La crise sanitaire Covid-19 a mis en lumière de nombreux problèmes sociétaux. Si la première vague a été révélatrice de l’isolement des seniors et du manque de personnels soignants, cette troisième vague souligne la détresse d’une jeunesse qui voit son avenir se dégrader. En effet, lors du premier confinement, les Français ont fait preuve d’une cohésion à toute épreuve qui semble se dégrader au fil de mois. Au fil des vagues les générations se heurtent, les opinions tranchées se confrontent, et gronde une possible « guerre intergénérationnelle ».
Cette potentielle crise sociétale en approche résonne fortement lors des débats médiatiques. Cependant, les avis divergent. D’un côté, il y a les Millenials qui se sentent invisibles aux yeux de l’Etat, de l’autre les baby-boomers que certains accusent de ne pas céder leur place de « génération privilégiée ».
Mais parmi les personnes à l’âge d’or, certains s’engagent et s’insurgent contre les boomers et décident de crier haut et fort qu’il faut laisser la place à la jeunesse. Un débat complexe dont émerge finalement plusieurs questions. Celles des libertés individuelles et collectives, de la morale et de l’éthique, ainsi que le schéma complexe de notre société.
La Covid-19 : gros plan sur le mal-être des seniors
La crise sanitaire a apporté un réel coup de projecteur sur la situation des personnes âgées. Qu’elles soient à domicile ou en EHPAD ou en établissements spécialisées, de nombreuses thématiques sont survenues aux yeux de grand public. Isolement, précarité, dépendance… Tant de sujets qui ont amené la société et la classe politique à comprendre le mal-être dont souffrent certains seniors.
Cependant, la pandémie a aussi été un élément déclencheur pour mettre l’âgisme au cœur des débats. Pourtant cette problématique n’est pas nouvelle et certains politiques comme la députée Audrey Dufeu en ont fait un cheval de bataille depuis de nombreuses années.
Cette discrimination par l’âge devient un sujet central dans les débats, puisque les générations semblent s’opposer. « Faut-il sacrifier les jeunes pour sauver les vieux ?« , une question qui peut paraître brutale, mais qui se retrouve depuis plusieurs semaines au cœur de l’actualité.
Est-ce le début d’une guerre des générations ?
Il est difficile, voir impossible, de répondre catégoriquement à cette question tant les avis, positionnements et éléments à prendre à compte sont nombreux. Mais, il est important de relever un certain énervement des jeunes qui se sentent « sacrifiés » au profit de leurs aînés : Ils se sentent « ignorés« , « délaissés« , et « pointés du doigt » et L’expression « OK BOOMER » reprend du service.
Les étudiants, principalement, témoignent d’une « surprotection des seniors » qui s’oppose aux cours annulés ou transformés, aux aides réduites, aux jobs étudiants mis en suspend… La jeune génération a l’impression de « se faire voler sa vie pour protéger celle des personnes âgées« , comme le rapportent plusieurs témoignages.
Des journalistes ou personnalités publiques, considérés comme « seniors », montent également aux créneaux et dénoncent une « génération sacrifiée« . En effet, François de Closets, le cri haut et fort dans les médias et sur ses réseaux sociaux : « Je refuse de sacrifier les jeunes […] Foutre en l’air leur avenir pour des vieux de 80 ans ?« . Il encourage d’ailleurs les seniors à s’auto-confiner. « Que je vive un peu plus ou un peu moins longtemps, ça n’a plus d’importance« , affirme-t-il.
Sur ce point, il est rejoint par Christophe Barbier qui déclare : » Nous avons préféré la sécurité des vieux à l’avenir des jeunes« . L’acteur Bernard Tapie déplore une « jeunesse sacrifiée pour les anciens » et complète « on a pas besoin qu’ils nous protègent si on respecte les règles. » Il continue en insinuant que certains jouent de leur âge pour ne pas respecter les règles sanitaires mises en vigueur...
C’est en expliquant qu’il peut y avoir une guerre des âges que l’on valide l’idée que la guerre des âges pourrait être légitime
Pascal Champvert, Président de l’AD-PA, met en garde, lors d’une conférence de presse, le simple fait de poser la question sur une éventuelle guerre des générations : « C’est en expliquant qu’il peut y avoir une guerre des âges que l’on valide l’idée que la guerre des âges pourrait être légitime« .
Un retour en puissance des baby boomers ?
Si les esprits s’échauffent, ce n’est pas seulement à cause de l’âge, mais aussi de l’époque. En effet, les jeunes remettent aussi en cause le « privilège des baby-boomers« . « Qui a connu le plein-emploi ? Qui a pu accéder à la propriété à des prix accessibles ? Merci boomers ! » s’énervent-ils dans les colonnes de La Dépêche.
La « génération prédatrice » comme il la nomme, n’est pas épargnée par François de Closets qui s’indigne sur RMC et dénonce une « capitulation devant la toute-puissance de l’ancienne génération gâtée des baby-boomers« .
Des attaques directes qui ciblent aussi une tribune publiée le 26 mai 2020 dans le journal Le Monde. 150 personnalités issues de cette « génération dorée« . Estrosi, Drucker, Kahn… Ils demandent un nouveau pacte social entre les générations, plus de financements, pour « relever le défi de la longévité« . Ce à quoi, le journaliste répond : » C’est une génération égoïste, avide de son bien-être« .
Existe t-il un « coût de la vie »?
Cette théorie du « coût de la vie » est amorcée par François de Closets. Il explique la « vie d’un jeune n’a pas le même prix que celle d’un vieux qui l’a déjà bien vécue« . Un concept qui est d’ailleurs systématiquement ressorti (ou rappelé..) à chaque crash aérien : « dans le cadre des indemnisations, les montants compensatoires sont basés sur ce qu’aurait apporté le proche à sa famille en termes de revenus. Une famille qui perd un père cadre ne sera donc pas indemnisé de la même façon que si la victime était ouvrier » et l’âge est aussi un facteur qui est pris en compte dans ces cas de figures…
La « vie d’un jeune n’a pas le même prix que celle d’un vieux qui l’a déjà bien vécue » : Ces propos Pascal Champvert les réfute : » Quand on a 20-30 ans, être vieux ça commence à 40-50 ou 60 ans. Puis à 60 ans, être vieux, c’est avoir 80 ans. » Effectivement, « être vieux » dépend de l’âge que nous avons actuellement. Mais une chose est sûre, avoir un âge avancé ne signifie pas ne plus avoir de rêves ou d’envies. À noter qu’on considère un individu comme étant « senior » à partir de 65 ans. Cependant, l’âge médian en France est de 42 ans.
Entendre que sa vie a moins de prix – la campagne des Petits Frères des Pauvres
Pascal Champvert rappelle : « il est évident que dans notre société française la vie d’un vieux vaut moins que la vie d’un jeune […] Mourir à 20 ans, c’est intolérable, à 40 ans, c’est regrettable, à 60 ans, c’est bien dommage, mais à 80 ans, c’est parfaitement normal.«
Jeunes VS Vieux : un débat immoral ?
Pour l’ethnologue Michel Agier, « la question n’est pas comment on sauve les jeunes ou les vieux, mais comment on sauve l’avenir« . Donc l’opposition des générations serait un faux débat.
Avant même de chercher à émettre une opinion et d’essayer de déterminer qui a raison et qui a tord, il faut être conscient que ce débat ne sera jamais porté devant les grandes instances. Pourquoi ? Car la reconnaissance d’une opposition et d’un d’un favoritisme des générations est contraire aux valeurs fondamentales de la République française.
Il ne s’agit pas que d’un simple débat sociétal, il est aussi éthique et philosophique car il remet en cause tout l’équilibre fondateur de la société. L’économie, le social la santé… Il serait immoral pour les dirigeants de remettre en cause l’individualisme contre le collectif.
Le Président Emmanuel Macron a calmé le jeu « une ségrégation par l’âge autour d’un confinement notamment est inenvisageable« .
Le confinement des seniors n’est plus d’actualité
Si l’hypothèse d’un confinement spécial senior avait été émise dès mai 2020, le sujet ne semble plus d’actualité. Même si François de Closets ou encore Olivier Faure militent pour que les personnes âgées s’auto-confinent pour faire preuve de responsabilités, les seniors vont redécouvrir la vie sociale.
En effet, le Conseil d’Etat a suspendu l’interdiction de sortie des résidents d’EHPAD, qu’il a jugée « disproportionnée ». De plus, Serge Guérin n’en démord pas : » le confinement des seniors est un faux sujet ! 17 millions de Français ont plus de 60 ans […], il serait impossible et non-moral d’isoler les grands-parents pendant que les jeunes reprendraient une vie normale en terrasse« .
Un débat qui présente donc les mêmes arguments, mais pour deux générations différentes.
L’importance de trouver un équilibre
Dans cette période de crise, il est nécessaire de trouver un équilibre. Un équilibre qui ne demande pas « de choisir entre sécurité et liberté, entre sécurité physique et psychique et entre jeunes et vieux« , appuie Pascal Champvert.
Donc, assurer le maintien en bonne santé des personnes âgées ne doit pas dire oublier ou sacrifier une génération en devenir. Des ajustements sont encore à faire et la vaccination apportera peut-être des premiers éléments de réponse, en tout cas cela calmera les débats.
Une guerre ouverte entre les générations pourrait signer un point de non-retour dans notre société, Pascal Champvert conclue : » Construire un pays avec la jeunesse, l’inscrire dans le temps avec la vieillesse« .
Cet article a été publié par la Rédaction le