Rapport du Sénat : « L’adaptation des communes et des intercommunalités au vieillissement de la population : bien-vieillir dans nos communes »

AUTRES ACTUS ET INFORMATIONS SUR : POLITIQUE

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Le rapport de Laurent Burgoa et Corinne Féret, adopté le 8 octobre 2024 par la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales, aborde le défi du vieillissement démographique et son impact sur les communes et intercommunalités. Avec une prévision selon laquelle, d’ici 2040, les plus de 65 ans représenteront un quart de la population, les maires sont en première ligne pour répondre aux besoins croissants des seniors. Le document met en lumière le rôle central des élus locaux, qui, face aux insuffisances des politiques nationales, développent des solutions innovantes et transversales pour mieux accompagner les personnes âgées. Ces actions couvrent divers domaines comme le logement, la mobilité, l’urbanisme, l’accès aux services publics, ainsi que la promotion d’activités culturelles et sportives. Il existe déjà de nombreuses initiatives locales exemplaires qui méritent d’être soutenues, valorisées et reproduites ailleurs. Le rapport propose également 11 recommandations concrètes pour améliorer la prise en charge des aînés dans les territoires, à la fois aujourd’hui et pour les années à venir.

Transformer le défi du vieillissement en opportunité pour réinventer nos communes

La décennie 2020 est marquée par l’« « explosion » du nombre de personnes âgées de 75 à 84 ans », qui atteindra 6,1 millions en 2030. Dans ce contexte, les maires s’affirment comme les « grands architectes de la transition démographique ». L’adaptation au vieillissement concerne l’ensemble des dimensions de la vie quotidienne des « seniors », que l’on pense aux solutions de mobilité et aux travaux de voirie, à l’accès aux services de proximité ou à la lutte contre l’isolement. Dans ces matières, alors que les initiatives foisonnent à l’échelle locale, le rôle des communes et des intercommunalités doit être pleinement reconnu et conforté. Comme le rappelait le Sénat lors des débats sur la proposition de loi dite « Bien vieillir », une loi de programmation pluriannuelle pour le grand âge reste incontournable pour faire du « bien vieillir » une « grande cause nationale », conformément aux valeurs de fraternité.

Le Bloc Communal, qui s’investit de longue date au service des aînés, est confronté à des défis inédits

Les communes rurales et littorales sont particulièrement marquées par la « gérontocroissance ». La part des personnes de plus de 60 ans atteint également des niveaux élevés dans certains territoires d’outre-mer (la Martinique abritant 33 % de personnes de plus de 60 ans).

Sur le fondement de leur clause de compétence générale, les communes se sont affirmées comme des maillons essentiels de la prise en charge des personnes âgées, notamment au travers de leurs centres communaux d’action sociale. 96 % des centres communaux et intercommunaux d’action sociale (CCAS et CIAS) fournissent ainsi des aides facultatives aux personnes âgées. À titre d’exemple, le CCAS de Bellegarde (Gard) participe activement au dispositif Monalisa (Mobilisation nationale contre l’isolement des âgés) en mobilisant des équipes de citoyens bénévoles pour accompagner les personnes âgées isolées.

Si la création des CIAS n’est possible que depuis 1986, l’échelon intercommunal peut constituer une échelle pertinente pour la mutualisation de certaines actions de soutien aux personnes âgées, pourvu que les acteurs communaux soient étroitement et régulièrement associés à cette démarche (par exemple, au sein des commissions « cohésion » ou « grand âge » de l’intercommunalité, ou encore via la conférence des maires).

Les communes et les intercommunalités n’en restent pas moins confrontées aux lacunes des politiques nationales. La problématique de l’adaptation du logement en est un exemple éloquent : à l’heure où 85 % des Français souhaitent vieillir à domicile, les politiques publiques de l’habitat « ne prennent en compte le vieillissement à domicile que de manière embryonnaire ». Le dispositif MaPrimeAdapt’, lancé le 1er janvier 2024, n’est prévu que pour adapter 680 000 logements en dix ans (bien en deçà des besoins estimés à près de 2 millions). De surcroît, les premiers retours du terrain, collectés par l’UNCCAS, font état de « difficultés pour les personnes bénéficiaires à consentir des avances de trésorerie qui peuvent être importantes et freiner les opérations de travaux ».

Pour combler ces retards, les dispositifs d’habitat intermédiaire se sont multipliés à l’échelle locale, soutenus par des communes et des intercommunalités. Ainsi, le département du Gard a développé le label « Maisons en partage » en soutien de certaines initiatives portées par des municipalités. Les expériences d’habitats intermédiaires peuvent prendre des formes variées (« béguinages », habitats dits « inclusifs »), mais l’évaluation de leur efficacité reste lacunaire. Ainsi, le nouveau « Centre de ressources et de preuves dédié à la prévention de la perte d’autonomie », créé en 2023 et placé sous l’égide de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA), pourrait s’affirmer comme une instance à l’usage des élus locaux en diffusant les bonnes pratiques auprès des acteurs communaux et intercommunaux.

II. Consacrer le rôle du bloc communal et améliorer son articulation avec les acteurs de la politique du Grand-Âge

De récentes évolutions législatives ont conforté le rôle du bloc communal dans l’adaptation au vieillissement, même si l’articulation avec les acteurs de la politique du grand âge pourrait encore être améliorée.

La loi relative à l’adaptation de la société au vieillissement (dite « ASV ») du 28 décembre 2015 :

  • prévoit une meilleure prise en compte du vieillissement dans les documents de planification. Les programmes locaux de l’habitat (PLH), établis au niveau des communes et des intercommunalités doivent ainsi servir de « supports à des politiques coordonnées d’adaptation de l’habitat au vieillissement et à la perte d’autonomie»
  • a institué les conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie (CFPPA) qui visent, dans chaque département, à définir un programme coordonné de financement des actions individuelles et collectives de prévention pour les personnes âgées de 60 ans et plus. La participation des élus communaux et intercommunaux – qui reste optionnelle – constitue une bonne pratique qui devrait être encouragée, voire consacrée dans la législation.

Par ailleurs, et bien que ses ambitions soient restées trop limitées, la loi dite « Bien vieillir » du 8 avril 2024 :

  • élargit – sauf opposition des personnes intéressées – les possibilités de collecte de données (identité, âge et domicile) concernant les seniors les plus fragiles. Une fois le décret d’application publié, les maires pourront transmettre ces données aux CCAS ou CIAS, aux services sanitaires ou aux établissements et services médico-sociaux pour informer les personnes de leurs droits, proposer des actions de lutte contre l’isolement social ou « organiser un contact périodique » dans le cadre d’un plan d’alerte et d’urgence ;
  • crée, au 1er janvier 2025, un service public départemental de l’autonomie (SPDA), « guichet unique » devant faciliter les démarches d’accès aux services d’aide sociale, de santé et d’accompagnement. Deux points de vigilance méritent d’être soulignés : d’une part, le SPDA devra éviter de fragiliser les dispositifs de coordination déjà en place au niveau local ; d’autre part, sa territorialisation pourrait être renforcée, notamment en permettant aux conseils départementaux et aux ARS de définir des « territoires de l’autonomie » au niveau infradépartemental.

Plus fondamentalement, la coordination des actions ne saurait faire oublier les difficultés liées à la raréfaction des moyens et à la perte d’attractivité des métiers du service à domicile. Comme l’ont souligné l’Association des maires de France (AMF) et Intercommunalités de France, la réussite du SPDA dépendra de la capacité à attirer des professionnels dans le secteur médico-social.

III. L’adaptation du bloc communal au vieillissement doit procéder d’une approche transversale

L’adaptation du bloc communal au vieillissement embrasse tous les aspects de la vie quotidienne des seniors et implique – pour reprendre la formule de Luc Broussy – une « politique à 360° ».

Dans le cadre des programmes Petites Villes de Demain et Action Cœur de Ville, l’Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) prévoit désormais des volets dédiés à l’adaptation au vieillissement, en tant qu’enjeu structurant des politiques locales. Les nouveaux aménagements du centre-bourg de Trévières (Calvados) – commune bénéficiaire du programme Petites Villes de Demain – répondent par exemple, tout à la fois, à des objectifs de redynamisation et d’accessibilité. Engagée depuis 2017 dans des actions de lutte contre l’isolement des aînés, Trévières a en outre obtenu le label « Ville amie des aînés ».

Le délégué général des Petits frères des Pauvres, appelant à décloisonner et défragmenter les politiques publiques, suggère à cette fin de prévoir une délégation spécifique pour les enjeux – par nature transversaux – du vieillissement, en privilégiant la dénomination « maire adjoint en charge des seniors ». Il convient également de mettre l’accent sur la dimension participative des politiques d’adaptation au vieillissement, par exemple au travers de l’institution de conseils des aînés.

Le référentiel proposé par le réseau francophone des « Villes amies des aînés » (RFVAA) est de ce point de vue particulièrement pertinent. Le RFVAA comptait, en octobre 2024, 330 collectivités adhérentes. La ville de Caen (Calvados), qui vise l’obtention du label en 2025, a par exemple conçu à cette fin un plan d’action participatif et transversal, construit autour des huit thématiques du référentiel RFVAA (dont trois concernent l’environnement bâti et cinq l’environnement social).

La visibilité du réseau, encore modeste, gagnerait à être renforcée. Par ailleurs, la subvention annuelle versée au RFVAA par le ministère des Affaires sociales, de l’ordre de 35 000 euros en 2021, pourrait être revalorisée.

IV. De bonnes pratiques pourraient essaimer, sous réserve que le bloc communal dispose des financements adéquats

Un réseau de bonnes pratiques, ayant vocation à être adaptées aux particularités locales, s’est progressivement structuré. Ainsi des ressources mises à disposition par le CEREMA et l’ANCT (au travers de sa projetothèque). Par ailleurs, la CNSA a conclu, fin 2023, une convention ave l’Union des gérontopôles de France, prévoyant le repérage et l’essaimage d’initiatives territoriales prometteuses.

Le développement des bonnes pratiques dépend toutefois de la pérennité des financements et des ressources en ingénierie des communes et des EPCI. Les travaux d’audition ont mis en lumière la pertinence du fonds d’appui aux territoires innovants seniors, expérimenté au cours de la période 2022-2023. Financé par la CNSA et animé par le réseau « Ville amies des aînés », ce fonds de dimension modeste (8 millions d’euros pour la période 2022-2023) a permis de soutenir quelque 152 projets de communes et intercommunalités visant à adapter les territoires au vieillissement de la population.

La pérennisation et l’élargissement de ce fonds – qui soutient des actions concrètes pour les seniors (travaux de voirie, adaptation des mobilités, action culturelle) – s’inscrirait dans une logique de prévention et répondrait à certaines des préoccupations exprimées par les élus locaux.

Les principales recommandations de la mission

  • Étudier la possibilité de faire de « MaPrimeAdapt’ » un dispositif universel ou revoir a minima ses ambitions à la hausse.
  • Encourager la participation des communes et des intercommunalités aux conférences des financeurs de la prévention de la perte d’autonomie (CFPPA), voire envisager de la rendre obligatoire dans la phase de recensement des initiatives locales.
  • Veiller à faire de la bonne association du bloc communal un critère du référentiel de qualité de service du cahier des charges national du service public départemental de l’autonomie (SPDA)
  • Approfondir la territorialisation du SPDA en soutenant également, à l’échelle infradépartementale, les modèles de coordination préexistants.
  • Privilégier une approche transversale de l’adaptation au vieillissement, au travers de la désignation d’un « maire adjoint en charge des seniors ».
  • Renforcer la visibilité du réseau francophone « Villes amies des aînés » (RFVAA).
  • Pérenniser le fonds d’appui pour les territoires innovants seniors dans le cadre du PLFSS pour 2025.
  • Assouplir parallèlement l’exigence de cofinancement par la collectivité ou par l’EPCI et permettre un financement pluriannuel des projets.

Françoise Gatel

Présidente de la Délégation
Sénateur d’Ile-et-Vilaine

Laurent Burgoa

Sénateur du Gard (Les Républicains)

Corinne Féret

Sénatrice du Calvados (Socialiste, écologiste et républicain)


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Cet article a été publié par la Rédaction le

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