Les impacts d’une mauvaise santé bucco-dentaire sont méconnus et très souvent sous-estimés, aussi bien en France qu’au niveau mondial. Pourtant, dans le monde, près de 100% des adultes présentent à un moment donné de leur vie une infection bucco-dentaire, la carie étant l’infection la plus fréquente.
Les infections bucco-dentaires peuvent avoir des répercussion sur l’état général d’une personne, notamment si elle est fragile ou âgée (maladies cardiaques, affections dermatologiques, rhumatismes, etc…). Sans compter que l’estime de soi et le facteur social sont souvent affectés chez les personnes présentant des problèmes bucco-dentaires.
La Fédération Dentaire Internationale (FDI) encourage les gouvernements à sensibiliser les populations sur les comportement à adopter en matière de santé bucco-dentaire. En France, les personnes âgées en situation de dépendance, notamment celles hébergées en établissement, sont identifiées parmi les populations à risque par le Ministère de la santé.
Santé bucco-dentaire des personnes âgées : le point de vue du médecin
Dr. Agnès Gepner – Fondatrice d’Incisiv, association dont l’objectif est de donner à des personnes dont la mobilité est réduite ou nulle la possibilité de recevoir des soins dentaires chez elles.
La nutrition – c’est une évidence mais il n’est pas inutile de le rappeler – commence par une dentition compatible avec une alimentation normale. Selon l’étude de la DREES en 2011, on sait que 75% des personnes dépendantes n’ont plus cette dentition et s’alimentent de moins en moins bien. Dans ces cas l’alimentation devient de plus en plus molle et sucrée, ce qui aggrave encore les lésion gingivo-dentaires. Or nous savons quelles sont les conséquence de la dénutrition, tout particulièrement chez les personnes âgées et fragiles.
Le vieillissement entraîne une altération des capacités du sujet à moduler les apports nutritionnels quand les besoins augmentent, à l’occasion d’une maladie par exemple.
La dénutrition entraîne un déficit immunitaire favorisant les infections, un amaigrissement avec fonte musculaire et déminéralisation osseuse responsables des chutes, elles-mêmes pouvant conduire aux fractures (notamment du col du fémur), donc à l’alitement avec ses conséquences morbides (phlébites, escarres,etc.).
Les soins bucco-dentaires constituent donc une étape primordiale dans la prévention de la dénutrition des personnes âgées. Il ne faut pas méconnaître non plus les conséquences psychiques de la perte des dents et des atteintes infectieuses bucco-dentaires : le sujet a honte de sa bouche, ne veut plus sourire, hésite à côtoyer les proches et désinvestit sa vie sociale. Là encore, les conséquences de ce retrait d’investissement sont très importantes.
Dépistages et soins dentaires en Ehpad : des solutions se développent
Face au grand nombre d’infections, le recours aux spécialistes de santé bucco-dentaire est souvent nécessaire alors que les résidents ne peuvent souvent pas, ou plus, se déplacer jusqu’à un cabinet dentaire. S’ajoute à ce premier problème le fait que pour des raisons techniques et logistiques, rares sont les dentistes qui se déplacent en Ehpad, et généralement il ne s’agit que de dépistages, les soins se faisant en cabinet.
On observe malheureusement que plus le GIR d’une personne
diminue (soit plus sa perte d’autonomie est grande) plus la perte de capacité à maintenir une hygiène de qualité est importante.
Des solutions innovantes se développent en conséquence. La dentisterie à domicile est destinée aux personnes qui ne peuvent pas se déplacer en cabinet : l’équipe se rend directement au domicile ou à l’établissement pour examiner les patients et leur apporter des soins dentaires. Certaines structures travaillent également la nuit, pour nettoyer les prothèses dentaires par exemple.
Le Guide de la santé bucco-dentaire, développé par l’Agircc et l’Arrco ainsi que l’Union française pour la santé bucco-dentaire (UFSBD), propose un ensemble de recommandations pour les établissements pour personnes âgées : former le personnel soignant, les résidents, leurs proches, favoriser le dépistage, travailler en accord avec les réseaux de santé, etc…
Les besoins en soins
Parmi les personnes examinées, les besoins se répartissent de la manière suivante:
- 14,2% : besoinensoins d’urgence (pour douleurs, blessures, infections ou mobilités
- 39,6% : besoin de détartrage,
- 37,6%: besoin de soins de caries,
- 26,6% : besoin d’extracctions,
- 33,4% : besoin de prothèse.
Intervention bucco-dentaires à domicile : deux cas cliniques
Cas n°1 : M.G…, âgé de 86 ans, atteint d’une maladie de Parkinson très avancée est aujourd’hui grabataire. Il demeure à son domicile, son épouse s’occupant de lui ainsi qu’une personne à temps-plein.
La dernière fois qu’il a été chez son dentiste, il a passé l’après-midi entre l’attente de l’ambulance (très en retard), l’atente chez le dentiste, dont il a désorganisé la consulation, le soin, qui a pris beaucoup plus de temps puisqu’il n’a pas été possible de l’installer sur le fauteuil dentaire et que le dentiste a dû le soigner sur son propre fauteuil. Pour finir, il a fallu attendre l’ambulance qui était partie entre-temps pour une autre mission. Bien que d’autres soins soient nécessaires, tout a été abandonné.
Le dentiste d’Incisiv est venu 3 fois en deux semaines à domicile et a pu réparer la dent cassée, soigner deux caries et ajouter deux dents sur l’appareil qui s’était cassé dans l’intervalle.
Cas n°2 : Mme L…, 93 ans, vit dans un Ehpad à Meudon. Elle est atteinte d’un début de démence et la dernière fois qu’elle a été chez le dentiste, elle a refusé d’ouvrir la bouche et était agitée. Cette situation a fortement déplu au dentiste et à son personnel non formé…
Malgré des douleurs manifestes, il a été décidé de ne pas renouveler l’expérience…
Le dentiste d’Incisiv l’a vue plusieurs fois. Sur les 4 visites effectuées, deux n’ont pas été concluantes mais les deux autres séances ont permis de procéder à l’extraction d’une dent infectée et à un détartrage.
L’humeur de tels patients est variable. Soigner dans un cadre habituel, avec à ses côtés ses soignants habituels, améliore bien évidemment la coopération du patient. Les deux visites inutiles n’ont pas posé de problème puisque le dentiste s’était déplacé pour soigner plusieurs personnes âgées.
Quelques repères
- Plus de 80% des personnes résidant en institution ont des problèmes de santé bucco-dentaire
- Près de 30% des personnes de 65 à 74 ans n’ont plus de dents naturelles.
- Seule 60% de la population mondiale a accès aux soins bucco-dentaires.
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Cet article a été publié par la Rédaction le
après de très bons soins, une prothèse fixe haut et bas parfaite. les dents doivent être extraites.
a 84 ans, en bonne santé, que faut-il craindre pour l’état général ? un dentier est-ce la seule solution?
merci pour votre attention.