La dénutrition touche aujourd’hui 2 millions de patients en France, dont 270 000 en EHPAD et 400 000 personnes âgées à domicile. Toutefois, cette pathologie ne concerne pas uniquement les seniors : elle affecte 20 à 40% des personnes hospitalisées, notamment les malades cancéreux et les malades d’Alzheimer. Fort de ce constat, il devient rapidement indispensable d’identifier les leviers ayant pour objectif de lutter efficacement contre cet enjeu de santé publique.
La dénutrition : enjeux et répercussions sur l’organisme du patient
La dénutrition est un état pathologique qui apparaît lorsqu’il y a un déséquilibre important entre les apports alimentaires (= énergie apportée par l’alimentation) et les dépenses énergétiques (=énergie dépensée par le corps). Les dépenses de l’organisme sont naturellement liées à l’énergie nécessaire pour faire fonctionner notre corps, cela est communément appelé le métabolisme de base. À cela, s’ajoute l’énergie dépensée lors de la pratique d’une activité physique. Dans certaines situations comme un syndrome inflammatoire, une maladie ou une infection, le métabolisme de base augmente fortement. Ce phénomène peut être constaté chez les patients atteints de cancer, ceux ayant subi une lourde opération, ou récemment chez les patients atteints par le coronavirus et montrant des symptômes graves.
Chez la personne âgée, il s’agit de prendre en considération, également, le vieillissement des organes et la fonctionnalité de ces derniers. Ces altérations engendrent une efficacité amoindrie de l’organisme et un besoin énergétique plus important pour assurer les mêmes fonctions vitales.
Les apports alimentaires peuvent être diminués pour plusieurs raisons : perte de goût, dépression, isolement, prise importante de médicaments, effets secondaires des traitements, douleurs, difficultés pour s’alimenter (troubles de déglutition par exemple) ou pour accéder à une alimentation de qualité.
La perte d’appétit étant l’une des causes principales amenant à un état de dénutrition, tout l’enjeu réside dans le fait de redonner le goût de manger aux personnes malades.
L’une des conséquences visibles de cette pathologie sur l’organisme du patient est tout d’abord la perte de poids. C’est mathématique ! Le patient dépense plus qu’il ne consomme mais ce qui inquiète le plus les spécialistes, c’est la rapidité à laquelle les personnes souffrant de dénutrition perdent du poids. Il est à souligner qu’il s’agit d’une perte de masse musculaire et non d’une perte de masse grasse. Ainsi, une personne qui perd du muscle, c’est une personne qui devient vulnérable : elle est par exemple sujette à des états de fatigue, à un risque de chutes, à l’isolement. C’est ce qu’on appelle la sarcopénie.
La baisse des apports, et notamment des apports protéino-énergétiques, a finalement pour conséquence un affaiblissement de l’efficacité des systèmes immunitaire, hormonal et nerveux.
Quelles stratégies pour lutter contre la dénutrition ?
Avoir une alimentation équilibrée, associée à une activité physique régulière, est la base de toutes les recommandations. Il est également important de chasser les idées reçues que les Français peuvent avoir sur les régimes alimentaires.
Lorsque l’être humain vieillit, son organisme subit des changements qui peuvent impacter ses états psychique, nutritionnel et physique. Il peut par exemple faire face à un défaut d’absorption des nutriments, à des troubles digestifs, à une diminution de la résistance aux infections, à des douleurs articulaires etc. Une alimentation enrichie en nutriments (notamment en protéines) et micronutriments (vitamines et minéraux) permet d’atténuer ces modifications physiologiques liées à l’âge.
Enfin, manger est un acte convivial, culturel, qui est perçu comme étant un moment de plaisir et un générateur de lien social. Chez les personnes qui n’ont plus d’appétit et pour qui s’alimenter devient une épreuve, la notion de plaisir prend tout son sens. Il est ainsi urgent de proposer des solutions qui permettent d’augmenter les apports nutritionnels.
Redonner envie de manger à ceux qui n’ont pas faim, le défi de l’alimentation médicale
Le recours à l’alimentation médicale est souvent nécessaire pour densifier les apports caloriques des plats (plus d’énergie, plus de protéines dans un petit volume). Les alternatives alimentaires doivent donc être attractives, goûteuses, variées et adaptées aux capacités physiques pour susciter l’envie du patient. L’ajout de concentrés de protéines et de matières grasses sont des solutions à initier avant même que la dénutrition ne s’installe. Enrichir des gratins de légumes, une soupe ou des desserts est un parfait exemple de recettes faciles à réaliser.
Lorsque l’alimentation de base, même enrichie, ne suffit pas à couvrir les besoins (en moyenne 2000kcal / jour), il est alors nécessaire de la compléter avec des compléments nutritionnels oraux (CNO). Là aussi, le défi est de taille. Ces CNO doivent pouvoir intégrer parfaitement l’alimentation de tous les jours sans que cela devienne une contrainte pour le patient. Pour cela, ils doivent être variés (forme, présentation, conditionnement) et gourmands afin d’assurer leur observance dans la durée. La dénutrition n’est pas une maladie qui peut être guérie en quelques jours, la lassitude peut rapidement s’installer, la variété devient ainsi un élément clé au sein de ce combat.
Pour lutter efficacement contre cette pathologie, il est primordial que tous les professionnels de santé se forment à la nutrition et aux spécificités liées à certaines pathologies. Le parcours de soins du patient et la coordination des soins au domicile doivent être repensés et cela doit passer par une meilleure reconnaissance des métiers du Grand Age. Enfin, il est nécessaire de sensibiliser le grand public aux risques engendrées par cette maladie.
Le rapport Libault « Gand Age et Autonomie », les « Etats Généraux de la Séniorisation » et le plan « Ségur de la santé » en sont de bonnes illustrations.
Cet article a été publié par la Rédaction le