allons tenir l’engagement du Président de la République de permettre aux aides à domicile de passer plus de temps auprès des personnes qu’ils accompagnent. Trop souvent ils ont tout juste le temps de faire les gestes élémentaires pour assurer le lever, le coucher, le repas.
Nous souhaitons donc ajouter avec les départements deux heures de présence supplémentaire chaque semaine auprès des 780 000 personnes qui bénéficient de l’allocation personnalisée d’autonomie à domicile. Deux heures dédiées à la convivialité et à la prévention. Deux heures qui permettront aussi d’améliorer les conditions de travail des professionnels qui trop souvent subissent des temps partiels ou du travail fractionné.
Restaurer la confiance dans les EHPAD c’est davantage contrôler. Le PLFSS contient des mesures en ce sens, qui donnent un nouveau rôle à la CNSA dans le contrôle pour les opérations à caractère national ou inter-régional.
Restaurer la confiance dans les EHPAD, c’est aussi soutenir les professionnels formidables qui y travaillent. Donc nous allons financer le recrutement de 50 000 soignants dans les prochaines années, dont 3 000 dès l’année prochaine. La question des ressources humaines est absolument clef et comme le savent les professionnels du secteur, ce n’est pas qu’une question de rémunération, il faut tout regarder et le faire tous ensemble : formation, management, parcours, reconnaissance. La crise de sens est profonde et c’est ensemble que nous la surmonterons.
Extraits du discours de Jean-Christophe Combe – ministre des Solidarités, de l’Autonomie et des Personnes handicapées au Conseil de la CNSA le 11 octobre 2022
La construction d’une loi définissant les orientations et une trajectoire budgétaire pluriannuelle reste urgente
En miroir des financements portés par la branche Autonomie de la Sécurité sociale, le Conseil tient à souligner l’importance d’offrir une vision globale des financements consacrés au soutien à l’autonomie des personnes, qui rende compte de la déclinaison territoriale de la politique d’autonomie par les conseils départementaux et de la partie restant à la charge des personnes âgées et en situation de handicap. Dans un contexte de tensions pour les structures, liées notamment à l’attractivité des métiers de l’autonomie, il convient de garantir les financements indispensables aux conditions d’exercice de qualité des professionnels du social et du soin, et l’équité territoriale dans les prestations offertes aux bénéficiaires d’aides sociales et à leurs proches.
Alors que la construction de la branche Autonomie porte en elle la promesse d’un décloisonnement des politiques publiques, il regrette par ailleurs qu’au-delà de l’indispensable socle financier homogène qu’apporte ce projet de loi dans le traitement des revalorisations salariales et de l’inflation, aucune des mesures annoncées ne permette de progrès dans le rapprochement des champs du grand âge et du handicap. Ainsi, une mesure emblématique comme celle des heures de lien social reste cantonnée au bénéfice des seules personnes âgées bénéficiaires de l’APA, alors qu’une telle mesure serait profitable également aux personnes en situation de handicap. De plus, les financements consacrés au renforcement des personnels dans les structures et services apparaissent très insuffisants au regard des besoins en recrutement identifiés dès à présent et pour les prochaines années.
On estime en effet à 350 000 le nombre de professionnels qu’il faudrait former d’ici 2025, dont plus de 92 000 postes à créer et 200 000 à renouveler du fait notamment de départs en retraite.
Le Conseil souhaite également alerter sur le manque de mesures en direction des aidants et de leurs proches, et en particulier la possibilité pour eux de bénéficier de solutions de répit. Il rappelle que l’accompagnement des aidants et proches aidants constitue une condition essentielle de réussite de l’ensemble des politiques de soutien à l’autonomie.
Enfin, il entend également souligner le caractère trop limité des mesures dédiées au développement de nouvelles solutions d’accompagnement dans le champ du handicap et considère sur ce point que ce PLFSS n’est pas à la hauteur de la promesse de la branche. Il espère que la prochaine Conférence nationale du handicap permettra de donner de nouvelles perspectives, auxquels il entend également pouvoir participer.
Le Conseil a donc appelé de ses vœux la préparation d’une loi fixant les orientations de la politique de soutien à l’autonomie ainsi qu’une trajectoire budgétaire pluriannuelle, en sorte d’en garantir la déclinaison équitable dans l’ensemble des territoires au bénéfice de tous. En son absence, les mesures du PLFSS 2023 ne peuvent qu’apparaître en deçà des attentes des bénéficiaires et des ambitions exprimées par ses membres dans plusieurs rapports prospectifs, en particulier dans son rapport de mars 2021 sur le financement des politiques de soutien à l’autonomie.
Dans la mesure où de telles orientations nationales ou une stratégie pluriannuelle seraient coconstruites dans le cadre des travaux du Conseil national de la refondation sur le « Bien vieillir », ainsi que ceux de la conférence nationale du handicap, le Conseil formule par ailleurs le souhait d’y être associé sur les aspects de l’âge comme du handicap.
Chiffres-clés
- L’objectif global de dépenses (OGD) médico-social rectifié pour 2022 progresse de 407 millions d’euros et s’élève à 28,4 milliards d’euros ; l’OGD 22 rectifié est en hausse de +8% par rapport à l’OGD 2021.
- Les recettes de la CNSA devraient atteindre 36,1 milliards d’euros en 2023, en hausse de +3,4% par rapport à celles révisées pour 2022 (+ 8% par rapport à la version initiale de la LFSS pour 2022)
- Les dépenses prévisionnelles 2023 de la branche autonomie s’élèveront à 37,3 milliards d’euros, en hausse de +5,4% par rapport à celles révisées pour 2022 (+ 8,4% par rapport à la version initiale de la LFSS pour 2022).
- L’OGD 2023 des établissements et services médico-sociaux accompagnant des personnes en situation de handicap progresse de +5,2% (+725 millions d’euros) ; celui pour les établissements et services médico-sociaux (ESMS) accompagnant des personnes âgées progresse de +5,1% (+740 millions d’euros).
Plus d’informations
- Annexe 7 du PLFSS 2023 : Dépenses de la branche autonomie et effort de la Nation en faveur du soutien à l’autonomie
- Dossier de presse du PLSS 2023 sur le site du ministère des Solidarités et de la Santé
Cet article a été publié par la Rédaction le