A partir du 15 septembre prochain, les actes de télémédecine seront remboursés au même titre que les consultations classiques. Parfois perçue comme une véritable révolution dans le domaine médical, la téléconsultation ne date pourtant pas d’hier, et est en réalité bien loin des projections que l’on peut s’en faire. Tribune libre de Guillaume Lesdos, co-fondateur de Medaviz, spécialiste français de la télémédecine.
Réglementée en France depuis son inscription dans la loi hôpital, patients, santé et territoires du 21 juillet 2009, la téléconsultation existe réellement depuis 10 ans sous forme d’expérimentation dans 9 régions pilotes : l’Alsace, la Basse-Normandie, la Bourgogne, le Centre-Val-de-Loire, la Haute-Normandie, le Languedoc-Roussillon, la Martinique, les Pays-de-la-Loire et la Picardie. Jusque là, elle ne concernait en premier lieu que les plaies chroniques et/ou complexes, avant d’être étendue aux personnes résidant en structure médico-sociale et en EHPAD ainsi qu’aux patients présentant une ALD (Affection Longue Durée), l’objectif étant de faciliter les échanges avec leur médecin traitant.
Le cadre restreint de ces consultations à distance, et le peu de cas d’application, n’avaient jusqu’ici pas permis d’asseoir la pérennité budgétaire du modèle et de déployer cette solution à l’ensemble du territoire. Mais le 15 juin dernier, l’Assurance Maladie annonçait l’ouverture de la téléconsultation (et son remboursement au même titre qu’une consultation physique) à l’ensemble de la France, et à la totalité des échanges entre les médecins et les patients qu’ils suivent, à compter du 15 septembre 2018.
Concrètement, qu’est-ce qu’une téléconsultation ?
Prenons un exemple concret : un patient est suivi par son médecin traitant pour une affection classique, et doit prendre rendez-vous au cabinet tous les 6 mois pour son renouvellement de traitement. Le rendez-vous en téléconsultation est programmé en amont, dans le respect du parcours de soin, exactement comme pour une consultation classique. Via une application sécurisée, le patient se connecte en visioconférence et accède à une salle d’attente virtuelle en attendant que son médecin ne se connecte à son tour. La consultation se déroule ensuite de la même manière qu’au cabinet. A l’issue de l’échange, le médecin adresse son ordonnance au patient de manière sécurisée, qui règle la consultation via une plateforme sécurisée ; le remboursement se fait ensuite automatiquement.
La téléconsultation n’a en aucun cas pour objet de se substituer aux consultations traditionnelles, mais plutôt d’y apporter une solution complémentaire. Elle permet d’une part de désengorger les cabinets des médecins dans le cas d’actes de suivi, et d’autre part d’apporter une réponse aux problématiques de déplacement pour les populations les plus à l’écart.
Car l’objectif premier de la téléconsultation est bien là : réduire les inégalités d’accès aux soins et en garantir l’accès pour tous, et à tout moment, en apportant une réponse aux déserts médicaux et en offrant aux personnes peu mobiles ou âgées une solution adaptée.
Alors pourquoi tant de réticences ?
Consultation au rabais, déshumanisation de la relation patient/médecin, exposition des données personnelles, privatisation des plateformes… La téléconsultation souffre de nombreux à priori.
Là encore, l’exemple du renouvellement de traitement, premier objet de demande de rendez-vous pour 42% des Français*, permet de relativiser la réalité de la téléconsultation. Tout d’abord, il est important de rappeler qu’une téléconsultation ne peut être prise en charge par l’Assurance Maladie sans qu’une consultation physique n’ait eu lieu dans les 12 mois précédents. Par ailleurs, une fois écarté l’aspect administratif et protocolaire d’une consultation classique (accueil, salutations, habillage/déshabillage, présentation de la carte vitale, paiement), le temps réellement consacré à l’examen médical se retrouve bien souvent réduit au minimum pour cause d’engorgement des cabinets. Dans le cas de la téléconsultation, où, rappelons-le, le soignant est en général le médecin traitant du patient, le temps de parole, libéré de ces contraintes, n’en est que plus concentré et plus qualitatif. Nombre d’initiés à ce type de service confient à ce titre apprécier de ne pas se sentir “expédiés”.
Quant à la question de la sécurisation des données, rappelons que les plateformes dédiées à la téléconsultation, combinées aux logiciels sécurisés déjà utilisés par les médecins, obéissent à de nombreuses exigences techniques et sanitaires, bien plus strictes en termes de confidentialité que la traditionnelle ordonnance laissée à disposition à l’accueil du cabinet, à la vue de tous.
Enfin, l’intervention d’acteurs privés dans le développement de plateformes adaptées à cette nouvelle pratique de la médecine est à l’image de nombre d’évolutions dans le domaine du service public. Car avant qu’une solution viable ne puisse être déployée par les services publics, la mise à disposition de solutions prêtes à l’emploi par des acteurs extérieurs est bien souvent la clé d’un déploiement à l’ensemble de la population.
Démystifier l’évolution des usages
La signature de l’accord pour le remboursement de la téléconsultation pose finalement un cadre réglementaire, et apporte une solution simple et sécurisée à une pratique déjà courante chez certains professionnels de santé. C’est une réponse concrète aux inégalités d’accès aux soins, sans compter les économies de transport sanitaire que représente une diminution du transport des personnes âgées ou à mobilité réduite. La téléconsultation ne remplacera par ailleurs jamais 100% des consultations classiques, l’examen clinique approfondi demeurant incontournable dans certains cas.
Reste la question des déserts numériques, qui va bien souvent de pair avec celle des déserts de soins. Car si en l’état, le remboursement d’une téléconsultation implique un échange obligatoire par visioconférence, qu’en est-il des patients pour lesquels la maîtrise de l’outil numérique demeure un obstacle ? A quand l’évolution vers une prise en charge des consultations par téléphone ?
*étude OpinionWay pour Medaviz, Les Français et le médecin généraliste, mai 2018
Cet article a été publié par la Rédaction le