Le 19 juin prochain, la ville de Paris entrera officiellement dans la démarche « villes amies des ainés » programme international piloté par l’organisation mondiale de la santé (OMS). La capitale rejoindra ainsi les 88 villes françaises engagées dans une politique volontariste visant à lutter contre l’âgisme – discrimination liée à l’âge- et favorisant la cohésion intergénérationnelle. Loin d’être anecdotique, cet engagement démontre la nécessité de changer de paradigme concernant la transition démographique à laquelle nous sommes confrontés.
SilverEco.fr publie une tribune libre de Pierre-Marie CHAPON, expert en vieillissement de la population et Directeur de VAA CONSEIL.
Selon l’OMS, les discriminations fondés sur l’âge constituent un phénomène inquiétant. Selon l’institution internationale, 60% des retraités estimaient en 2016 qu’ils n’étaient plus respectés. Au quotidien cela s’illustre par l’impossibilité d’obtenir un prêt bancaire au-delà de 70 ans, ne plus être écouté, être considéré comme inefficace. Le défenseur des droits est d’ailleurs régulièrement saisi pour des discriminations liées à l’âge dans le domaine du travail à des niveaux comparables au racisme et au sexisme. Nous percevons encore trop collectivement la vieillesse comme une maladie ou la dernière étape avant la mort et non comme un sujet stratégique tant économiquement que fraternellement pour notre pays. De notre approche restrictive, nous lançons des plans centrés sur une catégorie de population au lieu de prendre le sujet de manière globale, intégrant les évolutions progressives des individus dans leurs manières de vivre, de consommer ou encore de se déplacer. La « Silver économie » lancée en 2012 est encore trop souvent interprétée comme relevant principalement de la santé, un ciblage beaucoup trop réducteur des industriels focalisés sur les personnes en forte perte d’autonomie qui ne représentent même à 75 ans que 20% de la population.
Au-delà, c’est toute la prise en compte du vieillissement de notre population qui n’est pas à la hauteur de l’enjeu. Si ces 50 dernières années ont été consacrées à l’humanisation des établissements et au développement du secteur médico-social, nous ne pouvons plus nous centrer sur le curatif. Il est indispensable de nous engager dans une véritable politique de prévention primaire et secondaire et de dédramatisation collective du vieillissement. En 2050, près d’un habitant sur trois aura plus de 60 ans, contre un sur cinq en 2005. Être senior sera la norme. La loi d’adaptation de la société au vieillissement portée avec conviction par Michelle Delaunay a permis -enfin- d’entrevoir un nouveau paradigme en y intégrant des éléments relatifs à l’habitat, à l’urbanisme ou encore la mobilité. Bien que constituant un réel apport, la loi est organisée selon un ancien « logiciel » en se structurant autour de l’omniprésence du conseil départemental comme l’interlocuteur historique des actions médico-sociales.
A l’heure des législatives et après une campagne présidentielle durant laquelle la question du vieillissement de la population a été quasiment omise, il serait temps de poursuivre le développement d’une politique globale intégrant la transition démographique avec un nouveau « logiciel ».
Dans cette vision nouvelle, la création d’un secrétaire d’Etat aux ainés est inadaptée. En revanche, la création d’un délégué interministériel à la transition démographique directement rattaché au premier ministre permettrait d’engager des actions transversales sur toutes les politiques publiques. Cette organisation dupliquée de la démarche « villes amies des aînés » présente un véritable intérêt. Au niveau local, la ville de Rennes entrée dans la démarche de l’OMS en 2010 est actuellement en pointe dans le traitement de transition démographique tant pour l’habitat, l’urbanisme ou encore la planification urbaine.
Face aux enjeux du vieillissement dans les territoires péri-urbains et les territoires ruraux, seule une politique coordonnée sur les enjeux de santé, de développement économique et de l’accessibilité permettra d’engager des actions pertinentes et durables pour les territoires. Le traitement de la transition démographique doit être mis en marche au risque de constituer une véritable problématique territoriale dans les prochaines années.
Pierre-Marie CHAPON
Cet article a été publié par la Rédaction le